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La Caravane du Droit et ses suites

Il n’est plus possible d’occulter le sort des réfugiés

Leurs préoccupations doivent être les nôtres.

vendredi 2 septembre 2005

Quelles que soient les convictions intimes et les attentes, pour leur avenir, des réfugiés, le Droit international exige qu’ils aient droit au retour. Qu’ils se saisissent ou non de ce droit en fonction de leur situation actuelle unanime souhait éminement respectable, admirable et pour lequel nous nous devons de lutter à leur côté.n’est pas la question. Ce Droit fait partie de l’arsenal juridique dont ils disposent en tant que Palestiniens et ce droit de rester Palestiniens, où qu’ils soient, est leur quasi unanime volonté et revendication et nous nous devons de les aider à y parvenir. Pour ceux qui les ont rencontrés, prétendre le contraire est une contre-vérité et un soutien du bout des lèvres.

« Moi, je suis d’Iqrat... »
( Al Faraby )

Gisèle avance sur les pas de Salma. Les passages sont étroits. Une odeur nauséabonde infeste l’atmosphère. L’air est irrespirable. Les deux jeunes femmes progressent rapidement dans ces ruelles en labyrinthe que seul un fin habitué parvient à s’y repérer. De temps à autre, Salma se retourne furtivement pour vérifier que Gisèle suit. L’humidité ronge les murs. A certains endroits, les rayons du soleil ne doivent jamais y parvenir.
Soudain, une petite place. Une tâche de lumière et des enfants qui jouent. Salma emprunte un escalier qui s’engouffre sous une voûte. Gisèle hésite mais finit par la suivre. Au bout de quelques marches, un coin d’espace en guise de palier donne sur trois portes dont une vitrée. Un bout de paillasson traîne sur un parterre cimenté, propre. Un petit garçon a suivi les deux jeunes femmes. Il se faufile entre elles et les précède dans un minuscule couloir sombre à l’intérieur d’un logis où règne une odeur de café moulu.
Des photographies sont accrochées tout le long du mur. Que des portraits de jeunes hommes souriant, l’air de vous souhaiter la bienvenue.
Le plafond est bas. Le passage exigu donne sur une salle principale où trône un vaste canapé, devant lequel s’allonge une table basse.
Le lieu est propre, bien rangé, relativement bien éclairé. Une étoffe couleur chatoyante recouvre tout un pan de mur, au-dessus d’un vieux buffet, sur lequel repose un grand panier rempli de fruits.
Des pommes, des poires, des pêches, des abricots, des bananes... quelques grappes de raisins.
Sur la table basse, un plateau argenté avec une grande cafetière entourée de six petites tasses.
Gisèle entend la clameur d’une femme à la voix enrouée. Salma ouvre grand les bras et s’empare de son hôte. Les deux femmes se serrent l’une contre l’autre comme après une longue absence. Il y a de la réprimande dans l’air. Gisèle, restée à l’écart, est confuse. Elle attend.
Toute souriante, les yeux teintés de quelques larmes, son accompagnatrice se retourne vers elle et d’une voix chargée d’émotion la présente à la vielle dame.
« Je te présente Hoda »
« Ma petite fille, viens dans mes bras »
Gisèle ne comprend pas. Elle est déjà enserrée dans les bras de Hoda. Cette dernière dégage une bonté et une force certaine. Gisèle se sent toute petite, troublée par cet accueil chaleureux. Elle ne sait que dire. Elle ne dit rien. Elle se contente de sourire.
« Gisèle vient de Grenoble, une ville en France. Elle est infirmière », dit Salma.
Hoda lui pend les mains, les fixe longuement et les lui embrasse.
Gisèle les retire vite. Elle a les joues en feu. Elle éclate en larmes.
« Moi, je suis d’Iqrat. C’est un village au nord-est d’Akka, proche de la frontière libanaise. Nous fûmes délogés en 1948 et nos maisons détruites à la veille de Noël en 1952. Toutes nos terres ont été confisquées. Mon mari était du village de Tarbikha ... »
Hoda s’est lancée dans l’histoire de sa vie sans que personne ne lui demande rien. D’autres femmes étaient venues entre temps. D’autres enfants. Tout le monde écoutait. Salma traduisait.
Elle a sa façon de raconter. De nouveaux détails qui viennent enrichir d’anciens détails, de sorte que c’est, à chaque fois, une nouvelle histoire. Elle est intarissable. Sa vie se confond avec celle de la Palestine.
Dehors, la nuit est là. La température a baissé. Hoda prend soudainement conscience du temps qui passe. Elle interrompt son récit et dans la pénombre, regarde tout ce monde autour d’elle.
« Il se fait tard et nous avons tous bien faim. » dit-elle.
Salma traduit.
Gisèle acquiesce d’un éclat de rire.
Les lampes à pétrole sont allumées. Les grands et les petits plats recouvrent la table basse. Tout le monde s’installe autour. Le pain est partagé. Hoda raconte la recette de chaque plat.
Les flammes des lampes éclairent les visages et jouent de l’ombre dans toute la salle jusqu’au couloir d’entrée où sont accrochées les photographies des jeunes gens, sans doute tombés en martyrs.
Hoda sert le thé. Elle regarde tous les convives, manière de réclamer le silence. Elle lève son verre tout en fixant Gisèle, et d’un français impeccable lui lance : « Bienvenue à Chatila ! »

Toute ressemblance avec la réalité est pure coïncidence.