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Le district de Tulkarem (dernier district de notre série) Le district de Tulkarem (dernier district de notre série)

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Les informations fournies dans les articles de cette nouvelle rubrique proviennent du remarquable ouvrage All that remains : The palestinian villages occupied and depopulated by Israel in 1948 (ed. Walid Khalidi )- Traduction : Philippe Lewandowski.

L’ouvrage édité par Walid Khalidi et publié en 1992 (second tirage : 2006) par
the Institute for Palestine Studies (Washington, D.C.) recense, district par district,
l’ensemble des 418 villages qui ont disparu de la carte.

Nous nous proposons
d’en publier des extraits permettant de faire connaître aux lecteurs francophones
la réalité de la Nakba (c’est-à-dire la catastrophe), nom donné par les Palestiniens
à l’évènement tragique dont le gouvernement israélien, dans une vaine tentative
d’effacer l’histoire réelle, prétend même interdire la commémoration.

Pour chacun
des 14 districts traités, nous reproduirons la liste de tous les villages concernés avec
leur population estimée en 1944/45, et en traduisant entièrement l’article consacré à
l’un d’entre eux.

Les Palestiniens aussi ont droit à leurs livres du souvenir.

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Les districts de la Palestine avant 1948

Le district de Tulkarem

Les villages détruits du district

Bayt Lid, Khirbat (460 habitants) ; Bayyarat Hannun (?) ; Fardisiya (20) ;
Ghabat Kafr Sur (740) ; al-Jalama (70) ; Kafr Saba (1.270) ; al-Majdal, Khirbat (?) ;
al-Manshiyya (260) ; Miska (1.060) ; Qaqun (1.970) ; Raml Zayta (140) ; Tabsur (?) ;
Umm Khalid (970) ; Wadi al-Hawarith (1.330) ; Wadi Qabbani (320) ;
al-Zababida, Khirbat (?) ; Zalafa, Khirbat (210).

Miska

Miska avant 1948

Le village se dressait sur une petite colline sablonneuse dans la plaine côtière,
le long de la rive nord d’un wadi [cours d’eau à sec une partie de l’année]. Il était
relié par des voies secondaires à la grande route menant à Tulkarem et à la grande
route de la côte. Le village a pu être fondé par les descendants de la tribu arabe des
Miska, dont les membres avaient immigré dans la région avant, ou dans les premiers
jours de la conquête islamique. L’identification du village avec cette tribu demeure
toutefois incertaine. Par ailleurs, un autre village de même nom mais avec une
localisation différente existait en 1596, dans la nahiya (la plus petite division fiscale
dans le premier système administratif ottoman) de Jabal Shami, liwa’ [province] de
Naplouse. Selon le chroniqueur arabe al-Safadi (mort en 1362), beaucoup d’érudits
islamiques ont attribué leur origine à Miska, y compris le grammairien et
prosodiste ‘Abd al-Mun’im al-Miski (al-Iskandarani), qui mourut au Caire en 1235.
D’après le géographe arabe Yaqut al-Hamawi (mort en 1228), Miska était également
connu pour ses fruits, en particulier la variété de pommes misk (musquées), dont on
dit qu’elle avait été transférée en Egypte par le vizir fatimide al-Hasan al-Yazuri, qui
mourut en 1058. Le général français Kléber et ses troupes passèrent par le village
en allant à Acre lors de l’invasion napoléonienne de 1799.

Assassinat du général Kléber

À la fin du dix-neuvième siècle, Miska était un petit village dont la population
était estimée à 300 habitants. Des oliviers étaient plantés au nord et au sud, et des
figuiers et des palmiers étaient épars de par tout le village. Le plan du village était
globalement carré, et il était divisé en quatre sections inégales par deux rues qui se
croisaient en son centre. De nouvelles maisons, construites dans les dernières
années du Mandat britannique, se trouvaient au nord, au-delà du wadi. La population
était musulmane, et entretenait une mosquée et une école élémentaire.

Quelques
parties des terres environnantes avaient été couvertes de forêts, mais elles avaient
été déboisées et remplacées par des arbres fruitiers. Les ressources aquifères,
notamment les puits, étaient relativement abondantes autour du village.

L’eau
permettait la culture des citronniers sur de grandes portions des terres du village. En
1944, 1.115 dunums (1 dunum = 919 m²) étaient dévolus aux citrons et aux
bananes, et 3.245 dunums étaient alloués aux céréales ; 304 dunums
supplémentaires étaient également irrigués et utilisés pour la croissance d’autres
arbres fruitiers. Du blé, des légumes verts, des concombres et des pastèques étaient
aussi cultivés. Il y avait un tell (tertre de reliques archéologiques enfouies) au sud-
ouest, Dhahrat al-Sawwana, qui donnait la preuve d’une occupation préhistorique.

Occupation et nettoyage ethnique

On dit que des officiers de la Haganah ordonnèrent aux villageois de partir le
15 avril 1948, mais il ne fut pas tenu compte de cet ordre. Quelques jours plus tard,
les 20-21 avril, des unités de la Brigade Alexandroni attaquèrent le village et en
expulsèrent les habitants par la force. Ceci fut exécuté dans le cadre d’une décision
antérieure du commandement de la Haganah d’assurer l’évacuation de toute les
communautés arabes de la région côtière entre Tel Aviv et Zikhron Ya’aqov au sud
de Haïfa dans les semaines qui précèdent le 15 mai.
Au début juin, le Fonds National Juif décida la destruction du village, en même
temps que de quelques autres. Ceci fut fait en dépit de quelque opposition du parti
israélien de gauche Mapam. Le 16 juin, le premier ministre israélien Ben Gourion
pouvait écrire dans son journal que la destruction de Miska était en cours. Toutefois
Ben Gourion évita soigneusement de donner au FNJ une autorisation écrite de
détruire Miska et d’autres villages, probablement pour éviter toute implication dans
l’action.

Implantations israéliennes sur les terres du village

Sde Warburg fut établi en 1938 sur des terres qui avaient traditionnellement
appartenu au village. Mishmeret, établi en 1946, est également proche du site, au
nord-ouest, sur les terres du village. Ramat ha-Kovesh, fondé en 1932, est à environ
1 km à l’ouest du site, quoique non sur des terres du village.

Le village aujourd’hui

Le site est couvert de bosquets de citronniers ; des cactus poussent au long
du périmètre de ces bosquets. L’école à deux salles est toujours debout, et sert de
logement au gardien qui surveille les vergers.

La mosquée sert d’entrepôt pour des
balles de foin et des outils agricoles. De grands pans de ciment d’une clôture
démolie qui avait été construite autour du village restent visibles. La plus grande part
des terres environnantes a été plantée de citronniers par les Israéliens.

Pour en savoir plus : english
arabic, sur le site palestineremebered

Images : Palestineremembered.com
http://www.palestineremembered.com/Tulkarm/Miska/index.html