UN NOTRE MONDE - Alsace & Grand’Est
découvert au Festival du Réel en 2004

Un cinéma bien réel !

’’Dix-sept ans’’ de Didier Nion ( 2003, 83 mn)
vendredi 30 mars 2007 par Mariette Feltin

A propos du film "Dix-sept ans" de Didier Nion ( 2003, 83 mn), découvert au Festival du Réel en 2004. L’idée n’est pas de courir après l’actualité, mais de donner envie de découvrir des films qu’on a aimés

édité en DVD par Les films du paradoxe

Un cinéma bien réel

"Dix-sept ans" de Didier Nion, est un film documentaire pour lequel la juxtaposition de ces deux termes, « cinéma » et « réel » trouve toute sa justesse.

Dès la première séquence du film, la découverte du personnage filmé en bordure de falaise et de mer, près de la bascule, dans un plan serré et vibrant sur lui, et pour clore cette séquence , sa parole qui dit son envie de se jeter dans le vide, son attirance ambivalente mêlée d’envie et de pas envie, nous plonge dans la réalité d’un jeune garçon de 17 ans, bousculé par la vie, auquel la caméra accorde un regard. Tout le film est contenu dans cette première tension, cette fragilité, ce « prêt à tout lâcher tout en s’accrochant quand même à la vie ». Il évoque ce qui sera également tout l’enjeu du film : ce jeune garçon sera-t-il capable ou non de concrétiser son désir de travailler dans un garage ? En effet, nous allons le suivre dans ses difficultés à mener à bien son projet, bien réel, d’obtenir son CAP de mécanique.

Le film fonctionne par petites touches, chaque fragment est un pur moment de cinéma tant pour des raisons formelles ( choix du cadre, lumière, dispositif) que pour des raisons de sens. Le réalisateur, très investi dans son film, sait préserver tout du long la bonne distance, son portrait devient universel et l’émotion se distille avec une retenue très efficace.

La symbolique de la voiture est explorée dans toutes ses variantes : la vitesse, le bijou qu’on bichonne, l’évasion, la conduite de sa vie, et la mécanique, dans son double mouvement de démontage / remontage, qui devient une allégorie très juste de cette vie si tôt cassée, qui ne pourra se construire qu’en déconstruisant ( est-ce possible ?) afin de reconstruire quelque chose de plus solide.

Le garage est superbement filmé, la confrontation avec les machines, implacable…rigueur, discipline, concentration, imperméabilité aux états d’âme…sentiment d’une tâche insurmontable, poids du réel.
La question de la transmission est traitée à différents niveaux. La présence / absence de la mère, dont la dimension maléfique est renforcée par le fait que le seul moment où elle existe, c’est à travers sa voix off vénéneuse, qui crache tout son venin au sens littéral du terme.
Comment continuer malgré tout, à essayer de construire sa vie, de construire ce film ? Le père, cruellement absent, fantasmé, à la souffrance duquel le fils s’identifie, grave dans le film la béance d’un deuil resté en souffrance.

Autres figures tutélaires, les hommes rencontrés dans ce parcours, ceux qui travaillent dans le garage où il est en stage et ceux qui enseignent dans la formation qu’il suit. Un univers d’hommes qui tout en transmettant un savoir-faire vont tenter de réparer les dégâts, d’être à la fois compréhensifs et exigeants, un pont entre l’univers intérieur et le monde extérieur ( bien connu pour ne pas faire de cadeaux), un petit pallier de décompression avant le véritable saut dans le vide, l’inconnu de la vie active où les failles de chacun ne sont plus prises en compte. Le filmage en intérieur ( garage, lycée) symbolise le monde extérieur, ses limites, et ce qui est filmé en extérieur le monde intérieur sans limites et tortueux du personnage, sa fragilité en tension …à la frange .. le bord de la falaise en bord de mer…

Quant au réalisateur lui-même, figure invisible omniprésente, il rappelle à son personnage dans un moment fort du film le contrat qu’il a passé avec lui, exigence qui renvoie à celle qu’il aura à honorer dans le contrat qu’il essaie de signer avec la vie … sa vie. Comment ne pas se demander jusqu’à quel point elle lui appartient, sa vie ?

Tout est mis en scène avec une justesse qui colle à la réalité du personnage, et c’est ce qui me touche le plus dans un documentaire : ni trop formel, ni trop « reality », et cette justesse tient jusqu’à la fin du film, qui s’achève dans un très beau revers de situation, tant réel que filmique, qui ouvre le film sur une vision un peu moins bouchée de l’extrême fragilité du personnage, un film à la fois lucide et bienveillant.
Je suis sortie bouleversée de cette projection de 83 mn, tant par l’histoire de ce personnage que par l’équilibre subtil que le réalisateur a su trouver entre le cinéma et le réel.

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17 ans de Didier Nion (2003, 83 mn)

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