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Et si on parlait de la Nakba ! (numéro 12)

District de Safad : Sa’ Sa’

dimanche 22 avril 2012 - 09 H 27 PM

dimanche 22 avril 2012

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al NAKBA

(la catastrophe)

Si nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle rubrique intitulée al NAKBA, c’est notamment pour éviter que tous les pernicieux efforts de l’Etat d’Israël pour faire disparaître ce terme de la mémoire de l’humanité aboutissent. Il serait, en effet, dommageable pour l’Histoire que soient « oubliés » les moments tragiques que connut le peuple palestinien, notamment en 1947-1948, période durant laquelle se déroulèrent les événements ayant donné lieu à cette appellation qui se passe de commentaires, les faits étant là pour en témoigner.

Les faits

Faits significatifs précédant la période dénommée Nakba par les Palestiniens

1917 : Le ministre des affaires étrangères du Royaume Uni, sir Arthur James Balfour, déclare envisager "favorablement l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif". L’armée britannique occupe la Palestine et facilite l’entrée et l’installation d’immigrés étrangers armés, créant, de fait, une situation de colonisation.

1922 : La S.D.N (Société des Nations devenue O.N.U) entérine la déclaration Balfour en confiant au Royaume Uni un mandat sur la Palestine. Cette reconnaissance provoque une intensification de la résistance des Palestiniens à l’occupation britannique et à son soutien à l’ établissement de l’Etat d’Israël.

1936-1939 : Un soulèvement majeur et massif marque le point culminant de la double résistance des Palestiniens contre l’occupant britannique et le Mouvement sioniste : "Grande grève", boycott de l’Etat, contrôle des zones rurales par des maquisards ; forte répression par l’armée britannique cantonnée essentiellement aux frontières et qui "réoccupe" plus de 700 villages.

1939-1945 : Seconde guerre mondiale et génocide nazi contre les juifs

Période Nakba

29/11/1947 : L’ONU vote un plan de partition de la Palestine toujours placée sous mandat britannique. Dès le lendemain, le 30 novembre, les affrontements deviennent de plus en plus violents entre les communautés palestinienne et juive ; cette dernière, puissamment armée et soutenue par une opinion internationale encore traumatisée par le tragique sort réservé aux juifs par les nazis, attaque, dévaste, villes et villages palestiniens, harcelant et forçant la population à fuir et c’est ainsi qu’environ 800 000 Palestiniens sont conduits à prendre la route de l’exil.

14/05/1948 : Fin du mandat britannique et proclamation de l’Etat d’Israël contre la volonté des Palestiniens et des Etats arabes voisins. Dès le lendemain, la première guerre israélo-arabe éclate mais 80% de la population de la Palestine est déjà expulsée. Israël déclarera « absents » les propriétaires palestiniens réfugiés dans les pays arabes voisins, ce qui permettra la mainmise de l’Etat sur 90% des terres et possessions palestiniennes après que plus de quatre cent villages ont été rasés.

Ces événements constituent le cœur même de cette tragédie que les Palestiniens ont dénommée Nakba et, au vu et au su de tous les crimes perpétrés durant cette période envers ce peuple martyr par l’occupant toujours présent 63 ans après l’envahissement, on comprend les raisons qui poussent Israël à tenter de faire oublier ce sinistre épisode qui d’ailleurs se prolonge sous d’autres formes plus perverses encore jusqu’à aujourd’hui.

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Les informations fournies dans les articles de cette nouvelle rubrique proviennent du remarquable ouvrage "All that remains : The palestinian villages occupied and depopulated by Israel in 1948" (ed. Walid Khalidi )- Traduction : Philippe Lewandowski.

L’ouvrage édité par Walid Khalidi et publié en 1992 (second tirage : 2006) par
the Institute for Palestine Studies (Washington, D.C.) recense, district par district,
l’ensemble des 418 villages qui ont disparu de la carte.

Nous nous proposons
d’en publier des extraits permettant de faire connaître aux lecteurs francophones
la réalité de la Nakba (c’est-à-dire la catastrophe), nom donné par les Palestiniens
à l’évènement tragique dont le gouvernement israélien, dans une vaine tentative
d’effacer l’histoire réelle, prétend même interdire la commémoration.

Pour chacun
des 14 districts traités, nous reproduirons la liste de tous les villages concernés avec
leur population estimée en 1944/45, et en traduisant entièrement l’article consacré à
l’un d’entre eux.

Les Palestiniens aussi ont droit à leurs livres du souvenir.

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Les districts de la Palestine avant 1948

Le district de Safad

Les villages détruits du district

Abil al-Qamh (330 habitants) ; al-‘Abisiyya (1.510) ; ‘Akbara (390) ; ‘Alma (950) ;
‘Ammuqa (140) ; ‘Arab al-Shamalina (650) ; ‘Arab al-Zubayd (890) ; ‘Ayn al-Zaytun
(820) ; Baysamun (20) ; Biriyya (240) ; al-Butayha (650) ; al-Buwayziyya (510) ;
Dallata (360) ;
al-Dawwara (1.100) ; Dayshum (590) ; al-Dirbashiyya (310) ;al-Dirdara (100) ; Fara
(320) ; al-Farradiyya (670) ; Fir’im (740) ; Ghabbatiyya (60) ; Ghuraba (220) ; al-
Hamra’ (?) ;
Harrawi (?) ; Hunin (1.620) ; al-Husayniyya (340) ; Jahula (420) ; al-Ja’una (1.150) ;
Jubb Yusuf (170) ; Kafr Bir’im (710) ; al-Khalisa (1840) ; Khan al-Duwayr (260) ;
Karraza, Khirbat (?) ; al-Khisas (530) ; Khiyam al-Walid (280) ; Kirad al-Baqqara
(360) ; Kirad al-Ghannama (350) ; Lazzaza (360) ; Madahil (?) ; al-Malikiyya (360) ;
Mallaha (890) ;
al-Manshiyya (?) ; al-Mansura (360) ; Mansurat al-Khayt (200) ; Marus (80) ; Mirun
(290) ;
al-Muftakhira (350) ; Mughr al-Khayt (490) ; al-Muntar, Khirbat (?) ; al-Nabi Yusha’
(70) ;
al-Na’ima (1.240) ; Qabba’a (460) ; Qadas (390) ; Qaddita (240) ; Qaytiyya (940) ;
al-Qudayriyya (390) ; al-Ras al-Ahmar (620) ; Sabalan (70) ; Safsaf (910) ; Saliha
(1.070) ;
al-Salihiyya (1.520) ; al-Sammu’i (310) ; al-Sanbariyya (130) ; Sa’sa’ (1.130) ;
al-Shawka al-Tahta (200) ; al-Shuna (170) ; Taytaba (530) ; Tulayl (340) ;
al-‘Ulmaniyya (260) ; al-Urayfiyya (?) ; al-Wayziyya (100) ; Yarda (20) ; al-Zahiriyya
al-Tahta (350) ;
al-Zanghariyya (840) ; al-Zawiya (760) ; al-Zuq al-Fawqani (160) ; al-Zuq al-Tahtani
(1.050).

Sa’sa’

Sa’sa’ avant 1948

Le village était situé sur une colline rocheuse au cœur des Montagnes de
Haute Galilée. Il était à l’intersection d’un réseau de routes qui le connectaient
aux villages voisins et aux centres urbains, y compris Safad. Le géographe arabe
Abu ‘Ubayd Allah al-Bakri (mort en 1.094) relate qu’il passa par Sa’sa’ en voyageant
de Dayr al-Qasi à Safad. En 1596, Sa’sa’ était un village de la nahiya (la plus petite
division fiscale dans le premier système administratif ottoman) de Jira (liwa [province]
de Safad) comptant 457 habitants. Il payait des taxes sur plusieurs récoltes, incluant
du blé, de l’orge, des olives et des fruits, ainsi que sur d’autres types de produits et
de propriétés, comme des chèvres, des ruchers, et des vignobles. À la fin du dix-
neuvième siècle, Sa’sa’ était décrit comme un village construit sur une petite colline
entourée de vignobles, d’oliviers et de figuiers, avec 300 habitants.

En raison de la proximité d’un réseau de routes menant au Liban, à la
fin des années 30 les Britanniques installèrent des tours de guet et des clôtures de
barbelés à Sa’sa’. Leur but était de contrôler les activités de la résistance
palestinienne et de lui rendre difficile un soutien d’au-delà de la frontière. Les
maisons de village, faites de boue et de pierre, étaient contiguës et formaient des
rangées séparées par des allées étroites et sinueuses. Plusieurs sources
garantissaient des ressources en eaux abondantes. Tous les habitants de Sa’sa’
étaient musulmans.


Photographie de la cérémonie du mariage

Il y avait une petite place de marché au centre du village avec
quelques échoppes, ainsi qu’une mosquée et deux écoles élémentaires, une pour
les garçons et une pour les filles. Les villageois avaient abattu les arbres sauvages
qui entouraient originellement le village et les avaient remplacés par des espèces
domestiques, comprenant des pommiers, des oliviers et des pieds de vigne. En 1944/
45, 4.496 dunums (1 dunum = 919 m²) étaient alloués aux céréales ; 1.404 dunums
étaient irrigués ou occupés par des vergers. Sa’sa’ était construit sur un site habité
de l’Âge du bronze (début du second millénaire avant J.-C.), dont les restes (murs,
tombes, citernes, presses à olive et à raisin) ont été mis au jour. Un des bâtiments
du village, qui bien qu’endommagé et déserté était demeuré debout jusque dans les
années 1960 (lorsque beaucoup de vestiges du village furent démolis par des
bulldozers), avait sans doute été construit au dix-huitième siècle. Les fondations de
cette maison s’avérèrent dater du quatrième siècle de notre ère, selon les
archéologues.

Occupation et nettoyage ethnique

Deux massacres furent commis par les troupes de la Haganah en 1948 : un à
la mi-février, et un autre à la fin octobre.
Le 15 février, une troupe du Palmach du Troisième Bataillon fit un raid sur le
village parce qu’ « il était utilisé comme base par des combattants arabes du village
et d’ailleurs », selon la History of the Haganah. Moshe Kelman, le commandant du
bataillon, avait ordre de « faire sauter vingt maisons et de tuer le plus grand nombre
possible de combattants ». Les assaillants se ruèrent sur le village de nuit, placèrent
des charges explosives dans plusieurs maisons, et activèrent les détonateurs. Le
résultat fut que dix maisons furent totalement ou partiellement détruites, et que « des
dizaines » de personnes furent tuées, selon les estimations de la Haganah. Le
commandant de l’opération en rendit compte en disant qu’ « elle implanta une
grande peur dans les cœurs des habitants des villages [des environs] ». La History
of the Haganah y fait référence comme d’ « un des raids les plus audacieux dans les
profondeurs du territoire ennemi.
Cependant la presse de l’époque dément l’affirmation selon laquelle le village
était utilisé comme base militaire. Selon le New York Times, un grand nombre
d’hommes armés est entré dans le village, et, « sans opposition », plaça les charges
[d’explosifs] contre les maisons.

L’article déclare que 11 villageois (dont 5 petits
enfants) furent tués et 3 blessés, que 3 maisons furent entièrement détruites et 11
autres grandement endommagées. Le Times considéra l’attaque comme preuve que
les forces sionistes avaient pris l’offensive en Galilée du nord. Les mêmes assaillants
attaquèrent également le village de Taytaba, selon l’Associated Press.

Le second massacre fut perpétré le 30 octobre, à l’époque où le village fut
occupé lors de l’Opération Hiram. La description de l’opération par la Haganah
déclare que Sa’sa’ fut facilement pris par la Septième (sheva’) Brigade, et que l’unité
engagée ne rencontra pas de résistance. Et pourtant des actes de « meurtres de
masse » (selon les termes d’Israel Galili, ancien chef du Commandement National de
la Haganah) eurent lieu dans le village.

Selon l’historien israélien Benny Morris, lors
d’une conférence tenue une semaine après les évènements, Galili dit aux dirigeants
du parti Mapam que plusieurs villageois furent également expulsés. Des villageois,
interviewés dans les années suivantes, dirent que plusieurs d’entre eux s’étaient
enfuis le matin précédant son occupation après avoir vu un avion israélien survolant
Safsaf et Jish, et avoir entendu des tirs de canon durant toute la nuit. Mais il semble
que d’autres se soient enfuis en apprenant les atrocités commises à Safsaf, d’après
un témoin oculaire interrogé par l’historien palestinien Nafez Nazal. Mais des récits
détaillés des tueries commises à Sa’sa’ ne sont pas disponibles.
Un aperçu de la souffrance des villageois peut être saisi dans le compte-
rendu établi par Moshe Carmel, le commandant israélien du front nord, qui relate
un incident dont il fut le témoin près de Sa’sa’ peu après son occupation : « Je vis
soudain », écrit-il, « un homme de haute taille à côté de la route, tout courbé, grattant
avec ses ongles la terre dure et pierreuse. Je me suis arrêté. J’ai vu un petit trou
dans le sol, creusé à la main, avec les ongles, sous un olivier. L’homme y déposa le
corps d’un bébé qui était mort dans les bras de sa mère, et le recouvrit de terre et de
petits rochers. »

Implantations israéliennes sur les terres du village

L’implantation de Sasa, établie en 1949, s’étend sur le site du village.

Quelques-uns des vieux oliviers sont toujours là, et plusieurs murs et
maisons sont toujours debout. Plusieurs maisons sont actuellement utilisées par les
Israéliens ; l’une d’entre elles a une entrée et des fenêtres en arc. Une grande partie
des terres environnantes est boisée ; le reste est cultivé par des fermiers israéliens.

Pour en savoir plus : english
arabic,

Images : Palestineremembered.com

Revenir à la présentation générale des faits qui constituent la Nakba.