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LE DEVOIR DE DIRE LA VERITE

Un pas en arrière pour éviter dix pas en arrière

Par Hashim Hamdane

mercredi 24 août 2005

Tout comme les médias, internationaux bien sûr, ont repris l’image du Palestinien en colère, révolutionnaire, prometteur, camouflé, brandissant ses armes, notant son rôle en tant que source pour remonter le moral mais aussi en tant qu’anarchie des armes, les médias ont aussi repris cette autre image, triste, en larmes, privée de son enfant, des victimes israéliennes, des enfants et des femmes la plupart du temps, des opérations de la résistance. Le but est clair, il s’agit de convaincre le monde que la résistance palestinienne légitime est du terrorisme. Nous savons par ailleurs que les médias ont en même temps ignoré, justifié, fait le raccourci, résumé... tous les crimes de l’occupation à l’encontre du peuple palestinien, au point où le bourreau est devenu victime.
La scène recommence lorsque les mêmes médias reprennent, avec une insistance palestinienne, l’image du Palestinien fêtant le retrait de la bande de Gaza (la superficie de la bande ne fait que 1% de la Palestine historique), brandissant le drapeau palestinien dans sa main gauche et le fusil dans la droite, se dirigeant vers les colonies dans une ambiance de joie, de clameurs, de célébrations et de parades militaires, au moment où les médias transmettent une lutte, qui est réelle même si elle est menée avec des gants de velours, entre les forces de la sécurité israélienne d’une part et les colons et ceux qui sont opposés au désengagement de l’autre (les opposés au plan du désengagement sont de la droite extrémiste qui refusent une partie du plan de désengagement, celui du retrait des colonies, mais ne refusent pas l’autre aspect qui est la consolidation de la colonisation en Cisjordanie et l’annexion d’al-Quds).
Les médias n’ont pas oublié d’insister sur la douleur, les larmes et la tristesse des colons, d’une part, et d’autre part, sur les tentatives de prendre en photos certains soldats, essayant de s’isoler pour essuyer leurs larmes, afin que l’image paraisse plus réelle et puisse être utilisée à bon escient par des médias qui savent comment diriger leurs objectifs, et qui savent comment convaincre le monde qu’Israël est en train d’accomplir des concessions douloureuses, qu’Israël est en train de payer le prix, qu’Israël est la victime, qu’Israël est la partie qui tend vers la paix, qu’Israël n’est pas l’occupation... Des milliers de « que » pour que l’image d’Israël soit parfaite aux yeux de la communauté internationale.
Les mêmes médias n’ont pas insisté sur la majorité écrasante des colons qui ont accepté de quitter les colonies, en se léchant les babines et en se frottant les mains, dont les rêves colonisateurs se sont arrêtés au moment même où ils ont aperçu les billets de monnaie, et nous pouvons même dire que la majorité des colons de Gaza avaient quitté la bande, fuyant l’enfer de la résistance palestinienne (dans certaines colonies, il n’y avait que deux familles), ces colonies étant devenues des casernes pour l’armée de l’occupation.
Sharon ne s’est pas retiré de la bande de Gaza parce qu’il est vaincu, mais afin qu’il en sorte de l’intérieur pour l’encercler sur terre, par mer et par air, et il ne s’empêchera pas de lancer des attaques militaires dans l’avenir. Tout comme il n’a pas décidé de sortir parce qu’il voulait tendre vers la paix, les pratiques de l’occupation qui se poursuivent en Cisjordanie et même dans la bande de Gaza, son passé sanguinaire confirment que ce terme ne fait pas partie de son vocabulaire. Il aurait souhaité que le nombre de Palestiniens soit beaucoup moins élevé dans la bande de Gaza, comme il aurait souhaité résoudre la question démographique d’une autre manière.
Ce qui s’appelle plan de désengagement va permettre au monde entier d’apercevoir la scène de démantèlement des colonies, de l’évacuation des colons, compris dans ce plan, la mise en berne des drapeaux israéliens et le retrait de l’armée d’occupation de l’intérieur de la bande. Cette scène est la scène israélienne, produit par Israël seul, où Israël joue tous les rôles, dès le début jusqu’à la fin, n’autorisant aucunement un rôle palestinien que dans la mesure où il s’accorde avec la scène israélienne, quelles que soient les appelations palestiniennes de la même scène.
Le plan de désengagement est un plan israélien qu’Israël a imposé unilatéralement en alternative aux négociations bilatérales sous la supervision du Quartet pour éviter le respect de la légalité internationale et les décisions de l’ONU. En ce sens, le plan de Sharon est un pas en arrière nécessaire pour empêcher une situation où il serait contraint de reculer de dix pas en arrière.
Ce qui s’appelle désengagement est la consolidation du rôle des Etats-Unis pour assurer une couverture tirée de la légalité internationale pour les plans israéliens. C’est ce même rôle en cours sur le plan international, et notamment arabe, qui est nommé garant du processus de paix. Dans le cadre de cette couverture accordée par les Etats-Unis, Sharon devient un homme de paix, ayant tout sacrifié pour la paix. Au moment où les regards sont tournés vers les scènes d’évacuation et de démantèlement des colonies de la bande de Gaza, Sharon poursuit, avec frénésie, la construction du mur de la séparation et de l’annexion racistes, consolide la colonisation en Cisjordanie, poursuit les plans d’annexion de la ville d’al-Quds qui conduira à la séparation du nord et du sud de la Cisjordanie. Au même moment, l’élargissement de la ceinture de sécurité à l’ouest du Jourdain, du nord-est de la Cisjordanie jusqu’au sud-est, se poursuit. Dans ce même cadre, se trouve le projet de la consolidation de la colonisation en Galilée et dans le Naqab, qui signifie la confiscation des terres aux Palestiniens de 48.
Ce ne sont pas des plans secrets, Sharon ne l’a jamais nié, il le dit en toutes lettres, profitant des garanties américaines (il n’y pas de garanties américaines aux Palestiniens), et profitant du climat de « sympathie » internationale avec Israël car il a mené avec courage le retrait unilatéral. Profitant également de l’état d’admiration arabe officielle pour ce pas « courageux », qui sera traduit sur le terrain par la normalisation, et profitant du climat international unanime pour combattre le terrorisme.
Dans ce cadre, les conditions américaines pour poursuivre l’exécution de la feuille de route, comprenant le démantèlement des armes de la résistance palestinienne, ou ce que les Etats-Unis appelent les armes des organisations terroristes. Ces conditions permettent à Israël de ne pas exécuter la feuille de route (qui est très en deça de la revendication palestinienne, elle inclut la lettre de garanties américaines à Israël ainsi que les réserves israéliennes à son propos) si la résistance palestinienne n’est pas désarmée. En même temps, ces conditions permettent à Israël de s’assurer la destruction de la résistance palestinienne au cas où cette dernière accepte d’être désarmée.
Tout ce qui précède ne signifie pas l’absence d’autres plans secrets, américains et israéliens, qu’il serait facile d’exécuter avec le désengagement, comme le transfert d’un certain nombre de réfugiés, du Liban, par exemple, vers les lieux évacués dans le cadre d’un non-désaccord israélien à leur entrée dans la bande de Gaza, dans le but de se laver les mains, à Israël et à la communauté internationale, de la question des réfugiés, à tout jamais, pour l’enterrer dans les sables de Gaza.
Pour cela, le raccourci de tous ces plans dans l’image d’une « victoire », dans les célébrations de « la libération de Gaza » signifie tout simplement s’enfoncer la tête dans le sable du Sinaï.
Le désengagement est une grande trappe qui fut planifiée pour avaler l’Etat souverain, la continuité géographique, le droit des détenus et prisonniers à la liberté, et le droit au retour. Elle avale al-Quds et la Cisjordanie, elle avale la question palestinienne.
Pour cela, le temps n’est pas encore venu pour exprimer la joie. La tâche est encore plus difficile aujourd’hui.. La tâche nécessite d’avoir recours à plusieurs facteurs et outils, absents toutes ces longues années de l’action palestinienne.