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Par Paul Jorion

LA CONVERSION DE CHARLES MOORE 16 AOÛT 2011 par PAUL JORION |

Mardi 16 août 2011 - 19 H 21

mardi 16 août 2011

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LA CONVERSION DE CHARLES MOORE
16 AOÛT 2011 par PAUL JORION |
Ce texte est un « article presslib’ » (*)

L’article de Charles Moore, I’m starting to think that the Left might actually be right, « Je me mets à penser que c’est la gauche qui pourrait bien avoir raison », a commencé à faire des vagues dès sa parution en Angleterre, le 22 juillet, dans les colonnes du Daily Telegraph. L’article connaît un regain d’actualité aujourd’hui du fait que Frank Schirrmacher l’a longuement analysé hier dans le Frankfurte Allgemeine, dans un article dont le titre se contente de traduire en allemand celui de l’article original en anglais : „Ich beginne zu glauben, dass die Linke recht hat“

Pourquoi ces vagues ? Parce que Moore, successivement rédacteur en chef du Spectator, du Sunday Telegraph, puis du Daily Telegraph, magazines et quotidien clairement marqués à droite, a été jusqu’ici l’une des têtes pensantes journalistiques du conservatisme britannique pur et dur. Moore est en effet l’auteur de la bible à venir du thatchérisme : la biographie officielle de Margaret Thatcher, qui n‘attend que le départ vers un monde meilleur de la Dame de Fer pour trouver sa place en tête de gondole chez votre libraire préféré.

Or Moore est pris par le doute. Il a toujours des mots très durs pour le rôle joué dans les années 1970 par les syndicats en Grande-Bretagne, mais cela ne l’empêche pas d’éclater aujourd’hui, parce que trop, c’est trop.

Moore écrit à propos de la finance : « Le secteur bancaire mondial est un terrain d’aventures pour ses participants, parfaitement équipé d’un sol spongieux approuvé sur les plans sanitaire et sécuritaire, pour que quiconque tombe, rebondisse aussitôt. Le rôle qui nous est réservé à nous, simples mortels, c’est de le payer ». Ou, à propos de la zone euro : « Le sort présent de la zone euro semble avoir été mis en scène par un propagandiste gauchiste comme une satire portant sur le pouvoir de l’argent. On crée une monnaie unique. Contrôlée par une banque unique. Sans qu’aucune institution démocratique n’ait l’autorité de la superviser, et lorsque les emprunts d’État au sein de la zone se trouvent en difficulté, il n’existe pas d’humiliation assez brutale que ne doivent subir des gouvernements régulièrement élus, plutôt que de permettre que des banquiers n’en soient affectés. Quant aux travailleurs, ils perdent immédiatement leur emploi à Porto, au Pirée, à Punchestown en Irlande ou à Poggibonsi en Toscane, pour permettre aux banquiers de Francfort et aux bureaucrates de Bruxelles de dormir sur leurs deux oreilles ».

Dans son commentaire relatif à l’article du Telegraph dans le Frankfurte Allgemeine, Schirrmacher transpose à l’Allemagne les interrogations de Moore. « Il en est résulté, écrit-il, une monde de deux poids deux mesures, au sein duquel les problèmes économiques se transforment immanquablement en questions morales. C’est là que réside le caractère explosif de la situation présente, et qui la distingue des crises d’autrefois dans notre République ».

La cas de Moore n’est pas comparable à celui du milliardaire Warren Buffett, qui déclarait il y a quelques années déjà que la lutte des classes existe et que ce sont les riches comme lui qui la mènent, et que le fait est qu’ils l’ont déjà gagnée, et qui écrivait dimanche dans le New York Times : « Que mes amis et moi soyons chouchoutés par un Congrès copain des milliardaires, cela a maintenant assez duré. Il est temps que notre gouvernement prenne au sérieux l’idée que le sacrifice doit être partagé » : Buffett s’est rangé depuis longtemps déjà aux côtés des duc d’Aiguillon, vicomte de Noailles, vicomte de Beauharnais, initiateurs de l’abolition des privilèges dans la Nuit du 4 août 1789, parce qu’avec Charles Moore, il s’agit d’une conversion qui a lieu, sous nos yeux-mêmes.

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