Accueil > Rubriques > Pratiques économiques et financières > Quand les régulateurs reparlent – à mots couverts – de crise (...)

Source : Anti-K

Quand les régulateurs reparlent – à mots couverts – de crise financière

Lundi, 1er juin 2015 - 16h36

lundi 1er juin 2015

BRUIT de FOND
(ndlr)

============================================

<

En 2014, « les marchés financiers ont confirmé qu’ils jouaient à nouveau leur rôle de financement de l’économie. » C’est l’un des principaux constats dressés par Gérard Rameix, président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), lors de la présentation du rapport annuel du gendarme boursier, mardi 5 mai. Un constat doublement heureux. D’abord parce que depuis la crise financière de 2008, les régulateurs boursiers se sont donné pour mission de « redonner du sens à la finance », de remettre celle-ci « au service de l’économie. »

Ensuite, parce que les entreprises européennes, qui, contrairement à leurs homologues américaines, se financent encore à 70% auprès des banques et à hauteur de 30% seulement sur les marchés, vont avoir un besoin croissant de ces derniers, les banques ayant les coudées moins franches pour accorder des crédits, du fait du tsunami réglementaire qui s’est abattu sur elles depuis 2009. L’an dernier, une trentaine de sociétés se sont ainsi introduites sur la Bourse de Paris, où elles ont levé un total de 4,3 milliards d’euros, un montant trois fois supérieur à celui de 2013. Et le premier trimestre 2015 a déjà vu une douzaine d’entreprises faire leurs premiers pas sur la cote parisienne, où elles ont levé une somme globale de l’ordre d’un milliard d’euros.

Une mise en oeuvre insuffisante des réformes post-crise financière

Il faut dire qu’après une hausse modeste de 3% environ en 2014, les marchés d’actions européens ont débuté l’année 2015 sur les chapeaux de roues, avec un indice Dow Jones Euro Stoxx 50 qui grimpe de 15,42% depuis le 1er janvier. Mieux, le CAC 40 parisien et le DAX francfortois affichent chacun une envolée de 18,5%, et celle du MIB milanais dépasse les 20%. A l’origine de ces performances : une économie qui a cessé de se dégrader au sein de la zone euro, la baisse de la devise européenne – favorable aux exportations -, le repli du prix du pétrole et, surtout, le programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE), lancé par la Banque centrale européenne (BCE) le 9 mars, afin de tenter de revigorer l’économie du Vieux Continent.

L’AMF « ne peut que se féliciter du regain d’activité et d’optimisme des marchés financiers », a reconnu Gérard Rameix. Il y a un « mais » : le patron du gendarme boursier incite à la vigilance, « la situation macro-financière demeurant incertaine. » Plus précisément, Gérard Rameix estime en premier lieu que « la mise en œuvre des réformes destinées à prévenir une nouvelle crise financière [et décidées à l’échelle internationale, lors du G20 de Pittsburgh en 2009 ; Ndlr] n’est pas encore finalisée. » Le président de l’AMF en veut pour preuve la réforme liée à la compensation centrale des produits dérivés, considérés comme un facteur aggravants de la crise de 2008 car échangés de gré à gré. Ce n’est pas tout. En second lieu, Gérard Rameix pointe du doigt le « quantitative easing » de la BCE, qui, « à ce stade, n’a que partiellement prouvé son efficacité dans l’économie réelle (et qui) est susceptible de générer des risques dans la sphère financière. »

Un quart des gérants mondiaux jugent les actions surévaluées

Et le patron de l’AMF d’égrener les risques de « l’inflation de certains actifs, la menace d’une crise obligataire en cas de remontée mal maîtrisée des taux et, enfin, la recherche inconsidérée de rendements élevés. » Autant d’éventualités qui doivent amener les gérants de fonds à « se préparer aux conséquences d’un choc sur la valeur ou la liquidité de certains actifs sous gestion », prévient Gérard Rameix. Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, lui a fait écho le même jour, lors de la présentation du rapport annuel de l’institution, évoquant le risque que la recherche de rendements, dans un contexte de taux d’intérêt durablement bas, alimente des bulles financières.

En effet, le « QE » de la BCE a ceci de pervers qu’en rachetant chaque mois pour 60 milliards d’euros de dette publique européenne, il entraîne une baisse du rendement des obligations souveraines – dont les taux évoluent en sens inverse des cours -, ce qui conduit les investisseurs à se porter sur des actifs plus rentables – et donc plus risqués -, comme les obligations d’entreprise et les actions. D’où la forte hausse de ces dernières depuis le début de l’année. Au point qu’un quart des gérants mondiaux jugent aujourd’hui les actions surévaluées, selon le sondage de BofA-Merrill Lynch publié le 14 avril. Une proportion qui grimpe à 84% dans le cas des obligations.

Source : Quand les régulateurs reparlent – à mots couverts – de crise financière