Volem rien foutre

LES MEMES DISCOURS QU’ IL Y A QUARANTE ANS_SEUL LES CHIFFRES DU CHOMAGE ONT CHANGE. EN PIRE.

Gros plan sur la mine sérieuse d’un homme politique martelant d’une voix assurée que le protectionnisme douanier et l’intervention de l’ état dans les entreprises nuisent au bon développement du marché. Qu’il convient désormais pour la France d’ abandonner sa frilosité pour s’ adapter à la concurrence internationale et vivre dans le risque permanent.
Nous ne sommes pas en 2007 mais en 1967.L’ homme politique n’ est autre que Pompidou. Quarante ans plus tard, les discours vantant les mérites de « la France qui travaille » et de ceux qui « croient à l’ effort » inondent le paysage audiovisuel français tandis que la caméra se faufile dans les salles bondées du Medef ou un Ernest Antoine Seillières chauffé à blanc exhorte ces gagnants de patrons à « maintenir coute que coute notre place dans l’ Europe de demain ». D’autres responsables refuseront carrément de se laisser interviewer.

ILS SORTENT DE LA CONSOMMATION ET NOUS MONTRENT COMMENT

Pierre Carles et ses collaborateurs sont allés enqueter du coté de ceux qui résistent au rouleau compresseur d’ un système économique non seulement dangereux pour l’ environnement mais surtout basé sur le profit au mépris de toute question de sens et de bon sens. Un système qui se maintient en rendant l’ etre humain dépendant de l’ énergie, d’ un véhicule, des services sociaux, de biens de consommations et donc du salariat.
Patiemment ces pionniers de l’ autoorganisation expliquent à la caméra comment ils se débrouillent pour subvenir eux-memes à leurs besoins et se réapproprier ainsi leur vie. Ils construisent des maisons en bottes de paille enduites, installent des toilettes sèches qui fournissent un engrais gratuit et boivent l’ eau des montagnes ; ils s’ éclairent à l’ énergie éolienne, mettent de l’ eau dans le moteur de leur voiture, cultivent des légumes, élèvent des cochons.

En Espagne, le mouvement « Je fauche » colle dans les rues le slogan « argent gratuit ». Des sans abris emménagent dans les appartements désaffectés ou vendus et s’ y enferment pour ne pas en etre expulsés.

Un jeune chomeur harcelé par un coach venu le convertir aux valeurs du néolibéralisme pour en faire un bon demandeur d’ emploi lui explique, serein, pourquoi il préfère ne pas postuler plutot que d’ accepter un job aliénant. Le reporter demande à la cantonnade « est-ce que quelqu’ un ici a déjà trouvé du travail grace à l’ ANPE ? ». Silence géné des demandeurs d ’ emploi. Tout le monde pique du nez dans son journal. Une dame finit par répondre qu’ elle vient surtout par acquit de conscience.

FLEMMARDS OU PIONNIERS ?

Les personnes interrogées rejettent-elles le travail au sens d’ emploi salarié dans le système économique actuel ou l’ activité en soi ? Ce fim nous invite implicitement à distinguer l’ un de l’ autre terme. C’ est en effet sur une confusion perverse entre les deux que s’ appuient les discours culpabilisant les chomeurs prétendument « paresseux ».
Les résistants à l ‘ économie de marché filmé par Pierre Carles ne manquent ni d’ énergie ni de courage. Ils acceptent l’ effort et se montrent audacieux et inventifs. Le mode de vie qu’ ils ont choisi repose sur une analyse lucide d’ un système producteur de marchandises vouées à l’ obsolescence, broyeur d’ individus comme de solidarités collectives et dont ils ne veulent pas etre complices. « Volem Rien foutre » est tout sauf un éloge de la paresse. C’ est une série de suggestions transversales en meme temps qu’ une mise en lumière simple d’ un autre monde possible : un monde exigeant qui secoue quelque peu la paresse de la pensée.

Florence Nawratil