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Source : ISM (International Solidarity Movement)

Les réfugiés et les exilés palestiniens doivent avoir leur mot à dire

Par Rima Merriman

mercredi 17 janvier 2007

Rima Merriman est palestinienne-américaine, et vit à Ramallah, en Cisjordanie occupée.

Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens vivant hors des territoires occupés et les Palestiniens en exil se sentent complètement exclus du corpus politique et du débat national qui a cours actuellement dans les territoires occupés. Ils écoutent les disputes qui émanent des territoires, consternés et impuissants. Ils observent ceux de l’intérieur, pris dans un réseau consciencieusement organisé de luttes de pouvoir et de scissions passionnées dont l’intensité et l’égarement semblent incompréhensibles.

Cette fragmentation du processus politique palestinien ne date pas d’aujourd’hui. L’Autorité Nationale Palestinienne, gracieuseté des négociations d’Oslo, n’est destinée à représenter que les Palestiniens vivant dans les territoires occupés et à fonctionner comme rien de plus que le bras administratif d’Israël.

L’arrivée du Hamas sur la scène politique palestinienne a fortement mis en avant la question des formes adéquates de la représentation du peuple palestinien. Loin de renforcer la démocratie et la représentation, les élections du Conseil Législatif Palestinien excluent les Palestiniens de l’extérieur des territoires. Comme on l’a vu, ces dernières élections ont été jugées comme non pertinentes par la communauté internationale.

L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), la seule voix légitime du peuple palestinien, comme l’ont reconnue en 1974 les Nations Unies et la Ligue Arabe, est maintenant coupée, fonctionnellement et structurellement, de la diaspora palestinienne. Ces liens avec l’extérieur ont été affaiblis et marginalisés lorsque l’élite centrale de l’OLP est arrivée en Cisjordanie et à Gaza, suite aux négociations d’Oslo en 1994.

Tout ceci signifie que la grande majorité des Palestiniens est privée de ses droits civiques. A la fin de 2006, le nombre de Palestiniens dispersés dans le monde a été évalué par le Bureau Central Palestinien des Statistiques à 10,1 millions. 39,2% (ou 3,95 millions) d’entre eux seulement vivent dans les territoires occupés.

Un participant à une réunion publique organisée par CIVITAS, projet de recherche sur les communautés palestiniennes vivant en exil, a exprimé ainsi son sentiment d’être exclu du processus politique :

« Avant, les traités de paix, les partis politiques palestiniens étaient plus efficaces, et nous avions une voix : nous avons travaillé convenablement ! Nous avons fait entendre notre voix au monde entier. Mais maintenant, le monde n’entend que la voix du président palestinien et de son premier ministre. En tant que citoyen, je n’ai plus de voix. Sa voix suffit. Mais avant le processus de paix, on entendait ma voix. Si cette paix me renduit au silence, je n’en veux pas ! »

Les aspirations nationales des réfugiés palestiniens à l’extérieur et à l’intérieur consistent essentiellement en une seule priorité historique claire : leur droit au retour. Les deux groupes doivent faire face à de graves problèmes de pauvreté, de santé et d’éducation.

Mais alors que les réfugiés de l’intérieur sont dans des confrontations sanglantes quotidiennes avec leur expropriateur, ceux de l’extérieur ont leur propre croix à porter, due à l’endroit où ils se sont retrouvés. Défaut de documents légaux, passeports, documents de travail ou papiers d’identité, systèmes électoraux injustes, négation du droit au travail, défaut d’autorisations de propriété et d’héritage sont quelques-unes des nombreuses souffrances auxquelles ils sont confrontés.

En dépit d’être clairement impuissante à représenter les Palestiniens de l’extérieur des territoires occupés ou ceux de l’intérieur, l’Autorité Nationale Palestinienne a ouvert à travers le monde des consulats inefficaces qui suscitent faux espoirs et frustrations parmi les exilés palestiniens, ainsi que pour ceux qu’Israël autorise à résider dans les territoires occupés :

« N’importe quel citoyen d’une autre nationalité se tourne vers son Ambassade lorsqu’il a besoin de protection ou d’aide. Alors je demande que mon Ambassade m’offre la même chose, en tant que Palestinien. Nous ne lui demandons pas d’argent, mais seulement qu’elle nous défende, et nous voulons sentir que nous appartenons à cette Ambassade qui peut nous protéger lorsque nous avons besoin de protection. C’est tout que je demande à mon Ambassade, qui est mon pays. » (un participant CIVITAS, réunion au Caire, Egypte).

Au cours des décennies passées, les efforts internationaux pour aider les Palestiniens ont consisté à les conditionner à accepter des compromis « douloureux », et à « dé-historiser » le conflit en ignorant les droits de ceux de l’extérieur des territoires occupés, en les traitant au mieux comme des bénéficiaires de l’aide humanitaire. Même l’Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (United Nations Relief Works Agency – UNRWA), supposé être en première ligne pour faire pression pour les droits des réfugiés, a été réduit, par ses fondateurs, à un fournisseur de services et restreint la façon dont les Palestiniens eux-mêmes s’expriment dans les camps de réfugiés :

« En qualité de professeurs de l’UNRWA, on nous oblige à signer un document qui nous interdit de discuter directement ou indirectement de politique, en particulier du problème des réfugiés palestiniens, avec les étudiants. Celui qui refuse de signer est viré. Il est illégal d’accrocher dans les écoles quelque référence que ce soit à l’Intifada, ou a la révolution palestinienne, ou d’exprimer notre droit en tant que réfugié ».

Ce qu’il y a actuellement sur la table, comme « plan de paix », est un programme unilatéral israélien soutenu par les US pour un Etat palestinien putatif. Ce plan signifie l’annexion par Israël de 15% de plus de la Cisjordanie et de la grande majorité de ses nappes phréatiques, un programme dont les points essentiels sont déjà, sur le terrain, des « faits accomplis ».

Du côté palestinien, il y a une proposition basée sur un référendum rédigé par les chefs de différentes factions des prisonniers palestiniens actuellement emprisonnés en Israël. Ce projet abandonne les revendications territoriales d’au-delà des frontières de 1967 et promet la reconnaissance d’Israël par tous les Arabes.

Cette proposition n’a qu’une légitimité partielle parce qu’elle n’inclut pas un consensus des Palestiniens vivant à l’extérieur des territoires occupés, ceux de la diaspora. Nul besoin de préciser que ni du côté israélien, ni du côté palestinien, même dans son consensus actuel partiel et troublé, on n’accepte le projet de l’autre.

Mais continuer à donner la priorité aux problèmes des résidents de Cisjordanie et de Gaza plutôt qu’à ceux des Palestiniens non résidents équivaut à placer une bombe à retardement au cœur du processus de paix.

Leur inclusion garantirait que les racines historiques du conflit, quelque chose que le monstrueux appareil d’Etat israélien a passé des décennies à nier, seraient prises en considération, comme c’est le droit de chaque Palestinien qu’elles le soient.

Israël doit comprendre que les Palestiniens n’oublieront jamais leurs racines. Voici ce qu’un des participants à la réunion publique de CIVITAS à Toronto, déclare :

« Les jeunes Palestiniens devraient pouvoir aller visiter leurs villes, juste comme le font les sionistes de par leur programme du Droit de la Naissance. Après tout, beaucoup de Palestiniens dans le monde ont une citoyenneté étrangère. Alors pourquoi ne pas programmer des visites organisées à Yafa et sponsoriser les jeunes à revenir dans leur patrie ? »

Les Palestiniens doivent commencer à bâtir des infrastructures politiques qui intègrent la totalité des Palestiniens vivant actuellement à l’extérieur de la Cisjordanie et de Gaza, et qui n’ont jamais renoncé à leur droit au retour.

Ces Palestiniens doivent être impliqués de façon active et constructive dans le processus de décision.

Source : Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM