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Beit Safafa : scindé en 1948, réunifié en 1967

Samedi 25 août 2012 - 11 h 03 AM

samedi 25 août 2012

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Jeudi, 23 Août 2012 14:00 Maath Musleh Actualité

Beit Safafa, un village palestinien au sud de Jérusalem occupée, a été scindé par l’occupation de 1948 et réunifié lors de l’occupation de 1967

Le nom Beit Safafa est d’origine syriaque. Il signifie « la maison des assoiffés ». Ce village faisait partie des très rares villages palestiniens à avoir été scindés au lendemain de la guerre de 1948. Ironiquement, quand Israël occupa la partie orientale de Jérusalem, en 1967, le village fut réunifié. Beit Safafa est le berceau de trois clans : les Salman, les Alian et les Hussein. Actuellement y vivent quelque quinze mille Palestiniens.

En novembre 1947, les Nations unies annoncèrent le plan de partition. Ce plan fut rejeté par les autochtones, de même que par les nouveaux immigrants en Palestine. Partout en Palestine, des affrontements eurent lieu entre les forces militaires sionistes, bien entraînées, et les citoyens palestiniens pauvrement équipés. Les forces sionistes se mirent à attaquer des villages palestiniens en vue d’en chasser les habitants. À l’instar des autres villages palestiniens, Beit Safafa subit des attaques des colons des implantations toutes proches de Ramat Rachel et de Mekor Chaim.

A.M., 83 ans et ancien résident de Beit Safafa, avait dix-huit ans quand les attaques commencèrent en 1947. « Après le plan de partition de l’ONU, en 1947, des colons de Mekor Chaim se sont mis à attaquer notre village la nuit », déclare A.M. « Nous repoussions ces attaques avec l’aide de quelques volontaires venus d’Égypte et du Soudan. » Beit Safafa eut son premier martyr fin décembre 1947 : Musa Al Haj Issa « AbelZeit » fut tué en défendant l’entrée sud du village contre une attaque sioniste.

En raison des attaques de 1947, les habitants de Beit Safafa se procurèrent des armes de diverses sources. Chaque homme était tenu d’acheter son propre fusil en fonction de ses capacités financières. Fin mars 1948, après cinq mois d’attaques nocturnes contre le village, les hommes d’Abdel Qader Al Hussein arrivèrent à Beit Safafa. Al Hussein était le chef des forces militaires palestiniennes locales, l’Al Jihad Al Muqadda, constituées à travers la Palestine dans l’espoir de résister aux attaques sionistes. En compagnie des habitants de Beit Safafa, les hommes d’Al Hussein préparèrent leur première attaque contre la colonie de Mekor Chaim. Un villageois fut tué au cours de cette opération. Les pertes sionistes sont demeurées inconnues.

L’important combat suivant, pour les villageois, eut lieu dans le bourg palestinien voisin de Qatamoun. À partir de mai 1948, les milices sionistes lancèrent une attaque de grande ampleur contre Qatamoun, dans l’intention de l’occuper et d’en chasser les résidents palestiniens. Des habitants armés de Beit Safafa prirent le chemin du monastère de Qatamoun sous attaque. Six villageois furent tués au cours de ce raid manqué contre les miliciens sionistes bien équipés, qui finirent par se rendre maîtres du voisinage.

En mai 1948, A.M. et cinq autres hommes prirent position à l’entrée est du village afin de contrer une attaque émanant de la colonie de Ramat Rachel. La bataille, connue plus tard sous le nom de « bataille de Dar Qattan », vit la première victoire manifeste des gens de Beit Safafa. « Le lendemain, des traces de sang étaient visibles sur le champ de bataille », dit A.M. « Ils avaient eu beaucoup de pertes et nous avions fait main basse sur plusieurs armes et caissettes de munitions. »

La bataille de Dar Qattan fit du bien au moral des habitants de Beit Safafa. Dix jours après que l’Égypte eut déclaré la guerre à l’État sioniste d’Israël nouvellement instauré le 15 mai, d’autres volontaires égyptiens débarquèrent à Beit Safafa. Ces volontaires étaient dirigés par un officier égyptien du nom d’Ahmed Abdel Aziz. Abdel Aziz mena les Palestiniens à plusieurs victoires contre les colonies des environs. Quelques mois plus tard, une unité de l’armée jordanienne arriva à Beit Safafa. Les milices sionistes ne parvinrent pas à occuper le village.

Mais ce n’était pas encore terminé, pour les résidents de Beit Safafa. Le 3 avril 1949, la Jordanie signait l’accord d’armistice de Rhodes avec l’État d’Israël. Selon les termes de cet accord, la Jordanie cédait une bonne moitié des terres de Beit Safafa aux sionistes qui les réclamaient. Israël voulait également s’emparer de la ligne de chemin de fer qui traversait le territoire de Beit Safafa. Ce qu’Israël n’avait pas obtenu durant la guerre lui était cédé par le camp jordanien. Cela divisa Beit Safafa et ses familles et une partie du village resta sous contrôle jordanien, tandis que l’autre passait sous contrôle israélien. Une clôture sépara donc des frères, des sœurs et des familles dans deux États différents

« Nous avons refusé cela ! », dit avec colère A.M. « Ils [les gens du gouvernement jordanien] nous ont dit que c’étaient eux qui prenaient les décisions et que notre avis ne comptait pas. »
« Les familles ont été divisées. La clôture de séparation est devenu l’endroit où se déroulaient tous nos événements gais ou tristes dans les deux camps. L’ONU nous a répertoriés comme réfugiés, puisque nous avions perdu beaucoup de terres. »

Cette situation dura près de dix-huit ans, jusqu’en juin 1967, lors de la guerre des Six-Jours. « Ce ne fut pas une guerre », dit A.M. « L’armée jordanienne avait confisqué nos fusils et nous avait prévenus de ne pas tirer le moindre coup de feu. »
« Ils ont prétendu qu’ils prendraient leurs responsabilités, mais ils se sont enfuis. Certains des soldats jordaniens portaient des vêtements de femmes et ont détalé. Ils n’avaient pas combattu et ne nous avaient pas permis de nous battre non plus. Tout cela avait été préparé à l’avance. »

De façon assez ironique, durant l’occupation de 1967, Beit Safafa fut réunifié. Néanmoins, dès cette même année 1967, le gouvernement israélien se mit à confisquer les terres du village et à installer des colonies. En 1973, la colonie de Gilo fut installée sur des terres confisquées aux villages de Beit Safafa et de Beit Jala. Aujourd’hui, Gilo héberge plus de 40.000 colons. En 1991, le gouvernement israélien confisqua encore d’autres terres au sud-est de Beit Safafa. Des colons juifs éthiopiens installèrent des caravanes et construisirent la colonie de Giva’at Ha Matos.

« Ces terres étaient la propriété d’habitants de Jérusalem, les Nashashibi et d’autres familles », dit A.M. « Après la guerre de 1967, le gouvernement israélien les a confisquées. Nous avons protesté contre ces confiscations mais les forces d’occupation ont réprimé nos protestations et les terres sont parties. »

Aujourd’hui, Beit Safafa est toujours occupé et continue à souffrir des confiscations des terres et des pratiques d’une occupation étouffante. Les habitants refusent de diviser à nouveau le village selon quelque solution politique que ce soit. « Nous n’accepterons pas une nouvelle division de notre village », insiste A.M. « La solution à deux États est inacceptable et l’occupation doit prendre fin. »

Article publié le 21 août 2012 sur Beyond Compromise. Traduction pour le site pourlaplalestine.be : Jean-Marie Flémal