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Invité du Blog de Paul Jorion

Encore le « Feu au lac » par François Leclerc

Mardi, 6 septembre 2011 - 7h32 AM

mardi 6 septembre 2011

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Débordants d’imagination, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy auraient un nouveau plan pour aborder ce mois de septembre qui s’annonce terrible. Ils envisageraient ni plus ni moins que de renforcer l’équipe d’Herman van Rompuy et de lui demander de se consacrer à plein temps à la gouvernance économique de la zone euro, une façon de le rendre pleinement responsable, dans tous les sens du terme. Coupable d’être favorable aux euro-obligations, Jean-Claude Junker serait de facto remercié et le Fonds de soutien (FSFE) pourvu d’un département de recherche et d’analyse… Ils voient loin !

La Commission et le secrétariat de l’Ecofin seraient ainsi marginalisés, la création de nouvelles structures faisant office de politique. C’est toujours ce que l’on fait lorsque l’on ne sait pas quoi faire.

Or il y a encore une fois le feu au lac. Trois bras de fer sont engagés afin de tenter de boucler le deuxième plan de sauvetage de la Grèce. Avec la Finlande qui persiste à demander des garanties pour son prêt et à qui il est proposé d’abandonner en contrepartie la perception d’intérêts. Avec la Grèce, qui a refusé de donner de nouveaux tours de vis pour compenser l’insuffisance de recettes fiscales, amenant La Troïka à spectaculairement interrompre sa mission, menaçant du bloquer le versement d’une nouvelle tranche d’aide. Avec les banques, enfin, qui continuent de renacler à participer au volet privé du plan. Cela fait beaucoup et crée sur le marché de très fâcheuses incertitudes au moment où il ne faudrait pas.

Plus souterraine, une autre dimension de la crise financière monte parallèlement en puissance. Les banques européennes rencontrent des difficultés grandissantes à se refinancer pour reconduire leur dette. On savait déjà que les fonds monétaires américains faisaient la tête en fermant partiellement leurs robinets, menaçant particulièrement les banques françaises, comme Moody’s l’a analysé dernièrement et François Pérol, président de la Fédération bancaire française (FBF) vient de le reconnaître en avouant que « le refinancement en dollar est plus tendu ». On a depuis appris que le marché obligataire menaçait de bouder les émissions des banques, sauf quand il s’agit d’obligations sécurisées, plus sûres mais plus onéreuses. Les robinets ne sont certes pas totalement fermés, mais le coût du crédit est en augmentation, au détriment des marges des banques. La poursuite d’une telle situation reviendrait à un lent étranglement.

Si l’attention est focalisée, au sujet des banques, sur la zone euro, les établissements britanniques et américains ont également leurs petits soucis. A la City, certaines d’entre elles ont perdu dans les derniers mois plus de 30% de leur valeur boursière, en raison de la crise de la zone euro et de la perspective d’une réforme bancaire aux effets redoutés. On attend pour le 12 septembre le rapport de la commission John Vickers qui devrait préconiser une séparation des activités de détail et d’investissement des banques, selon des modalités encore indécises et plus ou moins abruptes. Aux dernières nouvelles, celles-ci auraient obtenu que la réforme soit repoussée à 2015, date des prochaines élections. Encore et toujours, elles bloquent toute réforme…

Aux Etats-Unis, il s’agit d’une toute autre affaire, les banques sont rattrapées par les subprimes. Alors que Bank of America, la plus grande banque américaine en termes de dépôt et de capitalisation boursière, tente par tous les moyens de se recapitaliser en raison de ses pertes, 17 établissements bancaires, dont sept étrangers, sont visés par une plainte de la Federal Housing Finance Agency (FHFA), qui supervise les prêts immobiliers.

Ils sont accusés d’avoir trompé sur la marchandise Fannie Mae et Freddie Mac – des victimes consentantes, disent certains – en leur vendant des actifs adossés à des créances hypothécaires douteuses (des RMBS). Ces deux organismes qui ont déjà reçu 170 milliards de soutien sur fonds publics en ont acheté pour 200 milliards de dollars entre 2005 et 2008. Les montants qui vont être réclamés ne sont pas connus, mais l’on sait par exemple que JP Morgan aurait vendu à elle seule pour 33 milliards de dollars de ces titres, tous les autres grands établissements étant visés. Parmi les banques étrangeres également dans ce cas figurent la Société Générale, Royal Bank of Scotland, le Crédit Suisse et la Deutsche Bank… Que du beau linge.

La crise marche sur deux pattes, la dette des banques que l’on retrouve toujours tapie quelque part, et celle des Etats, qui est exposée au grand public comme au pilori. En fin de semaine dernière, confirmé ce lundi matin, les bourses européennes reprenaient sans exception leur dégringolade un moment interrompue, tirées vers le bas par les valeurs financières en chute libre dès l’ouverture tandis qu’il était révélé que les dépôts au jour le jour des banques auprès de la BCE avaient atteint vendredi un montant de 115 milliards d’euros, un nouveau record, signifiant qu’elles préférent les mettre à l’abri plutôt que se les prêter entre elles.

De Pékin, Robert Zoellick, le président de la Banque Mondiale, a estimé que l’économie mondiale allait entrer « dans une nouvelle phase dangereuse cet automne ». Se démarquant des appels réitérés de Jean-Claude Trichet à la réduction des déficits – le dernier en date en Italie, où il a estimé qu’elle était « décisive » – Christine Lagarde vient d’accorder à Der Spiegel une interview dans laquelle elle préconise un programme coordonnée de stimulation de la croissance et réaffirme la nécessité de recapitaliser les banques européennes. Les divergences de vue entre la BCE et le FMI ne datent pas d’hier, mais elles sont rarement aussi explicitement et publiquement exprimées.

Pour le moins crispé, et prenant le risque d’être soupçonné d’avoir une idée fixe, Jean-Claude Trichet estime ce lundi que la renforcement de la surveillance économique de la zone euro est « absolument impérieux », ne pouvant concevoir d’autre issue que via des mesures coercitives et de rétention. C’est dans le droit fil de cette analyse qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy préparent leur annonce retentissante qui va, nul doute à ce propos, convaincre les marchés et retourner la situation.