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Opinion

Mission Impossible

Interview avec Raji Sourani - Par BitterLemons

jeudi 30 mars 2006

L’avocat Raji Sourani dirige le Centre palestinien des droits de l’homme (PCHR) à Gaza
Source : « Mission Impossible - Interview with Raji Sourani »
http://www.miftah.org/Display.cfm?DocId=9836&CategoryId=5
Traduction : MG pour ISM
Publié sur le site de l’ISM http://www.ism-france.org/news/


Bitterlemons : Il y a une séparation physique presque complète entre la bande de Gaza et la Cisjordanie à l’heure actuelle. Quelles sont les conséquences de cette séparation ?

Sourani : Vous parlez vraiment de deux peuples. Nous sommes totalement déconnectés, humainement, politiquement, socialement, économiquement et autrement.
C’est sans précédent. Même pendant les jours les plus noirs de l’occupation, cette situation n’est jamais arrivée. Et elle s’aggrave de plus en plus chaque jour

Bitterlemons : Ces deux communautés se développent-elles alors chacune de leur côté ?

Sourani : Les familles sont séparées, les étudiants de Gaza ne vont plus aux universités de Cisjordanie et inversement, les intermarriages n’arrivent plus. C’est une relation très étrange.

Bitterlemons : A quel point cela va-t’il poser un obstacle à la formation possible d’un Etat palestinien ?

Sourani : Je pense que cela devient une mission impossible. Être déconnecté physiquement rend tout Etat impossible. C’est l’objectif d’Israel. Israel aggrave la séparation pour rendre la création d’un état palestinien impossible.

Bitterlemons : Il y a eu des suggestions qu’Israel cherche à abandonner Gaza à l’Egypte et la Cisjordanie à la Jordanie. Pensez-vous que c’est ce qui se produit ?

Sourani : Non, je pense que c’est bien pire. Gaza est déconnecté. Israel s’est retiré unilatéralement de Gaza mais exerce toujours un contrôle à 100% de la Bande, dans le ciel, sur la mer, et sur terre. C’est comme d’habitude. Je pense que l’ouverture du passage de Kerem Shalom est une indication de cette stratégie. Israel commence un nouveau chapitre avec ça. Depuis Kerem Shalom, Israel exercera un contrôle économique total de Gaza. Kerem Shalom est à l’intérieur d’Israel et les lois israéliennes s’y appliqueront. Toutes les importations et les exportations de Gaza devront passer par là.
En Cisjordanie, la situation est complètement différente. Jérusalem-Est a été annexé de facto et éthniquement nettoyé.
Il y a un véritable processus de provocation sociale et économique contre les Palestiniens à l’intérieur de Jérusalem et la Judaisation de la ville est en cours.
Les colonies s’agrandissent quotidiennement et Jérusalem est presque exclu de faire partie de tout Etat palestinien dans l’avenir.
Pendant ce temps, le mur a annexé de facto près de 60% de la Cisjordanie et il ne reste que des morceaux et des bantustans, créant une situation où la vie pour les Palestiniens, encore moins celle d’un Etat, est impossible.
Tout contrôle jordanien de la Cisjordanie ne ressemblera certainement pas à la situation d’avant 1967.

Bitterlemons : Dites-vous qu’Israel empêche en toute conscience la possibilité de l’apparition d’un Etat palestinien ?

Sourani : C’est clair depuis le plan de désengagement unilatéral, qui permet à Israel de décider du destin des Palestiniens et de leur terre.
Israel n’a jamais cru en un Etat palestinien. Je pense il y a un long temps qu’Israel a décidé qu’il n’y avait pas de partenaire palestinien, et même lorsque le Président Yasser Arafat est décédé et qu’Abu Mazen a été élu démocratiquement, Israel ne l’a jamais reconnu en tant que partenaire.
Ils ont mis en application le désengagement de Gaza sans aucun partenaire palestinien. Le Hamas (après le gain des élections palestiniennes) est une excellente excuse, une autre excuse, pour qu’Israel poursuive son unilatéralisme.
Je dois également vous rappeler que bien que le plan unilatéral ait trois ans, Ehud Olmert a proposé cette politique il y a bien longtemps. Sharon l’a seulement adoptée. Olmert continuera sur cette ligne.
Cela entre dans un objectif politique d’une solution intérimaire à long terme, qui, comme l’avait dit Dov Wesiglass, perturbera tout simplement tout développement palestinien et rendra impossible la création d’un état palestinien à long terme.
Ces deux politiques, l’unilatéralisme et l’objectif d’une solution intérimaire à long terme, détournent la discussion des véritables problèmes du conflit Palestino-Israélien, à savoir Jérusalem, le mur, les colonies et le droit des Palestiniens à être débarrassés de cette occupation belligérante.

Bitterlemons : Pour les Palestiniens, est-ce que cette séparation du territoire palestinien rend difficile l’émergence d’une politique incontestable et logique ?

Sourani : Je pense que vous pouvez guider des kamikazes par mails, fax et téléphones portables, mais je ne pense pas que vous pouvez créer et diriger un mouvement politique.

Bitterlemons : Que peuvent faire les Palestiniens ?

Sourani : Nous sommes dans une période de crise. Je n’ai pas de recette. Mais même en prison, personne ne peut arrêter les Palestiniens de penser à leur destin et de s’accorcher à leur liberté.
C’est très dur quand le monde, en particulier l’Europe, tombe dans cette conspiration de silence, et respecte la loi de la jungle et non les règles de la loi. -