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Camp de réfugiés palestiniens en Syrie : Yarmouk (ndlr)

Les leçons de Yarmouk

Lundi, 17 mars 2014 - 10h41 AM

lundi 17 mars 2014

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Par Yousef Munayyer*

Chaque décennie, se joue un nouvel épisode de la Nakba pour les réfugiés palestiniens, dans les pays d’accueil en difficulté.

Yarmouk est le dernier rappel de l’échec de la communauté internationale à prendre soin du sort des réfugiés palestiniens, écrit Munayyer
Dans le camp de réfugiés de Yarmouk, la plus grande concentration de Palestiniens en Syrie parmi les neuf camps de réfugiés dans ce pays, la population palestinienne estprise au piège et souffre. Le camp se trouve juste au sud de Damas et son emplacement stratégique en a fait un champ de bataille, plaçant entre deux feux les réfugiés qui préfèrent adopter une position neutre pour tenter d’assurer leur propre sécurité.

Avant 2011, le camp accueillait quelque 180 000 réfugiés palestiniens. Aujourd’hui il n’en reste qu’environ 20 000. La plupart de ses habitants ont été forcés à devenir à nouveau des réfugiés. Ceux qui sont coincés à l’intérieur sont pris au piège, et une impasse entre le gouvernement et les rebelles a provoqué un siège qui a empêché pendant des mois l’accès humanitaire. Ce n’est que récemment que des colis alimentaires d’urgence ont pu entrer.

Les protagonistes de la guerre en Syrie ont comme on pouvait s’y attendre utilisé la crise dans Yarmouk pour dénoncer leurs adversaires , mais ils passent à côté du point le plus important et la leçon de Yarmouk.

Yarmouk est simplement l’épisode le plus récent à la suite de la Nakba.Chaque décennie, se joue un nouvel épisode de la Nakba pour les réfugiés palestiniens, dans les pays d’accueil en difficulté. Aujourd’hui, c’est Yarmouk. Il y a dix ans, les réfugiés palestiniens étaient pris dans la tourmente de la guerre en Irak.

Une décennie auparavant, les réfugiés palestiniens vivant au Koweït ont dû abandonner leurs maisons en plein milieu de la première guerre du Golfe. Une décennie encore avant, les Palestiniens ont été massacrés dans les camps de Sabra et Chatila au Liban. Et une décennie plus tôt, les événements connus par les Palestiniens sous le nom de « Septembre noir » en Jordanie ont également souligné la vulnérabilité des réfugiés dans les pays d’accueil pris dans des violence politiques.

Oui, ce qui se passe dans Yarmouk est partie intégrante de ce qui se passe en Syrie, mais cela fait aussi partie de la grande histoire de la dépossession palestinienne. La leçon que la communauté internationale doit tirer de Yarmouk, c’est que les efforts visant à résoudre le sort des réfugiés palestiniens doivent être redoublés et qu’ils sont plus urgents que jamais .

Aujourd’hui, les réfugiés vivent dans différents pays d’accueil dans le monde arabe, mais aussi ailleurs. Certains réfugiés palestiniens fuyant le conflit dans les pays d’accueil ont été réinstallés dans des pays aussi éloignés que la Suède, l’Islande, le Chili et l’Australie. Mais pourquoi réinstaller ces réfugiés partout dans le monde alors qu’ils ont une patrie ?

Au lieu de redoubler d’efforts pour réinstaller les Palestiniens un peu partout, sauf là d’où ils viennent, la communauté internationale devrait augmenter la pression sur Israël pour permettre à ces réfugiés de finalement rentrer chez eux.

Le droit des Palestiniens de retourner dans leurs villes et villages est non négociable et malgré les [dits] pourparlers de paix visant à une « fin des revendications », un accord qui ne défend pas le droit au retour des Palestiniens ne mettra pas fin à ces revendications. Les droits et les revendications des réfugiés palestiniens ne pourront jamais être abrogés par un coup de stylo.

Réinstaller des réfugiés palestiniens dans un Etat palestinien ne serait équitable ni pour les réfugiés, ni pour l’État de Palestine naissant. Un réfugié de Nazareth ne peut exercer son droit au retour à Naplouse, ni un réfugié de Jaffa exercer ce droit à Jénine.

En outre, un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza serait établi sur ​​environ 22 pour cent de la Palestine historique. Par rapport à l’État d’Israël, ce serait un quart de la superficie des terres, deux fois plus densément peuplé, et avec une économie 30 fois plus faible. Israël non seulement porte la responsabilité de la Nakba, mais il dispose aussi d’une capacité beaucoup plus grande pour l’absorption des réfugiés rentrant chez eux.

Le droit au retour est un droit de l’homme qu’Israël nie aux réfugiés palestiniens, simplement parce qu’ils ne sont pas juifs et parce que les changements démographiques pourraient contester le contrôle juif du pouvoir dans l’État. Le déni des droits humains sur la base de la discrimination pour maintenir un groupe à l’écart du pouvoir est la marque de l’apartheid.

Yarmouk n’est que le dernier rappel de l’échec de la communauté internationale à améliorer le sort des réfugiés palestiniens. Laisser Israël à l’écart de ses responsabilités et à la recherche de lieux alternatifs pour résoudre le problème des réfugiés revient en réalité à ,cautionner les politiques discriminatoires d’Israël. Il faut une action immédiate pour exiger qu’Israël permette le rapatriement [des réfugiés palestiniens], conformément au droit international.

L’incapacité de faire face à la crise des droits humains - qui est à la base de la question des réfugiés - a produit crise humanitaire sur crise humanitaire. Les réfugiés ont besoin d’une solution permanente, d’un rapatriement, de l’égalité des droits et des protections que le monde entier désire et mérite.

La question des réfugiés ne doit pas être à nouveau mise en veilleuse et le temps est venu d’agir. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre un inéluctable et prochain épisode tragique, sur les traces de la Nakba.

* Yousef Munayyer est directeur général du Jerusalem Fund et de son programme éducatif : The Palestine Center