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Le petit « poids » de la France ou : La grenouille qui voulait......................(ndlr)

Iran : le bras de fer franco-américain

Lundi, 29 novembre 2010 - 17h45

lundi 29 novembre 2010

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La diplomatie française a une nouvelle bête noire - un Américain. Il s’appelle Robert Einhorn. C’est un homme clé du dossier nucléaire iranien à Washington. Conseiller de Hillary Clinton sur la prolifération atomique, il fait depuis des mois le tour des grandes capitales afin de trouver une solution à la crise avec Téhéran.

En petit comité, l’équipe de Sarkozy accuse ce diplomate chevronné de préparer - à l’insu de la France et avec l’aide de la Russie - un accord trop favorable à la République islamique, de pousser le Département d’Etat à accepter des concessions dangereuses. Du coup, à la veille de nouvelles négocations avec Téhéran (qui devraient reprendre le 5 décembre), jamais la tension entre Paris et Washington n’a été, en coulisses, aussi forte sur ce sujet majeur.

Robert Einhorn a une obsession : faire sortir le plus vite possible d’Iran les 3 tonnes d’uranium faiblement enrichi dont dispose désormais le régime islamique et que Téhéran pourrait, en quelques mois, transformer en matière fissile pour la bombe. Pour convaincre les Iraniens de « lâcher » ces 3 tonnes, il envisage plusieurs « carottes », dont « le Nouvel Observateur » a pris connaissance. Trois inquiètent particulièrement l’Elysée.

Pour soigner les malades atteints d’un cancer, Téhéran dispose d’un réacteur atomique à vocation médicale (le TRR). Or celui-ci va s’épuiser l’an prochain. Le conseiller de Hillary Clinton suggère d’aider les Iraniens à le remplacer en proposant qu’un pays tiers vende à Téhéran un nouveau réacteur médical. La France estime qu’une telle vente serait pure folie, car ce réacteur pourrait être détourné à des fins militaires. L’Elysée accepterait, en revanche, que le CEA fournisse les isotopes médicaux dont l’Iran a besoin.

Robert Einhorn envisage également que les 3 tonnes problématiques soient envoyées en Russie pour y être enrichies à 20%. Puis, une partie de ce combustible reviendrait en Iran pour alimenter la centrale atomique de Busher, construite par les Russes. La France considère que cette solution serait une « légitimation » inacceptable du programme d’enrichissement iranien. Une troisième « carotte » fait particulièrement hurler la diplomatie française : si Téhéran transfère ses 3 tonnes en Russie, l’Amérique accepterait que l’Iran conserve une capacité d’enrichissement de l’uranium : les 4 000 centrifugeuses qui tournent déjà dans l’usine de Natanz pourraient continuer à fonctionner. La République islamique s’engagerait à ne pas faire marcher les 4 000 autres prêtes à l’emploi.

Lorsque, fin septembre, les conseillers de Nicolas Sarkozy ont découvert - via les Russes - cette dernière idée de Robert Einhorn, ils ont immédiatement contacté la Maison-Blanche. Pour eux, une telle offre à l’Iran serait un encouragement désastreux à continuer de violer les résolutions de l’ONU.

Ils ont menacé de quitter le groupe de négociation.

Cela n’a pas l’air d’avoir ému beaucoup de monde à Washington.

Depuis septembre, Robert Einhorn, toujours obsédé par les 3 tonnes, est retourné deux fois à Moscou. Avec la même proposition sous le bras.

(Publié dans "Le Nouvel Observateur" du 25 novembre.)