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Source : UJFP (Union Juive pour la Paix)

Démissionner de Cohen et d’Amnesty

Par Raymond Deane - Jeudi, 6 août 2009 - 10h36 AM

jeudi 6 août 2009

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Raymond Deane est un compositeur, pianiste et romancier irlandais renommé.

Lorsque j’ai commencé – tardivement – à me soucier des droits de l’homme et des injustices politiques, au lendemain de la Guerre du Golfe de 1990/1991, j’ai adhéré à Amnesty International et je me suis mis à écrire des lettres et des cartes à des prisonniers politiques et à toute une série d’ambassades.

Bien que je sois en conséquence profondément impliqué dans un activisme d’une nature politique plus explicite – en particulier sur la question Israël/Palestine – j’ai maintenu mon adhésion à Amnesty par respect résiduel pour l’organisation, mais aussi parce que je souhaitais être en position de dire « en tant que membre d’Amnesty moi-même, je suis en total désaccord avec la position de l’organisation sur … (complétez les points comme vous le souhaitez).

Le 30 juillet, j’ai lu la “Lettre ouverte à Amnesty International” signée par 10 organisations admirables impliquées dans la recherche de la justice pour le peuple palestinien, allant de PACBI (Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël) à la Campagne Palestine Solidarité Royaume-Uni, en passant par le Réseau International Juif Anti-Sioniste. Cette lettre était provoquée par la décision d’Amnesty de sponsoriser « un nouveau fonds qui blanchirait l’argent levé au concert de [Leonard] Cohen en Israël en l’utilisant pour financer des programmes pour ‘la paix’ ».

Pour quelles raisons une personne raisonnable pourrait-elle être contre « des programmes pour la paix » ?

Eh bien, une des réponses est qu’ils incluent le Centre Peres pour la Paix, décrit par le quotidien israélien Ha’aretz comme un organisme « paternaliste et raciste » qui travaille à « pousser la population palestinienne à accepter son infériorité (…) pour assurer la supériorité ethnique des Juifs, » et la Israel Discount Bank, qui a des filiales dans trois colonies juives illégales et fonctionnent donc en violation de la Quatrième Convention de Genève.

Une autre réponse est encore plus simple : Léonard Cohen devrait soutenir l’appel du peuple palestinien opprimé de ne pas se produire en Israël jusqu’à ce que cet Etat démantèle ses structures d’apartheid et se conforme au droit international et au droit humanitaire international, et accepte le droit palestinien inaliénable au retour.

En aidant Cohen dans sa ruse pour contourner ce boycott, Amnesty International prend de fait une position politique, en violation avec le principe de neutralité grâce auquel elle a si régulièrement justifié son manquement à se tenir sans ambigüité du côté des opprimés.

Amnesty est en train de nous dire : la résistance est inutile, la voix des opprimés est sans importance, le droit humanitaire international est un luxe.

J’ai été l’un des organisateurs des manifestations de protestation qui ont eu lieu à la porte des quatre récents concerts de Léonard Cohen à Dublin (19, 20, 22 et 23 juillet) au cours desquelles nous avons appelé le chanteur à ne pas se produire à Tel Aviv en nous appuyant sur le texte de son classique des années 60 : « Please don’t pass me by », (S’il vous plaît, ne m’ignorez pas) pour demander sa solidarité et son engagement avec le peuple palestinien et contre son oppresseur, l’Etat israélien sioniste.

J’ai été un fan de Cohen. S’il poursuit son projet de se produire en Israël le 24 septembre prochain, je donnerai mes albums de Cohen à une œuvre de bienfaisance, même si je le fais avec une tristesse et une désillusion énormes.

C’est avec des sentiments similaires que j’ai envoyé aujourd’hui le message suivant à la branche irlandaise d’Amnesty International :

"A qui de droit : je résilie mon adhésion à Amnesty. La dernière goutte d’eau a été la décision d’Amnesty de soutenir une manigance cynique concoctée par le service des relations publiques de Léonard Cohen de blanchir le fait qu’il ignore l’appel de la société civile palestinienne au respect du boycott culturel d’Israël. Alors que je respecte la politique d’Amnesty de ne pas prendre de position politique particulière, et de ne pas participer elle-même aux campagnes de boycott, en cette occasion elle soutient activement des actions qui sapent la campagne de boycott soutenue par les Palestiniens eux-mêmes, et ce faisant accorde son soutien à des organisations israéliennes dont la raison d’être est de chercher une « réconciliation » sans mettre fin à l’oppression.

Meilleurs sentiments,

Raymond Deane"