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Lettre ouverte de Francis Würtz au Président du Parlement européen.

De Jerusalem, le Président de la Gauche Unitaire Européenne lance un appel solennel

lundi 10 janvier 2005

Jérusalem, le 10 janvier 2005.

M. Josep BORREL
Président du Parlement européen

Monsieur le Président,

Je m’adresse à vous depuis Jérusalem alors que les résultats de l’élection présidentielle palestinienne viennent d’être proclamés. Ces résultats sont clairs : Monsieur Mahmoud Abbas est élu. La transition est réussie. Une nouvelle étape commence. Elle va être, à l’évidence, cruciale.

Ce que nous retirons de tout ce que nous avons pu observer et entendre ne peut, en effet, surprendre personne. C’est d’abord l’exaspération de la population face aux insupportables réalités de l’occupation : les barrages ; les humiliations ; la répression ; la présence arrogante des troupes et des chars ; les conditions de vie ; et puis le mur ; les colonies ; les prisonniers ; le traumatisme de l’annexion de Jérusalem-Est ; et plus généralement l’absence de perspective. Notre impression est que, dans ce contexte, les gens tout à la fois ne croient plus à une solution de leurs problèmes et ont malgré tout besoin d’espoir. Le nouveau Président palestinien va se trouver face à un défi des plus complexes !

Nous avons dans le même temps été frappés, comme tous les observateurs internationaux, par la volonté démocratique qu’a exprimée l’organisation impressionnante de cette élection : listes d’inscription, présence des assesseurs, tenue des bureaux de vote, travail consciencieux de 22 000 observateurs locaux... Ces efforts traduisent sans doute aussi bien la fierté de pouvoir prouver au monde la capacité de la Palestine de construire une vraie démocratie et l’aspiration à voir accomplie, dans les institutions palestiniennes, les changements nécessaires. 2005 sera, à cet égard, une année charnière puisque toutes les institutions sont appelées à être renouvelées. Les élections législatives du 17 juillet prochain constitueront, de ce point de vue, un test de grande portée, car toutes les composantes de la société palestinienne y prendront part.

Notre conviction absolue est que, après cette élection comme avant, il n’y aura pas de paix durable possible sans solution juste, c’est à dire fondée sur le droit : en l’occurrence les résolutions pertinentes des Nations Unies. L’objectif du gouvernement Sharon - la perpétuation de l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est et la capitulation des Palestiniens - doit être combattu sans la moindre complaisance, car il rend impossible une paix durable pour le peuple palestinien comme pour le peuple israélien. Les exigences immédiates nous semblent devoir être un cessez-le-feu réciproque et simultané, et le retour aux négociations de paix.

Or, loin d’affirmer cette exigence - qui est pourtant conforme à la « Feuille de route » dont ils sont les co-initiateurs - les Etats-Unis encouragent le gouvernement Sharon dans son refus de négocier, en annonçant que M. Mahmoud Abbas ne sera pas reçu à la Maison Blanche tant qu’il n’aura pas « engagé le combat contre les groupes terroristes ». Or, si le nouveau Président palestinien s’est clairement prononcé contre la militarisation de l’Intifada, et particulièrement contre les attentats-suicides, s’il est à coup sûr décidé à faire tous les efforts pour orienter l’ensemble des composantes de la société palestinienne vers la lutte politique et démocratique, en revanche comment pourrait-il prendre la responsabilité de déclencher une guerre civile en Palestine occupée !

Tout cela situe le rôle de l’Union européenne. En se saisissant de la nouvelle donne politique qu’offre cette élection présidentielle et en prenant fermement appui sur les résolutions des Nations Unies - et dans l’immédiat sur la « Feuille de route » du « quartet » - elle répondra à une attente décisive : parvenir, par une pression effective sur le gouvernement Sharon, par tous les moyens à sa disposition et par un dialogue approfondi avec la société israélienne elle-même, à enrayer la politique du pire pour faire renaître un espoir crédible d’une paix juste et durable dans toute la région.

Dans cet esprit, au nom de mon groupe, je propose que le Parlement européen invite, dans les meilleurs délais, le nouveau Président palestinien, à venir s’exprimer dans une séance solennelle de notre Assemblée, à Strasbourg.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes plus cordiales salutations.

Francis Wurtz