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Démocratie & socialisme n°177, Septembre 2010 - (Post-it Palestine)
FEMMES D’ACTION
Lundi, 27 septembre 2010 -20h41
lundi 27 septembre 2010
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Par Philippe Lewandowski
L’engagement de femmes dans des actes de solidarité avec le peuple palestinien n’est certes pas chose nouvelle, y compris dans l’État israélien et en Palestine occupée ou sous blocus. Elles sont notamment à l’origine des groupes de Femmes en noir qui ont essaimé dans de nombreuses villes du monde entier . Nous n’avions pas encore mentionné, mais nous le faisons à présent, MachsomWatch , une association de femmes israéliennes qui, depuis 2001, se présente dans les « checkpoints » de l’armée israélienne infestant les voies de communication des territoires palestiniens occupés, afin de tenter de freiner le zèle des recrues à l’esprit tordu et de faciliter la circulation des Palestiniens. Ces actions, ainsi que celles des Femmes en noir ou d’autres associations, se situent néanmoins dans le cadre strict de la légalité israélienne, valable essentiellement pour les Juifs, mais souvent contournée ou ignorée pour les autres catégories de la population autochtone.
Le fait nouveau auquel nous voulons consacrer ces lignes est le franchissement d’un pas qualitatif que constitue l’apparition d’actes de désobéissance civile active, remettant ouvertement en question une législation à l’iniquité et à l’injustice flagrantes. Ce sont des femmes qui se situent à l’avant-garde de l’ouverture de cet autre front.
ILANA HAMMERMAN & LES PASSEUSES
Un matin de printemps, il y a peu de temps, quatre femmes ont traversé le checkpoint de Betar : Ilana Hammerman, traductrice, éditrice et auteure, et trois jeunes Palestiniennes d’un village de Cisjordanie. Les jeunes filles, Aya, Lin et Yasmin, qui de leur vie n’avaient pas encore connu une seule journée de liberté, soustraite à l’occupation, ont suivi Ilana pour aller se détendre à Tel-Aviv. Elles se sont rendues au musée, au centre commercial et au marché, ont fait trempette dans la mer, mangé des glaces sur un banc de la promenade. Puis, le soir venu, elles ont retraversé le checkpoint pour rentrer chez elles. Dans “S’il y a un paradis”, paru dans Haaretz le 7 mai 2010, Ilana Hammerman raconte cette belle journée.
Il se trouve que d’après la loi israélienne, des activités aussi simples et optimistes suffisent à faire de ces quatre femmes des criminelles. Une organisation intitulée “Forum légal pour la terre d’Israël” a demandé au procureur général d’ouvrir une enquête criminelle contre Hammerman pour contravention à la loi qui régit “l’entrée en Israël”, et d’après laquelle quiconque conduit, accueille ou aide en quelque manière que ce soit à l’entrée en Israël d’une Palestinienne peut être condamné à deux ans de prison ou à une amende.
Menaces et intimidations n’ont pas atteint leur but, car cette femme de coeur a d’ores et déjà fait des émules. Le 23 juillet, une douzaine de femmes juives israéliennes ont réitéré l’opération avec autant de femmes palestiniennes, un bébé et trois enfants. Elles déclarent fièrement :
Nous ne pouvons reconnaître aucune légalité à la « Loi d’Entrée en Israël », loi qui autorise tout Israélien et tout Juif à se mouvoir librement dans les régions situées entre la Méditerranée et le Jourdain, tout en refusant ce droit aux Palestiniens. On leur interdit tout libre mouvement dans les territoires occupés et ils ne sont pas autorisés à visiter les villes et cités de l’autre côté de la Ligne verte, où sont pourtant profondément enracinées leurs familles, leur nation et leurs traditions.
HANEEN ZOABI
Celle qui a déclanché l’ire et la fureur hystériques de plusieurs membres de la Knesset est la députée israélo-palestinienne Haneen Zoabi qui a non seulement participé à la flottille de la liberté sauvagement attaquée dans les eaux internationales par les commandos israéliens, mais a poussé le culot jusqu’à oser venir se justifier devant le Parlement. Elle y fut accueillie sous les cris de « traîtresse » et de « terroriste ». Il faut absolument regarder la vidéo qui la montre, fière et digne, faire face à une véritable explosion de haine . Impossible de ne pas penser à un Karl Liebknecht, lorsqu’il fut tout aussi seul à voter contre les crédits de guerre au Reichstag en 1914.
Cette chambre indigne dominée par les extrémistes n’a pas manqué de sévir, et a privé Haneen Zoabi de son passeport diplomatique ainsi que des montants alloués par le parlement en cas de frais de justice. Le ministre de l’intérieur, Eli Yishai, a déposé une demande pour lui retirer sa citoyenneté, et un projet de loi - intitulé « Loi Zoabi » - est à l’étude pour permettre d’expulser un député en cours de mandat pour « incitation » contre l’Etat. Plus inquiétant, une page en vogue de Facebook, en hébreu, appelle à son exécution . Cette dernière menace est à prendre très au sérieux, étant données les pratiques para-mafieuses à l’honneur dans la dite « seule démocratie du Proche-Orient » . Mais bien entendu, Haneen Zoabi n’en a pas pour autant baissé les bras.
Puissent ces actes de désobéissance civile faire tâche d’huile et contribuer à rendre sa dignité à une société israélienne engluée dans une idéologie autiste et mortifère.
Philippe Lewandowski
Cf. « Du côté des Justes », Démocratie & socialisme n°175, mai 2010.
MachsomWatch : women against the occupation and for human rights, http://www.machsomwatch.org/en , consulté le 05-09-2010
« Soutenir Ilana Hammerman et les Israéliens qui désobéissent », La feuille de chou, http://la-feuille-de-chou.fr , consulté le 05-09-2010
Nom du Parlement israélien.
« Knesset members attack Haneen Zoabi », http://www.youtube.com/watch?v=DRf0aB3BNEY , consulté le 05-09-2010
Jonathan Cook, « Chasse aux sorcières contre une députée arabe israélienne », http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=8909 , consulté le 05-09-2010.
Cf. « Sur l’absence (voulue) d’interlocuteurs », Démocratie & socialisme n°163, mars 2009.