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Démocratie & socialisme 176, - spécial été, juin-juillet-août 2010

ÉLOGE DU COURAGE

Par Philippe Lewandowski - Mercredi, 14 juillet 2010 - 10h12 AM

mercredi 14 juillet 2010

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Post-it Palestine

Cet article vient clore une sorte de triptyque consacré à la leçon de vie et de courage que nous donnent, en premier lieu, un peuple nié, spolié et puni pour oser exister sur la terre qui était sienne depuis des centaines d’années, les Palestiniens, en second lieu ceux qui, de l’intérieur, s’efforcent d’éveiller la conscience de leurs propres compatriotes, les « Justes » israéliens, et enfin, ceux qui s’insurgent contre la passivité ou la complicité de leurs divers gouvernements, et entreprennent à leurs frais, risques et périls, les actions concrètes et positives qu’exige la situation : ils n’ont pas de nom bien défini, on les appelle internationaux, pacifistes, militants humanitaires…, ils répondent à leur manière à la voix de la conscience humaine.

Il est impossible de ne pas penser ici à un précédent historique de quelques dizaines d’années à peine. Mais laissons parler ses protagonistes eux-mêmes :
« Beaucoup de gens trouvent qu’on a été usés, utilisés. Non ! C’est pas vrai ! On y a été parce qu’on a voulu ! Et on est conscients que tout le monde ne l’a pas fait. » Celui qui s’exprimait ainsi, c’était un survivant des Brigades internationales participant à l’hommage que la gauche espagnole leur rendait à Madrid et à Barcelone, en 1996. Puissent leurs dignes successeurs ne pas attendre aussi longtemps pour être à leur tour fêtés en Palestine, tout comme en Israël.

L’analogie est-elle exagérée ?

Les différences sont flagrantes. La plus visible, c’est qu’ils ne vont pas se battre (au contraire des jeunes de diverses nationalités servant au sein des Forces dites de Défense d’Israël). Ils ne cherchent pas non plus à passer en catimini, tels des clandestins ou des contrebandiers. Non, ils agissent en pleine lumière, dans la transparence la plus totale, et acceptent de bon gré, voire recherchent même tous les contrôles qui peuvent leur être proposés. Les matériaux transportés voyagent sous scellés. Les matériaux ? Des pavillons préfabriqués, des fournitures médicales, de quoi se mettre à reconstruire le champ de ruines provoqué par l’opération « Plomb durci », une agression sauvage contre la plus grande prison à ciel ouvert du monde.

Mais des ressemblances demeurent. La veulerie, si ce n’est la complicité plus ou moins ouverte des gouvernements occidentaux, en est sans nul doute la plus lamentable. Ces fameuses « puissances », drapées dans leur (in)dignité, ne profèrent tout au plus que de timides condamnations morales, refusant obstinément d’user de la moindre sanction concrète, accueillant au contraire des criminels de guerre dans leur aréopage. Bienvenue parmi nous, chers amis aux mains rouges de sang !

L’armée israélienne, dite « la plus morale du monde », s’est spécialisée dans les massacres de civils. Des centaines de villages rasés lors de la Nakba aux enfants de Gaza, du bombardement au napalm des camps de réfugiés et aux bombes à phosphore des écoles jusqu’à l’abordage des flottilles d’aide humanitaire, elle grave les hauts faits de ses exploits pour les générations futures. Gloire !

Qu’on nous permette toutefois de préférer et d’honorer la mauvaise herbe, ces étrangers, hommes et femmes, armés de leur seule conscience, payant sans ciller le prix le plus élevé : au nom de Rachel Corrie, il faut maintenant ajouter ceux de Ibrahim Bilgen, Ali Haydar Bengi, Cevdet Kiliçlar, Çetin Topçuoglu, Necdet Yildirim, Fahri Yaldiz, Cengiz Songür, Cengiz Akyüz et Furkan Dogan, « parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles, ils cherchaient un effet de peur sur les passants . » La première a été froidement écrasée par un bulldozer alors qu’elle essayait d’empêcher la démolition d’une habitation palestinienne, les neuf autres, sans armes, ont été abattus à bord d’un cargo de la « flottille de la liberté ».

Ils ne nous demandent pas de nous incliner. Ils nous demandent juste de poursuivre leur tâche. De mettre en pratique le principe qu’exprimait à sa manière le philosophe Günther Anders (membre du tribunal Russell contre la guerre du Vietnam) : « S’il existe la moindre chance, aussi infime soit-elle, de pouvoir contribuer à quelque chose en intervenant dans cette situation épouvantable, alors il faut le faire . »

L’heure est à l’approfondissement et au développement des actions de soutien. Il faut donner un nouvel essor à la campagne BDS , il faut exiger la libération immédiate des prisonniers (notamment les animateurs pacifistes des manifestations de Bil’in), l’arrêt de la colonisation, la destruction du mur de la honte, la fin de l’apartheid, le jugement des criminels de guerre, la levée du blocus inhumain de Gaza.

De nouvelles flottilles se préparent. Parmi elles, un « bateau juif » (de ceux qu’on nomme « Justes »). Et d’autres, du monde entier.

En serons-nous ?

Philippe Lewandowski