UN NOTRE MONDE - Alsace & Grand’Est

Pacte avec le diable ?

mardi 17 avril 2007 par Michel Loetscher

Pour le Prix Nobel d’économie 2001 Joseph Stiglitz, "les marchés ne conduisent pas à l’efficacité économique". La mondialisation telle qu’elle est imposée et le "fanatisme du marché" qui tient lieu de doctrine économique au FMI accroissent davantage le bien-être des élites mondialisées de la finance sans frontière que des peuples.

L’ancien conseiller économique de la Maison Blanche et vice-président de la Banque mondiale (1997-2000) met en garde contre le postulat selon lequel "le libre-échange accroît nécessairement le bien-être". Pour lui, la "mondialisation économique est allée plus vite que la mondialisation politique".

L’auteur de Quand le capitalisme perd la tête (Fayard, 2003) révèle que le "fanatisme de marché" conduit à d’inévitables conflits d’intérêts - et à l’impasse : "La recherche de leur intérêt personnel par les PDG, les comptables et les banques d’affaires n’a pas conduit à l’efficacité mais bien à une bulle spéculative, accompagnée d’une allocation massivement déséquilibrée de l’investissement".

Pour limiter "les abus des intérêts particuliers, financiers et industriels" qui dominent la mondialisation, faut-il sauver celle-ci de ses bullocrates et de ses intégristes ?
L’intégrisme libre-échangiste débouche sur un "système chaotique, non coordonné, de gouvernance mondiale sans gouvernement mondial" avec ses vagues de délocalisations, son cortège d’inégalités et d’insécurités.
Pourquoi tant de souffrances inutiles ?

"Nous jouons très gros - pas seulement le bien-être économique, mais la nature même de notre société, voire sa survie sous la forme que nous lui avons connue (...) La première responsabilité d’un pays à l’égard de ses citoyens est de les protéger, et la sécurité nationale doit avoir priorité (...) Trop de pays se sont simplement laissé emporter dans une euphorie orchestrée par les Etats-Unis pour la mondialisation sans prêter attention à la façon dont elle était pensée et gérée."

une économie virtuelle déconnectée du système productif

Joseph E. Stiglitz donne les clés pour faire comprendre comment est imposée actuellement cette mondialisation qui ne s’invite pas que dans nos assiettes :" Pour une grande partie du monde, la mondialisation telle qu’elle a été gérée ressemble à un pacte avec le diable (...) Les progrès de l’intégration dans l’économie mondiale ont apporté plus d’instabilité, plus d’insécurité, plus d’inégalité. Et ils ont même compromis des valeurs essentielles."

Le Prix Nobel propose un véritable guide pratique pour civiliser et démocratiser ce "doux commerce" (selon la formule de Montesquieu) qui s’est affolé depuis la généralisation du libre-échange, avec la mise en place du Gatt (l’accord général sur les tarifs et le commerce) en 1947, la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 1995 et l’avènement d’une dogmatique néolibérale.

Il s’agit de refonder sur un état de droit international - et un ordre juste... - ce qui avant tout est subi par le plus grand nombre comme une globalisation financière, avec ses conséquences : la création d’un marché planétaire des capitaux et l’explosion des fonds spéculatifs.

Avec internet, les liaisons par satellite et l’informatique, la mondialisation se révèle par l’instantanéité des transferts de capitaux d’une place bancaire à une autre en fonction des perspectives de profit à court terme à engranger. Les places boursières de la planète étant interconnectées, le Moloch du Marché-de-la-Finance ne dort jamais. Une économie virtuelle s’est déconnectée du système productif et prend son envol, au gré des variations des taux d’intérêt des monnaies et des perspectives de rémunération du capital. La rentabilité financière des placements supplante la fonction productive. Ainsi, les "investisseurs" peuvent choisir de liquider une entreprise, de "dégraisser" ses salariés et vendre ses actifs pour rémunérer les actionnaires.

"Ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons faire fonctionner la mondialisation, pas seulement pourl es riches, pour les puissants, mais pour tout le monde, y compris les habitants des pays pauvres. Nous avons déjà beaucoup trop attendu."

Il est minuit moins une à l’horloge détraquée de la salle du bal où les convives s’obstinent à aller jusqu’au bout de la fête - afin de se griser de ses ultimes ivresses spéculatives, jusqu’au bout...

Joseph E. Stiglitz, Un autre monde, Fayard, 450 p., 22 euros.


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