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Voilà ce qui arrive lorsque, comme le dit si élégament Tzipi Livni, « on pète les plombs » ! (ndlr)

La peur de la solution à Un Etat : Peres sert ses arguments « bidons » à Washington

Source : ISM et Franklin Lamb

jeudi 26 février 2009

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Le Président israélien Shimon Peres a participé à la formulation des politiques d’Israël pendant pratiquement toute son existence. Son éditorial dans le Washington Post la semaine dernière, présenté comme « une petite pique entre partenaires de paix » envers l’administration Obama, témoignait de la déconnexion majeure du gouvernement israélien sur ce qui est d’urgence nécessaire à la survie à long terme, de plus en plus improbable, de ce pays.

« Quoiqu’il arrive à l’avenir, nous ne répèterons pas les erreurs que nous avons commises en quittant Gaza » – Shimon Peres aux membres de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines (Conference of Presidents of Major American Jewish Organizations), 18 février 2009.

« Vous prenez mon eau, brulez mes oliviers, détruisez ma maison, prenez mon boulot, volez ma terre, mettez mon père en prison, tuez ma mère, bombardez mon pays, nous faites crever de faim, nous humiliez tous. Mais c’est moi qui aie tort : j’ai riposté avec une roquette » (pancarte brandie près de Hyde Park Corner pendant une manifestation, à Londres le 15 février 2009, par un membre du Parlement britannique). (photo visible sur le site référencé ci-dessus).

Selon une étude de la CIA qui vient d’être présentée à des membres sélectionnés du Senate Intelligence Committee (SSCI) et du House Permanent Select Committee on Intelligence (HPSCI) (1), sous sa forme actuelle, la survie d’Israël n’irait pas au-delà des 20 prochaines années.

Le rapport prédit « un mouvement inexorable d’une solution de Deux à Un Etat, comme modèle le plus viable fondé sur des principes démocratiques de pleine égalité qui éliminerait le spectre menaçant de l’apartheid colonial et permettrait le retour des réfugiés de 1947/1948 et de 1967. Ce modèle est la condition préalable à la paix dans la région. »

Au grand dam du Président Peres, la Note de Synthèse précise que « au cours des quinze prochaines années, plus de deux millions d’Israéliens, dont 500.000 citoyens israéliens détenteurs de la carte verte ou d’un passeport déménageront aux Etats-Unis. La plupart des Israéliens qui ne seront pas en possession de ces documents obtiendront des ’dérogations accélérées ». Le Rapport affirme que « parallèlement à la baisse des naissances juives et à la hausse de la fertilité palestinienne, environ 1,6 million d’Israéliens sont susceptibles de retourner sur la terre de leurs ancêtres en Russie, en Europe de l’Est et de l’Ouest, avec des milliers d’entre eux qui choisiront d’y rester, selon la nature de la transition. »

Dans son article éditorial du Washington Post, le Président Peres tente désespérément de sauver la solution de Deux Etats contre un arrangement à un, deux ou même quatre Etats. Il semble réaliser que la solution de Deux Etats est sérieusement compromise, à moins qu’Israël ne change de cap de façon spectaculaire et rapide. Avec le virage à droite en Israël et la vraisemblable constitution d’un nouveau gouvernement une fois que Peres aura choisi Livno ou Netanyahu dans les prochains jours, et étant donné l’humeur croissante parmi les occupés en faveur d’une autre Intifada, Peres affirme plaintivement à l’administration Obama que « Deux Etats est la seule solution réaliste. »

A trois reprises dans son bref éditorial en faveur de Deux Etats, Peres informe le peuple américain et son gouvernement qu’Israël « est la terre de mes ancêtres ». Il déplore que la CIA prédise que la solution à Un Etat « saperait la légitimité d’Israël et son droit reconnu à l’échelle internationale d’exister en tant qu’Etat juif souverain sur la terre de mes aïeux. »

Peres sait que ses ancêtres n’avaient aucun lien quel qu’il soit avec la Palestine, comme c’est le cas de plus de 95% des sionistes qui ont déferlé sur la région au cours du siècle passé et détruit près de 600 villages tout en expulsant la majorité de la population autochtone. Les historiens ont établi que la plupart des arrivants juifs étaient en fait des Slaves convertis au judaïsme, sans aucun lien historique ou généalogique avec la Palestine ou avec les tribus hébreux de la région.

Avec en toile de fond le siècle dernier de rejet presque global du colonialisme, son affirmation d’acceptation acquise au niveau international de la « légitimité d’Israël » est une extension majeure.

La « légitimité », c’est justement là-dessus que continue le conflit – une entreprise coloniale du 19ème siècle peut-elle ou non déraciner dans la violence et massacrer une population autochtone en volant une terre prétendument promise par Dieu, en terrorisant et expulsant les habitants ? (2)

Contrairement à la revendication de Peres d’Israël comme « Etat légitime », il n’y a pas de droit internationalement reconnu à l’existence d’Israël sur des terres volées sans le consentement de celui qui en est dépossédé. Peres assure à son bienfaiteur américain que la légitimité d’Israël est basée sur « la loi internationale ou la moralité ». En fait, tant la loi internationale que la moralité requièrent le droit au retour de ceux dont les terres ont été volées et la levée de l’occupation brutale. Peres est certainement conscient, comme l’affirme le Rapport de la CIA, qu’une majorité des 192 pays qui composent les membres des Nations Unies, voteraient ce soir même pour l’établissement d’un Etat de Palestine s’ils en avaient l’occasion.

Le Rapport conclut que ce qui s’est mal passé sera débattu pendant de nombreuses années. Par nature, le problème fut la prémisse qu’un « peuple choisi », sans aucun lien ni droit à une terre, pouvait imposer un Etat par la force. Beaucoup d’observateurs du Moyen Orient estiment que la solution de Deux Etats est fondamentalement finie, sauf à continuer le parcage, les soupçons et assurément davantage de violence.

De plus en plus dégoûtée par les crimes israéliens, la communauté internationale se dirige vers la position majoritaire des Palestiniens, et en vient à croire que la solution réaliste au conflit du Moyen Orient est Un Etat, laïque, multiculturel, démocratique et basé sur “une personne, une voix”.

Peres répugne à accepter Un Etat et affirme, en plaidant pour la solution de Deux Etats, qu’il a « été personnellement témoin de progrès remarquables que nous avons faits avec l’Autorité Palestinienne ces dernières années. »

Veut-il parler de la bantoustanisation croissante (ce que Chomsky appelle « les fragments non viables »), le toujours serpentant mur d’apartheid et autres obstacles, les avant-postes illégaux qui ont encore augmenté l’année dernière ? Le blocus de Gaza et son massacre dépravé ?

Ou le Président Peres parle-t-il de l’annonce, cette semaine, du Premier Ministre sortant Ehud Olmert qu’Israël a le droit de continuer à bâtir des blocs de colonie en Cisjordanie, dont Efrat, en ajoutant 423 acres, de manière à ce que 21.000 habitants supplémentaires puissent rejoindre les 9.000 actuels du maire d’Efrat Oded Revivi ? Olmert affirme que l’annexion sera examinée lors d’un futur accord de paix final avec les Palestiniens.

Le Président Peres a consacré presque toute sa vie à saper les perspectives d’un Etat palestinien viable et à faire un clin d’œil et à opiner du chef à la construction de plus de 430 colonies, tout en proférant de belles paroles sur le « processus de paix ». Son « Message au peuple américain » ne dit pas ce que le public israélien et palestinien sait parfaitement sur la nature réelle de l’option de Deux Etats qu’il a en tête et qu’il considère comme « la meilleure résolution à ce vieux conflit. » Les deux peuples savent que l’option de Deux Etats, pour laquelle le vieux politicien Peres a systématiquement plaidé, est le Plan Yigal Allon (3).

Le Plan Allon d’expulsion de la population arabe de Palestine a fait partie de la plate-forme électorale de Peres pendant ses campagnes de 1974, 1977, 1981, 1984 et 1987, et il a dessiné la politique d’Israël sur les colonies depuis 1967-1977. Peres a cherché à intégrer le Plan Allon à l’accord de Camp David et 1978 et aux Accords d’Oslo en 1993.

Alors que l’opinion publique américaine commence à sortir de sa longue léthargie sur la Question de la Palestine et espérons-le, à modifier de façon spectaculaire sa position sur le Moyen Orient, elle doit considérer que le Plan Allon « modéré » qui a la faveur de Peres continue d’être la politique israélienne. Tel que formulé par son auteur et ayant obtenu l’adhésion des gouvernements israéliens successifs, il contient les éléments « modérés » suivants :

. Recherche « d’un maximum de terre avec le minimum d’Arabes »,

. Annexion d’environ 40% de la Cisjordanie et Gaza, prise des parties les plus intéressantes,

. Dépossession des Palestiniens des terres qu’Israël veut pour les Juifs.

Après l’attaque d’Israël en 1967, Allon a présenté au cabinet une solution au problème arabe. Le Plan Allon demande l’annexion des zones suivantes : « une bande de terre de 10 à 15 kilomètres de large le long du Jourdain ; la plus grande partie du désert de Judée le long de la Mer Morte et une zone substantielle autour du Grand Jérusalem, dont l’importante Latrun. » Le projet a été conçu de manière à inclure aussi peu d’Arabes que possible dans les zones revendiquées par Israël et comprend la construction de colonies permanentes et de bases militaires dans ces secteurs.

La solution de Deux Etats que Peres essaie de vendre au public américain et à son administration correspond à un « Etat » palestinien sur 76,6% de la Cisjordanie, découpé en enclaves bouclées, avec la plupart des 430 colonies restant en place sous souveraineté israélienne. Israël prendrait purement et simplement 13,3 autres % et continuerait d’occuper les 10,1% restant pour une période allant jusqu’à 30 ans. Pendant cette période, Israël continuerait à construire de nouvelles colonies et à agrandir celles qui existent. Ces pourcentages ne comprennent ni Jérusalem Est soustraite ni les eaux territoriales de la Mer Morte. En fait, l’offre de 76% est basée non pas sur 100% des territoires occupés, mais seulement sur les parties sur lesquelles Israël est prêt à discuter. En conséquence, la « solution juste et morale » que le Président Peres préconise revient à un peu moins de 16% de la Palestine historique qui serait accordé à ceux qui ont été chassés de leurs maisons et de leur terre.

Peres affirme qu’il a travaillé sans relâche pour la paix. Pourtant, le bilan est clair qu’Israël n’a travaillé sans relâche qu’à son expansion au détriment de la population autochtone arabe, tout en faisant obstruction à plus d’une vingtaine d’“initiatives de paix” au cours des 60 dernières années et en ciblant le peuple palestinien, sa culture et son économie.

Dans son éditorial, Peres affirme que le dirigeant libyen Kadhafi convient avec Israël qu’il mérite la Palestine et que « ceci est primordial dans son prémisse fondamental et central que le peuple juif veut et mérite sa patrie. » Peres sort les paroles de Kadhafi de leur contexte et déforme sa thèse qui, de fait, demande Un Etat partagé par les deux peuples. Kadhafi insiste sur le fait que le Moyen Orient accueille le judaïsme, mais non le sionisme raciste. C’est ce dernier qui sous-tend la fondation d’Israël et qui a abouti à sa condamnation par l’histoire.

Alors que le Président d’Israël cherche encore plus d’indulgence et de largesses de la part du contribuable américain et de l’administration Obama, il y a quelque chose qu’il peut faire pour renforcer la confiance faiblissante et la désillusion croissante vis-à-vis de l’option de Deux Etats. Il peut annoncer immédiatement qu’il accepte pleinement la Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations Unies et qu’il préconise le retrait de toutes les colonies et le retrait total de l’armée israélienne de la Cisjordanie et de Gaza.

Le Président d’Israël exhorte le peuple et le gouvernement américains à « s’engager dans notre principal effort concerté pour permettre que Deux Etats fleurissent ». A moins que lui et ses collègues dirigeants d’Israël soient prêts, sans plus tarder, à s’engager à un retrait complet à la ligne d’armistice du 4 juin 1967, dans un effort sérieux pour la paix, Israël continuera à perdre le soutien américain et international et Un Etat est l’évolution probable de la Palestine.

Le Président israélien Peres peut éviter de voir la réalité en face, mais l’administration Obama et le peuple américain ne peuvent se permettre cette illusion fatale.

Note ISM :
(1) Ces deux commissions permanentes ont été créées par les USA pour exercer un contrôle parlementaire du renseignement : le “Senate Select Committee on Intelligence” (SSCI) a été créé en 1976 et le “House Permanent Select Committee on Intelligence” (HPSCI) en 1977.

(2) Sur la "légitimité" très contestable d’Israël, lire "Le Partage de la Palestine, 29 novembre 1947 - Une analyse".

(3) Sur le Plan Yigal Allon, lire :
- Le "Plan de Convergence" de l’Occupation : Légitimer les Bantoutans Palestiniens, par Stop The Wall.

- "Se souvenir de la guerre de 1967", par Hasan Afif El-Hasan.

Source : Palestine Think Tank Traduction : MR pour ISM