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L’invité du blog de Paul Jorion : François Leclerc

« Vertueuse Allemagne »

Lundi, 12 septembre 2011 - 8h22 AM

lundi 12 septembre 2011

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Deux seuls pays semblent compter dans l’Europe d’aujourd’hui : la Grèce et l’Allemagne. Le premier parce qu’il est celui par qui le malheur pourrait arriver, et le second pour la même raison.

Les dirigeants européens sont engagés dans une course d’obstacles – qui se multiplient – afin de sauver la Grèce en finissant de l’étrangler. C’est à ce prix, quitte à l’exclure de la partie commence-t-on à admettre, que le reste de l’édifice pourrait continuer à tenir debout. Une chanson que les marchés n’apprécient plus. Eux ont enregistré que les liaisons incestueuses entre la dette publique et privée alimentent une machine infernale dont on entend distinctement le tic-tac.

La confusion règne à ce point à ce propos qu’en même temps Moody’s annonce étudier la dégradation des banques françaises et que Christine Lagarde procède à une diplomatique retraite sur le montant de la recapitalisation du système bancaire européen.

Tous les regards se braquent sur l’Allemagne, en position d’arbitrage, afin d’essayer d’anticiper l’évolution de sa politique européenne. Toutes les suspicions affleurent à nouveau, sans que pour autant le paysage ne s’éclaire. Les uns parient que son intérêt bien compris l’emportera et que l’Europe s’en sortira (mais dans quel état ?), les autres constatent que les blocages sont profonds et que la zone euro ne peut plus qu’éclater. Sans pour autant, dans les deux cas, parvenir à appréhender ce que cela représentera pour la suite.

Grand cas est fait d’un plan d’urgence qui utiliserait les ressources disponibles du Fonds de stabilisation financière pour soutenir les banques en cas de défaut grec et empêcher que l’Italie et l’Espagne entrent franchement dans la zone des tempêtes en leur accordant des lignes de crédit sur lesquelles elles pourraient tirer. Une autre hypothèse, qui pourrait rétrospectivement expliquer la démission de Jürgen Stark, le chef économiste de la BCE, serait que celle-ci n’aurait pas d’autre choix que de s’impliquer fortement pour éviter que tout ne s’écroule, les nouvelles missions du Fonds n’ayant pas été ratifiées.

En réalité, cette situation reflète l’impasse totale dans laquelle se trouve la résolution de la crise de la dette, dont un seul de ces volets, celui de la dette publique, continue d’être reconnu, sans pour autant le maîtriser. En dépit du fait que la dette privée, des banques en premier lieu, s’est réinvitée dans le panorama et ne va désormais plus le quitter.

Un éclairage à propos de la vertueuse Allemagne s’impose à ce sujet. Deux bad banks (structures de défaisance) créées en 2009 y stockent plus de 250 milliards d’euros d’actifs, les experts ne s’accordant pas sur l’estimation du montant des pertes sur ceux-ci qui vont devoir au fil du temps être couvertes sur fonds publics. Il y a en effet de tout dans ces actifs, depuis des obligations d’Etat de la zone euro jusqu’à des titres adossés sur des crédits américains de l’immobilier, notamment dans le secteur commercial, pour lequel 2012 est l’année de tous les dangers.

Les dépréciations en cours et à venir, sur lesquels la plus grande clarté ne règne pas, vont rapidement épuiser le capital dont sont dotées ces deux bad banks, imposant des recapitalisations. C’est en réalité l’équilibre budgétaire allemand qui est potentiellement mis en question par cette situation explosive. Gagner du temps et ne rien dire est dans l’immédiat la politique suivie, sans plus de visibilité pour la suite, car rien n’est prévu par le gouvernement.

Le monde bancaire est à son tour suspendu aux événements. Le discours favori des Français sur leurs banques les plus solides du monde ne pouvant plus être tenu, la ligne de repli est pour le moment d’affirmer qu’elles n’ont nul besoin d’être recapitalisées, ce qui n’impressionne pas les investisseurs en bourses, pas plus que ne le font les injections de liquidité de la BCE. Les banques britanniques vont de leur côté obtenir que leur réforme soit repoussée à plus tard, ce qui n’est pas vraiment signe de leur excellente forme, car elles tiennent à garder ensemble pour se consolider leurs activités de détail et sur fonds propres. Quant à la recapitalisation du secteur financier espagnol, elle se poursuit difficilement, au fur et à mesure que le taux de leurs créances douteuses augmente. L’Etat va déjà devoir injecter dans cinq établissements (des Cajas, les caisses d’épargne) 7,5 milliards d’euros. Le reste aura été épongé à la faveur de regroupements ou d’entrées en bourse, à la faveur de valorisation bradées.

La semaine va commencer… Le conseil d’administration du FMI se réunit mercredi à propos de la Grèce, les ministres des finances européens se retrouvent en Pologne en fin de semaine, le décor est planté, les bourses européennes peuvent ouvrir demain lundi matin pour l’acte qui suit.