UN NOTRE MONDE - Alsace & Grand’Est

Les uns avec les autres

jeudi 19 avril 2007 par Florence Nawratil

"La dissociété" de Jacques Généreux ( seuil, 2006) se penche sur la mutation anthropologique à l’ oeuvre dans les sociétés occidentales. Une définition individualiste de la nature humaine est en train de s’ imposer qui détruit subtilement la cohésion sociale.

Ce qui distingue la critique de Jacques Généreux des autres critiques du système néolibéral réside dans son élargissement à la dimension anthropologique. Généreux saisit notre système économique et l’ évolution amorcée dans le monde occidental, bien au-delà des considérations sociales et financières, comme le reflet d’ une mutation plus profonde de notre définition de la nature humaine. Généreux ne fait pas oeuvre de science mais de conscience politique et économique. Il ne craint pas de dénoncer la propagande permanente et insidieuse d’ une culture dont les fondements méprisent la nature profondément solidaire de l’ etre humain.

EVOLUTION « NATURELLE » OU CONVERGENCE DES POUVOIRS ?

Après s’ etre interrogé sur le pourquoi de l’ hégémonie néolibérale dans le monde moderne, il démontre à contre-courant de la pensée unique qu’ il ne s’ agit pas d’ une nécessité naturelle qui se serait imposée en vertu de son efficacité mais d’ une complicité des pouvoirs politiques avec les interet financiers de quelques uns qui ont entrainé la victoire des idées qui les justifient.
Qui plus est, de par sa tendance à tout infiltrer, le mode opératoire de l’ économie dominante tend à dissoudre les résistances. La mise en compétition des uns contre les autres nous isole et imprime en chacun de nous la peur, le stress et la conviction de sa propre impuissance à changer le cours des choses. Il en résulte pour chacun un déchirement de l’ etre : d’ un coté notre intuition intime nous fait sentir le besoin d’ une société solidaire, de l’ autre nous sommes en train de basculer dans l’ inhumanité des dissociétés ou chacun doit pour sa propre survie se battre en permanence contre tous. La réalisation individuelle prime sur le bien commun.

L’ INDIVIDU CONTRE LE GROUPE

Intéressons-nous tout particulièrement au volet le plus novateur de cette très lucide et très complète analyse :
Généreux s’ interroge en effet sur la « force centrifuge qui décompose et isole les éléments autrefois solidaires qui composaient une société » qui contribue à une mutilation de l’ etre dans son désir d’ etre pour et avec les autres. Il revisite la genèse de la pensée moderne. Le libéralisme se fonde depuis trois siècles sur une volonté émancipatrice qui devrait amener les hommes, en se libérant des contraintes extérieures et des dogmes imposés, à etre gouvernés par la raison dans un souci de liberté et de bonheur individuel.

La définition de la nature humaine inhérente aux grands courants philosophiques fondateurs de la pensée moderne ont, pour diverses qu’ elles soient, en facteur commun le postulat de la primauté de l’ individu sur le lien social perçu comme aliénant mais néanmoins nécessaire. L’ individu selon les philosophies rousseauiste, pragmatiques ou hobbesienne ne s’ associe avec d’ autres que pour autant qu’ il veut éviter le pire ou retirer un intéret de cette association réduite à la forme de contrats résiliables si l’ on n’ y trouve plus l’ intéret escompté. Les grands mouvements politiques des deux siècles précédents, pour opposés qu’ ils soient dans leur programme n’ en demeurent pas moins tributaires de cette scission opérée par la pensée moderne entre l’ individu et son libre épanouissement d’ une part, le bien commun et ses contraintes de l’ autre.

LA DEPENDANCE AU GROUPE : UNE DONNEE FONDAMENTALE

Les recherches récentes sur les origines et l’ évolution de notre espèce nous montrent le contresens de cette dichotomie. L’ etre humain, de par sa naissance prématurée, de par sa relative faiblesse au regard des autres espèces animales, n’ a du sa survie et son plus haut degré de développement qu’à son regroupement en société. Autrement dit, l’ individu ne peut se développer qu’ en dépendance étroite à ses semblables. Le lien social n’ est donc pas réductible à une simple série de contrat : il le fonde et l’ institue en tant qu ‘ etre humain.
C ‘est cette dissociation de la pensée et tous les dangers politiques et sociaux qu’ elle entraine que Généreux nous invite à réviser : un etre humain ne se réalise pas contre les autres mais avec eux.

Florence Nawratil


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