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La politique de l’Etat israélien dans les territoires occupés suscite le débat syndical.

Les enseignants anglais prêts à boycotter les universitaires israéliens.

Polly Curtis et Will Wookward, mardi 5 avril 2005, The Guardian (www.EducationGuardian.co.uk)

mardi 12 avril 2005

Les universitaires israéliens qui refusent de condamner les actions de leur gouvernement dans les territoires occupés risquent d’être boycotté par le syndicat majoritaire des enseignants britanniques.

L’assemblée générale annuelle de l’Association des professeurs universitaires qui s’ouvrira le 20 avril à Eastbourne posera la question du boycott éventuel de trois des huit universités israéliennes, Haifa, Bar Ilan et l’Université Hébraïque de Jérusalem, pour leur connivence avec la politique gouvernementale dans les territoires occupés.

Il y a deux ans, le même syndicat avait voté contre un tel boycott, mais il est probable que cette année il n’en ira pas de même.

Le nouvel appel au boycott inclut une clause visant à exclure « les universitaires israéliens consciencieux et les intellectuels qui s’opposent à la politique raciste et colonialiste de leur pays ». Les universitaires palestiniens aussi ont appelé au boycott international d’Israël. Sue Blackwell, enseignante à l’université de Bimingham et co-auteur de la motion explique : « Nous sommes mieux organisés désormais. L’une des raisons pour lesquelles nous n’avions pas gagné la fois dernière, c’est qu’il n’y avait pas de la part des Palestiniens un appel clair et public au boycott. Maintenant c’est acquis, c’est écrit ».

La campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël a démarré l’année dernière. L’appel a été signé par 60 syndicats d’enseignants, ONG et associations de Cisjordanie et de Gaza. Un sondage à l’université d’al-Quds, étudié dans le supplément Education du Guardian, révèle que le boycott est soutenu à 75%.

Gargi Bhattacharyya, membre du bureau et président de l’AUT ajoute : « Je soutiendrai l’appel au boycott. Les choses empirent pour nos collègues palestiniens, et ils nous disent que la pression internationale constitue un soutien efficace, pacifique, et intensément mobilisateur pour leur cause. Je pense que l’émotion est très vive, autour de ce qui se passe en Palestine, tout le monde est angoissé par la destruction des structures éducatives en Palestine. Potentiellement, nous avons un immense soutien international ».

Le bureau du syndicat doit encore décider quelle forme précise donner à l’appel des Palestiniens. Sa motion reconnaît « le fait que la solution pacifique aux problèmes du Moyen Orient ne viendra pas de l’édification de murailles, mais du dialogue ouvert ».

Aujourd’hui, le Guardian de l’Education produit également des preuves du fait que les universitaires britanniques ont commencé à décliner des offres de collaboration avec les grandes organisations de recherche en Israël, au nom de leur objection à la politique israélienne.

L’année dernière, la Fondation Scientifique israélienne (ISF), l’organisme principal pour le financement de la recherche, a enregistré une douzaine de refus de collaborer.

L’une des lettres reçues le mois dernier d’un professeur dont le nom n’a pas été révélé, précise : « Je soutiens le boycott universitaire des institutions universitaires israéliennes, c’est ma façon de concrétiser ma protestation contre les violations des droits humains pratiqués par Israël, et l’occupation illégale de la terre palestinienne ».

Quant à Tamar Jaffe-Mittwoch, directeur de l’ISF, il a dit que les refus ont provoqué un choc. « Le choc vient du fait que le monde universitaire se trouve contaminé par la politique, alors que pour nous l’université devrait en être préservée ». L’Université Hébraïque refuse de reconnaître la motion de l’AUT qui précise que les familles palestiniennes ont vu leurs terres confisquées. Le professeur Nachman Ben-Yehuda, doyen en sciences sociales, dit que le boycott fera du tort à l’université. « Cela va affecter toutes les relations entre le Royaume Uni et Israël ; les répercussions seront très graves », ajoute-t-il. « Je pense qu’il est juste de critiquer un pays ou une université, et je pense que nous devrions être critiqués pour des choses que nous ne devrions pas faire. Mais dire qu’on va mettre un terme au dialogue, c’est toucher à quelque chose de fondamental, car nous avons l’habitude de régler les problèmes par le dialogue ».

L’université de Haïfa a également rejeté l’accusation de restreindre la liberté des chercheurs dont les thèses sont critiques envers Israël [allusion au cas de l’historien Ilan Pappe]. L’université a répondu au Guardian qu’elle « soutenait sans ambiguïté la liberté de recherche universitaire ».

Les universités britanniques vont devoir prendre position, si le boycott se répand. Aucun universitaire, pas plus que la moindre institution, n’a été accusé de contrevenir aux lois anti-discrimination, pour avoir refusé de collaborer avec un Israélien. A l’automne 2003, l’université d’Oxford a suspendu le professeur en pathologie Andrew Wilkie, deux mois après qu’il eut refusé un travail d’un étudiant israélien en doctorat parce qu’il avait un « gros souci » par rapport au traitement israélien des Palestiniens.

Mona Baker donna lieu à une crise internationale en 2002 lorsqu’elle exclut deux universitaires israéliens de la rédaction du journal de traductologie qu’elle dirige, en application du boycott. Cependant, elle ne fut pas inquiétée pour avoir bafoué le moindre règlement, au sein de l’Institut de Science et Technologie de l’Université de Manchester, où elle exerce.

Traduction Charlotte de Saussure.