Radis, Stück, Cigogne, l’Alsace frappe-t-elle monnaie ?
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Les monnaies complémentaires sont contraintes par la loi de s’adosser sur le système monétaire. La communauté des utilisateurs du Stück, du Radis ou de la Cigogne assure toute une série d’opérations vertueuses (relocalisation, circuits courts, éthique partagée, etc.) mais ne dispose pas du droit à la création monétaire, qui demeure un privilège bancaire. Il en va différemment pour les systèmes d’échanges locaux (SEL ou LETS) qui peuvent intégrer des personnes désargentées dans leurs échanges de biens et de services.
En effet, la monnaie complémentaire va moins loin que le SEL, né dans les années 1990 et qui connaît, avec la raréfaction de la monnaie dans la population, une véritable croissance exponentielle. Les Systèmes d’Echanges Locaux, créés à l’origine en réaction à la monnaie, se présentent toujours très modestement comme du troc multilatéral, ce qui est un euphémisme politiquement correct. En réalité, dans un SEL, les échanges sont bien réalisés grâce à une unité d’échange que les selistes ont eu le dégoût, le tact ou la prudence de ne jamais présenter comme étant une monnaie.
Dans un SEL ou une Banque de Temps, 1 grain (unité) ne vaut pas comme dans une monnaie locale 1 Euro créé par une banque ou une banque centrale (et qu’il faut légalement immobiliser en garantie), mais vaut 1 heure passée par n’importe qui. Dans un SEL, quiconque fournit un service ou un bien matériel créé littéralement la monnaie locale correspondante à ce service ou à ce bien, tout simplement en créant la dette correspondante chez celui qui reçoit le service ou le bien. Deux choses assurent la création et la destruction monétaire dans un SEL : 1.- c’est la réalité de l’échange économique lui-même ; 2.- l’existence d’un service commun (un service public) qui assure le suivi des débits et des crédits mouvementés par la communauté d’échange.
C’est un système très proche de celui de l’émission d’argent-dette par les banques dotées du "privilège bancaire" d’émettre de la monnaie en échange d’une reconnaissance de dette (le contrat d’emprunt). La différence est que dans un SEL, l’argent créé est gratuit. Il n’est pas assorti d’intérêts et n’oblige à aucune spirale entropique pour disposer de la masse monétaire nécessaire au remboursement de ces intérêts. Comme tout le monde a pu le constater, dans le système monétaire créé par les "modernes", la monnaie n’existe jamais en quantité suffisante sans l’endettement perpétuel et croissant des acteurs économiques, des états, des collectivités, des particuliers. Ces derniers sont désormais nombreux à n’avoir plus d’Euros en poche. Ils ne pourront jamais acheter de billets de monnaie complémentaire. Il leur faudra créer leur grain de SEL ou se résigner à l’assistanat, à la mendicité ou à tenir leur rang dans la guerre économique de tous contre tous.
En zone WCF, Wall Street-City-Frankfurt, la loi réserve le SEL (LETS dans les pays anglo-saxons) aux échanges non-professionnels colorés d’un caractère fortement social, et les monnaies locales adossés à la monnaie officielle aux échanges qui peuvent être à caractère lucratif et professionnel.
Qu’en serait-il d’un Stück, d’une Cigogne ou d’un Radis doté de la liberté de création monétaire d’un SEL, ou d’un SEL autorisé à comptabiliser et à compenser des transactions professionnelles ?
La réponse est simple. Très certainement la préfiguration d’un monde plus sobre et libéré du pouvoir de la finance sur les états, les collectivités et l’économie réelle.
Pascal Bitsch, octobre 2015
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