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Reproduction intégrale de la séance de l’Assemblée nationale française du 14/01/09 consacrée à la situation au Proche-Orient.

A l’appréciation de nos lecteurs (ndlr)

Jeudi, 15 janvier 2009 - 16h30

jeudi 15 janvier 2009

Compte rendu intégral

Première séance du mercredi 14 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

Présidence de M. Bernard Accoyer
M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1
Déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient
et débat sur cette déclaration

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés,

je mesure la gravité de la préoccupation de la représentation nationale, et à travers elle du pays tout entier, face à la terrible crise de Gaza. Je partage votre émotion devant le gâchis de tant de vies, d’efforts et d’espérances. Je partage votre inquiétude devant le recul de la modération et du dialogue, au bénéfice de la violence.

Je ne partage pas, en revanche, le sentiment de ceux qui croient que les efforts diplomatiques n’ont servi à rien, même si les résultats attendus sont, hélas ! trop lents à se manifester.

La France, vous le savez, s’est pleinement engagée dès le premier jour et au plus haut niveau, pour rechercher une sortie de crise. Les combats n’ont pas encore cessé, mais nous avons créé et maintenu une pression qui, utile aujourd’hui, sera efficace dans quelques jours.

M. Maxime Gremetz. Mais combien y aura-t-il encore de tués ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je voudrais vous dire en quelques mots ce que nous avons fait, dans quel esprit, et avec quels résultats.

Nous avons agi tout de suite, dès le 27 décembre. Nous l’avons fait dans un esprit d’équilibre et de justice. Nous l’avons fait avec nos partenaires européens, en les mobilisant sous notre présidence, le 30 décembre, en appuyant ensuite les efforts de la présidence tchèque qui prenait le relais. Nous l’avons fait avec la double volonté d’obtenir un cessez-le-feu immédiat, pour épargner des vies et de la souffrance, tout en recréant les conditions d’un cessez-le-feu durable, qui garantisse la relance du processus de paix.

La France est lucide sur le partage des responsabilités dans le déclenchement des combats, et cette lucidité est la première condition de nos efforts.

Dès le 27 décembre, le jour où Israël a lancé l’offensive, nous avons condamné les provocations qui ont conduit à l’escalade. Nous avions aussi condamné le refus par le Hamas de reconduire la trêve de juin dernier et de rencontrer le président de l’Autorité palestinienne, comme la reprise des tirs de roquettes contre le sud d’Israël.

Mais nous avons condamné aussi l’usage disproportionné de la force par Israël, rappelant qu’il n’y avait pas et qu’il n’y aurait pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien, y compris à Gaza. Nous avons appelé au plein respect du droit international humanitaire, notamment des conventions de Genève, qui prohibent toute punition collective des populations civiles en temps de conflit, comme au plein respect du droit de la guerre, qui définit l’usage licite de certaines armes. Cette position équilibrée est la seule sur laquelle on puisse bâtir la paix.

Bâtir la paix, cela veut dire d’abord obtenir l’arrêt des tirs de roquettes sur Israël, le retrait des troupes israéliennes et l’ouverture des points de passage, la levée du blocus. Cela passe nécessairement par la lutte contre la contrebande à la frontière entre l’Égypte et Gaza. Cela passe aussi par la reprise du dialogue interpalestinien entre le Fatah et le Hamas, sous l’égide d’Abu Mazen, démarche dans laquelle l’Égypte joue un rôle essentiel. Toutes ces lignes étaient en place dans le document adopté par les vingt-sept ministres des affaires étrangères de l’Union européenne, réunis à ma demande le 30 décembre, soixante-douze heures après le début des combats. À partir de là, nos efforts se sont déployés dans deux directions : sur le terrain et à l’ONU.

Sur le terrain tout d’abord. Face à l’urgence de la situation et au caractère intolérable des violences, le Président de la République a pris la décision et le risque de se rendre dans la région, en complément de la troïka européenne conduite par la présidence tchèque, rencontres auxquelles je participais. Le déplacement du Président de la République des 5 et 6 janvier l’a conduit successivement en Égypte, dans les territoires palestiniens, en Israël, en Syrie et au Liban, puis encore une fois en Égypte.

Je veux insister sur ce point : la France est l’un des rares pays qui peut parler avec les acteurs de la région, non seulement les parties prenantes – Israël et les Palestiniens –, mais encore l’Égypte, la Syrie ou le Qatar, qui sont des médiateurs indispensables.

Cette ouverture nous donne un rôle et une responsabilité particuliers. Cela ne veut pas dire que nous dialoguons avec n’importe qui, et à n’importe quelle condition. Nous avons du dialogue une conception exigeante. Le dialogue, c’est le moyen de favoriser la paix et la modération. C’est une opération réciproque, où chacun doit faire un effort. Mais on ne peut dialoguer avec ceux dont l’ambition principale et avouée est de détruire le processus de paix. Nous n’ignorons pas la réalité du Hamas, ni son succès électoral, ni son poids dans l’opinion palestinienne. Nous sommes prêts à engager avec lui un dialogue officiel dès qu’il renoncera à la violence, qu’il souscrira aux accords conclus par l’OLP et reconnaîtra Israël, comme nous le demande l’OLP elle-même. Nous avons dès à présent des contacts indirects pour lui faire passer des messages via des pays comme la Norvège, la Russie, la Turquie, la Syrie, le Qatar ou l’Égypte. Notez-le : nous ne sommes pas en compétition avec les pays que je viens de citer, ces actions parallèles sont complémentaires.

Le 6 janvier, à l’issue de cette tournée au Moyen-Orient, les présidents français et égyptien ont présenté à Charm el-Cheikh une initiative de paix fondée sur trois éléments principaux, qui reprennent et développent les paramètres que nous avions acceptés à vingt-sept à Paris.

D’abord, la cessation immédiate des hostilités en vue de l’ouverture d’un ou de plusieurs corridors humanitaires permettant l’acheminement effectif de l’aide ; l’invitation sans délai au Caire des parties israélienne et palestinienne pour discuter des garanties de sécurité susceptibles d’éviter une répétition de l’escalade et de permettre la levée du blocus, notamment en ce qui concerne l’arrêt de la contrebande d’armes vers le Hamas ; enfin, la relance des efforts égyptiens en vue d’obtenir une réconciliation palestinienne, indispensable à la relance du processus de paix.

Cette démarche doit aussi aboutir à la libération tant attendue de prisonniers palestiniens et israéliens.

Cette initiative a reçu un accueil positif de la part du président palestinien comme des autorités israéliennes. Mais elle a surtout provoqué un contexte favorable à des avancées. J’en retiens trois.

Premièrement, l’annonce par Israël d’une trêve quotidienne de trois heures, afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire. C’est insuffisant, bien sûr, mais c’est déjà une avancée qui n’aurait pas été possible sans l’initiative franco-égyptienne.

Deuxièmement, la reprise des discussions entre l’Égypte et le Hamas, et le déplacement d’une délégation du Hamas au Caire.

Troisièmement, le déplacement en Égypte du collaborateur du ministre de la défense israélien Ehud Barak, le général Amos Gilad, et la reprise des négociations israélo-égyptiennes sur le contrôle de la frontière avec Gaza et la contrebande d’armes.

Voilà ce que furent nos efforts sur le terrain. Et nous poursuivons jour après jour nos contacts, nos avancées, nos reculs, nous affinons nos plans collectifs. Mais il restait à donner à cette initiative une reconnaissance plus large et une force plus grande, en obtenant le vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est ce qui a été fait, le 8 janvier, résolution qualifiée d’historique par M. Ban Ki-moon. C’est la première fois depuis 2004 que le Conseil de sécurité vote sur ce conflit du Moyen-Orient une résolution qui ne soit pas dénuée de substance. C’est la première fois que nos partenaires arabes acceptent de voter un texte qui condamne le terrorisme, qui dénonce aussi la contrebande d’armes, qui demande que la sécurité d’Israël soit garantie par un cessez-le-feu durable, en même temps que la réouverture de Gaza.

Nous n’avons pas obtenu le vote des Américains, auquel on pouvait croire pourtant jusqu’au dernier moment. Mais nous avons évité le veto, et ceci constitue une avancée très importante pour l’avenir. D’autant que Mme Rice a déclaré publiquement et fortement qu’elle soutenait le texte et ses objectifs. C’est notre premier motif de faible satisfaction : avoir rassemblé la communauté internationale autour d’une ligne équilibrée et modérée, qui est la condition indispensable du retour à la paix.

Cette ligne équilibrée se décline en une proposition concrète de sortie de crise, les principaux paramètres envisagés par les Européens le 30 décembre puis développés par l’initiative franco-égyptienne du 6 janvier : cessez-le-feu immédiat et durable conduisant à un retrait israélien et à l’ouverture de corridors humanitaires, négociations des conditions d’un cessez-le-feu permanent et durable grâce à la lutte contre la contrebande d’armes et la réouverture de Gaza, relance du processus politique de paix.

J’entends ceux qui disent : cette résolution ne sert à rien puisqu’elle n’est pas suivie d’effets et que les combats continuent.

M. Roland Muzeau. Les massacres !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Les combats continuent, hélas ! Mais la résolution 1860 fait peser sur les belligérants une pression supplémentaire – le poids de la communauté internationale tout entière rassemblée. Et si nous n’avons pas eu le vote des États-Unis, je le répète, du moins nous avons eu l’abstention doublée d’une déclaration de soutien du texte et de ses objectifs.

M. Maxime Gremetz. Il y a des enfants qui meurent !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Et le Secrétaire général de l’ONU, après une assemblée générale extraordinaire à New York demain, se rendra sept jours au Moyen-Orient pour trouver les moyens de faire appliquer la résolution, résolution qui n’exerce pas seulement une pression sur les belligérants mais prépare également l’avenir.

Elle renforce notre crédibilité et notre poids auprès de nos principaux interlocuteurs. Elle envoie le message à nos amis américains…

M. Jean-Paul Bacquet. Nos amis américains, comme nos amis chinois !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. …que nous ne sommes pas restés immobiles en attendant le président Obama. Lorsque Barak Obama arrivera à la Maison Blanche, il aura devant lui un texte qui fait l’accord de toute la communauté internationale et qui sera pour lui, je l’espère, une inspiration et une incitation. C’est le sens de la déclaration d’Hillary Clinton hier. C’est le résultat du document transatlantique que la présidence française de l’Union européenne a fait parvenir, dès leur nomination, aux responsables de la politique extérieure des États-Unis.

Cette résolution renforce aussi le poids de l’ONU – imaginons ce qui serait advenu si le Conseil de Sécurité avait échoué à se rassembler autour d’une résolution. Elle renforce enfin le poids de la France, qui présidait les débats du Conseil. Les uns et les autres savent maintenant que nous avons agi avec obstination, que nous continuerons de le faire mais que nous ne sommes, hélas, que partiellement écoutés.

Nos efforts, je le répète, n’ont pas produit l’effet visible et immédiat que nous attendons tous : l’arrêt des combats.

M. Roland Muzeau. Quand ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je dis bien l’arrêt. Mais nos initiatives ont suscité une convergence des vues qui finira par l’emporter si nous sommes assez audacieux et inventifs, et totalement déterminés. Dans la volonté patiente, obstinée, que l’on déploie pour surmonter l’obstacle, se dessinent des équilibres nouveaux, qui feront avancer l’histoire.

Toutefois, nous ne négligeons pas l’urgence. L’urgence, c’est la situation des populations sur place. On compte, pour l’instant, plus de 900 Palestiniens tués et 4 000 blessés.

Plus du tiers sont des femmes et des enfants.

M. Roland Muzeau. 150 enfants !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Le bombardement de trois écoles gérées par l’ONU, le 6 janvier, a causé la mort d’une cinquantaine de civils et soulevé la vague d’indignation que vous savez. Côté israélien, dix soldats ont été tués au cours des combats. Des roquettes ont continué de s’abattre sur le sud d’Israël, tirées par dizaines depuis Gaza et causant la mort de trois civils israéliens. Il faut rappeler que la portée de ces roquettes a été étendue très récemment à plus de quarante kilomètres. Elles menacent désormais trois des plus grandes villes du pays, soit 1 million de civils, et se rapprochent de Tel Aviv.

L’urgence, c’est aussi la situation sanitaire et alimentaire, déjà critique en raison du blocus imposé par Israël depuis la prise du pouvoir par le Hamas. Mais elle s’est dramatiquement dégradée sous l’effet des opérations militaires.

M. Maxime Gremetz. De l’invasion !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. La moitié de la population n’a plus accès à l’eau potable tandis qu’un million de personnes sont privées d’électricité et que le déficit alimentaire s’accroît. Seulement neuf boulangeries fonctionnent sur les quarante-sept de Gaza et l’insécurité empêche le programme alimentaire mondial de travailler.

Les organisations internationales et les ONG ont en effet les plus grandes difficultés à opérer sur place. L’ONU a repris ses activités humanitaires à Gaza : elle avait dû les suspendre après qu’un de ses convois eut été touché par des tirs d’obus israéliens le 8 janvier, provoquant la mort d’un de ses chauffeurs.

Notre action se déploie dans deux directions. C’est tout d’abord l’aide directe, à travers l’envoi d’équipes chirurgicales, sur place et alentour, et de matériel humanitaire à Gaza, via l’Égypte et Israël. Nous tentons également d’installer un hôpital de campagne, pour donner sur place les premiers soins aux blessés. On nous propose un bateau hôpital : c’est une éventualité que nous examinons.

C’est ensuite l’aide financière : le ministère des affaires étrangères a alloué un peu plus de 3 millions d’euros de financements depuis le début de l’année, notamment aux organisations des Nations unies et aux ONG.

M. Roland Muzeau. Parlez-nous des crimes de guerre !

M. Maxime Gremetz. Et de l’agression !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Il nous faut déjà penser à l’après cessez-le-feu. Il en sera question dès la rencontre de suivi de la Conférence de Paris que j’organise demain jeudi 15 janvier.

M. Maxime Gremetz. Des enfants meurent !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je le sais ! C’est la raison pour laquelle nous nous dévouons. N’enfoncez pas les portes ouvertes !

M. Roland Muzeau. Dénoncez-le alors ! Ne soyez pas complice !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Nuit et jour nous sommes dévoués à cette cause. Vous n’avez rien fait de plus que moi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je le répète : il nous faut déjà penser à l’après cessez-le-feu. Demain nous réunissons au Quai d’Orsay M. Tony Blair, représentant du Quartet, Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne, et mon homologue norvégien M. Jonas Stoere. Nous mobiliserons l’ensemble des parties prenantes et nous réaffirmerons avec force que le blocus de Gaza doit être levé et la ville reconstruite, développée et intégrée au sein du futur État palestinien, auquel nous consacrons tous nos efforts.

M. Maxime Gremetz. Arrêtons le massacre !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Nous travaillons avec la présidence de l’Union européenne, la Commission, nos partenaires, les États-Unis et la Banque mondiale : la préparation d’une conférence chargée, demain, de la reconstruction est déjà en cours.

Voilà comment se conjuguent nos efforts, à Gaza, dans la région, au sein de l’Union européenne, à l’ONU et dans le cadre du Quartet.

M. Maxime Gremetz. Et on laisse faire le massacre !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Une dynamique est lancée, les contacts se poursuivent, je le répète, quotidiennement. Nous ne cesserons pas de chercher la voie étroite qui conduit du terrain des luttes au champ des fraternités. Nous ne cesserons pas !

M. Maxime Gremetz. Ce sont des paroles !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Oui, ce sont des paroles qui valent mieux que des cris !

M. Roland Muzeau. Il faut condamner Israël !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. J’ai la conviction que nos efforts aboutiront. Les contours d’un cessez-le-feu commencent à se dessiner,…

M. Maxime Gremetz. Il faut toujours attendre !

M. Michel Herbillon. Cela suffit, monsieur Gremetz !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je ne demande pas aux habitants de Gaza d’attendre, mais c’est de cette façon que le retour de la paix aura lieu ! Et nous y aurons contribué.

Je le répète : les contours d’un cessez-le-feu commencent à se dessiner même si nous devons encore faire face à des obstacles importants.

M. Maxime Gremetz. Des paroles !

M. le président. Monsieur Gremetz, laissez M. le ministre s’exprimer !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je suis encouragé par les débats et les interrogations que je perçois ces jours-ci.

Enfin, au nom du Gouvernement, je veux mettre en garde contre toute importation du conflit en France. Les manifestations sont légitimes, tout comme la passion et la solidarité. Je m’en félicite, même, car elles témoignent de la vitalité du débat démocratique et de l’ouverture vers les autres, vers l’ailleurs, loin du repli sur soi. Ces solidarités doivent toutefois s’exprimer dans le respect de la loi, sans débordement. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant. Les Français de toutes confessions et de toutes origines doivent donner l’exemple et montrer qu’une coexistence sereine est possible. Le Gouvernement combattra fermement tout acte antisémite ou raciste. Les organisations religieuses se rencontrent et dialoguent, mettant en garde contre les excès.

J’ai la certitude, mesdames, messieurs les députés, malgré les épreuves, les guerres et les haines, que la paix l’emportera.

M. Maxime Gremetz. Après combien de morts ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Le processus de paix va devenir une réalité tangible, répondant à l’espoir des Palestiniens qui sont désespérés par la progression inexorable de la colonisation. La France travaillera avec le président Obama, avec Abu Mazen et avec le prochain Premier ministre israélien, à ce que ce rêve, déjà vieux de soixante ans, incarné, ne l’oublions pas, par la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations unies de 1947, devienne une réalité : un État palestinien viable et démocratique, vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël, avec Jérusalem pour capitale commune des deux États. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Cambadélis pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de l’émotion face à cette nouvelle guerre au Proche-Orient, au-delà de la compassion légitime pour les populations endeuillées et les victimes, au-delà des craintes pour les répercussions dans le monde, plus particulièrement en France, au-delà des propositions du parti socialiste visant à créer une délégation ou un groupe de travail réunissant l’ensemble des groupes sur Israël et la Palestine, il nous faut, aujourd’hui, distinguer et proposer.

L’intifada, la guerre en Irak, la construction du mur, le retrait de Gaza, la victoire électorale du Hamas, l’affrontement entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, l’enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit, l’assassinat d’autres, le blocus de Gaza ou encore la guerre du Liban : la logique est là, implacable, inextricable, imbriquée dans une descente aux enfers rythmée par les attentats suicides, les tirs de roquettes contre Israël et la riposte de l’armée israélienne.

M. Maxime Gremetz. Il ne s’agit pas d’une riposte !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Cette riposte provoque un chaos régional, la mort et la destruction. Le Proche-Orient est une plaie ouverte au flanc du monde. Évidemment le Hamas a rompu la trêve : lorsqu’on rompt une trêve, ce n’est pas pour faire la paix. Assurément la réponse, la riposte d’Israël est d’une violence implacable : lorsqu’on intitule une opération militaire « Plomb durci », ce n’est pas pour tendre la main. Évidemment, le Hamas réagissait à un blocus qui disait prendre sa source dans les attentats suicides et les tirs de roquettes. Mais le blocus était là avec son cortège de souffrances, de privations et de rancœurs.

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et le parti socialiste ont condamné les tirs de roquettes et l’intervention israélienne. Toutefois, la question n’est pas de distribuer les responsabilités d’hier mais de prendre nos responsabilités pour distinguer et proposer. Il faut dire, en France et hors de France, qu’il n’y a pas de peuple juif ni de peuple palestinien collectivement responsables ; il faut dire qu’Israël ne vivra pas en paix en faisant la guerre ; mais il faut dire également que ce n’est pas en proposant au peuple juif le cercueil ou la valise que les Palestiniens obtiendront un État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il faut dire encore et toujours qu’il n’y a pas de solution militaire. Nous le savons. Une grande partie de la classe politique israélienne, particulièrement la droite israélienne, pense l’inverse. Du premier Sharon à Netanyaou, elle chevauche un inquiétant complexe de Massada. La paix serait impossible car les conditions de survie d’Israël sont improbables. L’interdiction pour certains partis arabes de se présenter aux prochaines élections en Israël va dans ce sens. Cette vision n’était pas celle de Rabin ; elle n’est pas, non plus, celle de toute la société israélienne. C’est l’honneur de la démocratie israélienne que de permettre ce débat.

Dans le même temps le Hamas croit pouvoir réactiver « Septembre noir », ce moment en 1970 où le Fatah fut défait militairement et vainqueur politiquement. Ce sont des stratégies souvent suggérées par des puissances régionales ou motivées par des agendas américains ou européens, voire par des opportunités électorales, mais elles ne règlent rien. Elles créent au contraire les conditions du conflit suivant. Nous le savons : il n’y aura de solution durable et juste que politique.

M. Jean-Marc Ayrault. Très bien !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Depuis soixante ans que dure ce conflit au Proche-Orient, nous avons désormais le recul historique pour comprendre qu’aucune victoire militaire momentanée n’a assuré à la société israélienne la possibilité de vivre durablement en paix.

Israël, en effet, n’affronte pas simplement des États ou des fractions armées dont elle pourrait détruire durablement le commandement et l’infrastructure. C’est pourquoi la seule solution passe par l’avènement d’une véritable Realpolitik israélienne, capable de se situer réellement dans le long terme. La disqualification successive de ses interlocuteurs est une impasse. Récuser le Fatah libère l’espace au Hamas, et ce processus est sans fin, avec des acteurs toujours plus radicaux. Israël doit revenir à l’intuition fondamentale d’Itzhak Rabin : « Je combattrai le terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix, mais je poursuivrai le processus de paix comme s’il n’y avait pas de terrorisme ». Combattre les attaques du Hamas contre son territoire n’empêche pas de discuter simultanément les conditions de la paix avec les interlocuteurs du camp d’en face. De même, ni la division du peuple palestinien ni son affrontement militaire interne ne renforcent sa cause. Quant à l’espoir de détruire l’État d’Israël pour instaurer un État peut-être islamique aux portes de l’Europe, ce projet qui est porté par la charte du Hamas mais n’est plus, semble-t-il, celui de tous les responsables du mouvement, est inacceptable : ce n’est qu’une illusion, source de souffrances pour le peuple palestinien. Yasser Arafat avait rompu avec la charte de l’OLP qui préconisait la destruction de l’État d’Israël, pour avancer vers la paix et l’État palestinien. La seule solution est connue et reconnue. François Mitterrand l’avait affirmée à la tribune de la Knesset en 1982 : il n’y a pas d’autre solution au Proche-Orient qu’une paix juste et durable sur la base d’une double exigence : le droit de l’État d’Israël à l’existence et à la sécurité et le droit des Palestiniens à un véritable État viable dans lequel ils pourront mener une vie digne.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Cette vision de la paix a pour fondement la légalité internationale construite par l’ensemble des résolutions des Nations unies, notamment la résolution 1397, qui reconnaît clairement l’existence d’un État palestinien à côté de l’État israélien, et la résolution 1402, qui exige le retrait des troupes israéliennes des territoires occupés.

Cet objectif ne peut être atteint que par des négociations de paix entre les deux parties. Ceci fut accepté par tous, des accords d’Oslo à la conférence de Madrid ou lors de la rencontre de Taba en janvier 2001, en présence des représentants de l’Union européenne d’ailleurs. N’oublions pas non plus que les pays arabes ont eux aussi proposé un plan de paix globale en 2002, connu sous le nom de plan Abdallah, qu’ils ont réaffirmé en 2008. Nous connaissons donc tous les contours d’une véritable paix non seulement entre Israël et la Palestine mais entre Israël et ses voisins.

Mme Élisabeth Guigou. Très juste !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Constatons que tous les points d’appui pour ce plan de paix se sont affaiblis dans tous les camps. C’est la raison pour laquelle le déblocage sera international. Israël refuse la résolution des Nations unies de cessez-le-feu. Nous le déplorons. Il faut proposer des résolutions contraignantes et utiliser la pression économique européenne. L’urgence est le cessez-le-feu, le retrait des troupes de Gaza, l’ouverture de couloirs humanitaires, l’envoi d’une force internationale protégeant les populations et garantissant la sécurité de tous.

Évidemment, on trouvera la vraie solution aussi bien à Washington qu’à Tel-Aviv, au Caire ou à Damas, surtout lorsqu’on ne peut, ou qu’on ne veut pas, aller jusqu’à Téhéran. Les États-Unis ne peuvent plus soutenir économiquement et militairement Israël sans contrepartie. Voilà pourquoi nous vous préférons, monsieur le ministre, aux Nations unies faisant voter un cessez-le-feu plutôt que soutenant du bout des lèvres le cavalier seul du Président de la République au Proche-Orient.

Il fallait, en l’espèce, jouer plus vite et plus nettement la carte d’une solution globale prônée conjointement par les Nations unies, par l’Europe et, si possible, par les États-Unis. Le multilatéralisme n’est pas un idéal abstrait, une perte de temps qui engendrerait la dilution pratique de la capacité d’influence des nations. Dans le monde d’aujourd’hui, l’approche multilatérale est au contraire une condition d’exercice efficace de la puissance. Ce cavalier seul a été une erreur parce qu’il est contraire à la nécessité et à la volonté de bâtir une politique étrangère européenne.

C’est précisément face à la crise, hier dans les Balkans ou en Irak, que se saisit ou se perd l’occasion de cette affirmation et de cette émergence. La question du rôle et de la place de l’Europe dans le monde dépend moins, en vérité, des avancées institutionnelles et juridiques dont nous ne cessons de débattre, que de ce qui se construit, se cristallise dans des épreuves comme celle que nous traversons. C’est dans des moments comme celui-ci que l’image de l’Europe – dont il s’agit de savoir si elle doit être une puissance politique intégrée ou une simple zone de coopération économique – se constitue pour ses propres peuples et pour le reste du monde.

Tout doit être tenté pour la paix, évidemment, mais était-il judicieux de faire cavalier seul, « kidnappant » au passage le plan égyptien, alors que s’achevait la présidence française de l’Europe et que nous professons le multilatéralisme ?

M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Cambadélis.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Monsieur le ministre, était-il juste, par ailleurs, d’organiser le forcing diplomatique pour obtenir dès décembre 2008 un « rehaussement » du rapport entre l’Europe et Israël malgré l’avis négatif du Parlement européen ? Les socialistes de tous les pays d’Europe voteront à l’unanimité contre cette disposition tant que l’État d’Israël ne respectera pas le droit humanitaire international tel que le prévoit la résolution adoptée.

Ce débat est utile mais, aussi bienvenu qu’il soit, il vient un peu tard, vous en conviendrez, monsieur le ministre.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas un débat !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Plus les débats se tiennent tôt, plus ils ont d’ampleur et plus ils nous permettent de clarifier la position de la France et d’isoler ceux qui veulent ajouter à la guerre là-bas, la haine ici. Nous les condamnons. Nous condamnons tout acte antisémite avec la dernière énergie.

Je conclurai en affirmant que si notre communauté nationale n’est pas ennemie des communautés, elle n’est pas leur juxtaposition, elle est encore moins l’addition de drapeaux de nations en guerre. Elle n’en a qu’un et il est bleu-blanc-rouge. Elle n’a qu’une volonté : la paix là-bas, la République ici ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Michel Boucheron. Très bien !

M. Jean Glavany. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, messieurs et madame les membres du Gouvernement, face à la situation dramatique de la population palestinienne à Gaza, confrontée à l’une des offensives militaires les plus meurtrières de l’armée israélienne, il était urgent que le Parlement débatte de la position de la France. Aussi le groupe de la gauche démocrate et républicaine se félicite-t-il que sa demande ait été acceptée.

Gaza, c’est aujourd’hui un camp d’internement à ciel ouvert, ravagé par le chômage et la pauvreté, coupé du monde par un blocus militaire, pilonné par une des armées les plus puissantes du monde. Gaza, c’est aussi 360 kilomètres carrés contrôlés pour presque la moitié par une armée d’occupation, avec une population d’environ 1,5 million de Palestiniens sans aucune possibilité de fuir l’horreur des bombardements.

Dans ce contexte de guerre totale, il y a forcément de nombreuses victimes civiles. Comme l’écrit Uri Avnery, écrivain israélien : « Pour éviter les pertes parmi nos soldats, la doctrine est de tout détruire sur leur passage. Cela signifie le choix conscient d’une sorte de guerre particulièrement cruelle. » L’ONU ajoute que les civils ne sont en sécurité nulle part dans la bande de Gaza.

Cette nouvelle opération militaire intervient dans un moment de vacance de l’administration américaine, et l’on peut s’étonner, s’inquiéter du silence assourdissant de celui qui sera investi officiellement président des États-Unis ce 20 janvier. En laissant filer le temps, ce qui permet à l’armée israélienne de continuer et d’intensifier la guerre contre les Palestiniens de Gaza, la nouvelle administration américaine risque de compromettre sa crédibilité future à proposer une nouvelle feuille de route pour le Proche-Orient.

Cette fois-ci, il s’agit pour l’armée israélienne de laver l’affront subi en 2006 au Liban face au Hezbollah et de démontrer sa capacité à affaiblir durablement le Hamas qui a, pour sa part, un but de guerre très précis : encaisser les coups le plus longtemps possible pour gagner sur le terrain politique cette guerre asymétrique qu’il ne peut remporter sur le terrain militaire.

Après trois semaines passées sous les bombes, l’organisation islamiste a malheureusement déjà remporté une victoire politique décisive. En effet, transformer la vie des Gazaouis en enfer ne conduit pas la population à se soulever contre le Hamas mais, au contraire, à faire bloc derrière lui. Si Israël avait voulu faire la démonstration que l’Autorité palestinienne n’existait plus politiquement et que la seule autorité crédible était le Hamas, il n’aurait pas procédé autrement.

De quoi la population civile de Gaza est-elle coupable ? D’avoir choisi comme représentation politique le Hamas lors d’élections démocratiques que l’Union européenne avait encouragées mais dont elle n’a pas reconnu le résultat ? Si les propositions de paix, de négociations défendues par l’Autorité palestinienne ou par des représentants israéliens et palestiniens comme l’Appel de Genève de 2004 de MM. Beilin et Rabbo n’avaient pas été systématiquement écartés par les gouvernements israéliens qui se sont succédé, le désespoir n’aurait pas jeté les Palestiniens dans les bras du Hamas.

Aussi la responsabilité de l’Europe est-elle réelle dans le manque de soutien déterminé à ces initiatives. Rappelons également que lorsque la médiation des gouvernements arabes a abouti à un projet de gouvernement d’union nationale palestinienne, Israël, l’administration américaine et l’Union européenne ont refusé cette perspective et ont entériné la partition de fait entre Gaza et la Cisjordanie, renforçant ainsi malheureusement le sentiment des Palestiniens que le Hamas est la seule force sur laquelle ils peuvent compter.

Israël a négocié une trêve, en juin dernier, fondée sur deux principes : l’arrêt des tirs de roquettes contre les villes israéliennes et la levée du blocus de Gaza. Comme quoi, les gouvernements israéliens ne s’interdisent pas systématiquement – et c’est heureux – de négocier avec le Hamas.

Cependant, le blocus a été renforcé et Israël a procédé à une intervention militaire le 4 novembre 2008, brisant la trêve jusque-là respectée par le Hamas. Celui-ci a alors immédiatement repris les tirs de roquettes. Or, deux mois avant les élections israéliennes, c’était prendre ouvertement le risque de provoquer une intervention militaire. Il faut dénoncer sans nuances l’attitude du Hamas,…

M. Hervé Mariton. C’est bien la moindre des choses !

Mme Martine Billard. …approvisionné par l’Iran, et les tirs de roquettes sur le sud d’Israël. Il n’est cependant pas inutile de rappeler le contexte, ne serait-ce que pour éviter de sombrer dans cette logique qui consiste à ne pas établir de différence de nature entre les protagonistes de ce conflit, tellement nous sommes embrouillées par les postures, le spectre religieux et le poids de l’histoire qui nous tétanise. Dans ce petit espace où deux peuples vivent entremêlés, quelques vérités doivent être rappelées.

Il existe une situation coloniale. Israël doit comprendre qu’un État démocratique ne peut coloniser un peuple sans que celui-ci résiste. Israël a tort de penser que son projet de bantoustans peut se perpétuer et fonctionner. La transformation de la Cisjordanie en confettis palestiniens de plus en plus petits, isolés les uns des autres, ne peut qu’entretenir le désespoir d’une population palestinienne qui a l’impression que son espoir de pouvoir vivre un jour ou l’autre, en paix, dans un État indépendant, ressemble de plus en plus à une chimère.

Tant qu’un projet viable d’État palestinien, avec Jérusalem-Est pour capitale, ne sera pas à son ordre du jour, il n’y aura pas de paix et de sécurité durable pour Israël. On l’a dit : il n’y a pas de solution militaire. À moins de caresser le rêve fou d’évacuer la Cisjordanie de ses habitants et de mettre Gaza sous tutelle égyptienne.

On ne fait la paix qu’avec son ennemi. En son temps, le général de Gaulle a finalement négocié avec le FLN. Israël a construit politiquement le Hamas et liquidé le nationalisme laïque représenté par le Fatah. Il faudra donc qu’il se résolve un jour à dialoguer et à négocier avec le Hamas. Les plus de 900 victimes, dont 275 enfants et les 4 000 blessés de cette offensive ne constitueront qu’une nouvelle tache de sang, après Der Yassin, Sabra et Chatila et Jénine. Ils ne font que renforcer les partisans de la guerre de civilisation, du communautarisme, du racisme et de l’antisémitisme, partout dans le monde.

Le renforcement de l’intégration économique et politique avec Israël, sous la présidence européenne de Nicolas Sarkozy, et ce sans aucune condition, sans aucun engagement sur un règlement politique du conflit et le démantèlement des colonies, a privé l’Europe de capacités à agir en faveur d’un règlement politique du conflit.

Hélas, depuis 1948, le monde a été incapable de faire respecter la moindre résolution de l’ONU dans la région.

Les deux peuples doivent maintenant trouver en eux-mêmes la voie de la paix. Ils ne pourront y parvenir que si chacun renonce à son utopie : celle du Hamas, qui persiste à nier l’existence de l’État d’Israël ;…

M. Hervé Mariton. Curieuse utopie !

Mme Martine Billard. …celle d’Israël, qui continue la colonisation envers et contre tout, en misant sur le pourrissement de la situation interne aux Palestiniens et sur l’indifférence des États face à la tuerie.

Toutes les interventions militaires de l’armée israélienne ont été menées au nom de la recherche de la sécurité. La sécurité du peuple israélien n’est toujours pas assurée et cette offensive, comme les précédentes, est vouée à un nouvel échec politique. Elle ne fera que nourrir un peu plus la haine et le ressentiment.

Le gouvernement israélien est responsable des massacres en cours à Gaza. Accuser le Hamas de tenir la population civile en otage lorsque celle-ci n’a aucune solution de fuite puisque Israël ne lève pas le blocus ne rime à rien. Les Palestiniens ont droit, eux aussi, à la sécurité, à la dignité, au respect, et à leur terre.

Nous en sommes à la troisième semaine de l’opération « Plomb durci » et le massacre continue. Plus il y a de morts, plus on se sent impuissants, écœurés, révoltés face à l’ampleur de la tragédie.

Le plus terrible pour l’avenir, c’est que cette agression israélienne est en train de détruire la légitimité de l’État d’Israël aux yeux du monde arabe et, en premier lieu, aux yeux du peuple palestinien. Cette légitimité avait été acquise grâce au processus de paix et à la reconnaissance commune de l’OLP et de l’État d’Israël. Après Gaza, il faudra reprendre ce travail de Sisyphe, mais il est fort possible que ce soit, cette fois, malheureusement, le Hamas qui devienne le nouvel interlocuteur de l’État d’Israël. Triste bilan pour ces pompiers pyromanes !

Pour l’heure, il faut tout faire pour que cesse le carnage. Pour cela, il faut agir et contraindre le gouvernement israélien à cesser les opérations militaires. La présidence française est responsable d’avoir incité le Conseil des ministres de l’Union européenne, en décembre, à prendre la décision de rehausser les accords de coopération.

M. Claude Goasguen. Comment cela ?

M. Roland Muzeau. Eh oui !

Mme Martine Billard. Et cette décision a été prise contre l’avis majoritaire du Parlement européen, donnant ainsi une caution inespérée à cette intervention. Ces accords de coopération doivent être gelés tant qu’il n’y a pas un engagement ferme en faveur de la paix.

M. Roland Muzeau. Voilà !

M. Jean-Claude Sandrier. Bien sûr !

Mme Martine Billard. Il faut aussi prévoir une force d’interposition des Nations unies.

M. Maxime Gremetz. Bravo !

Mme Martine Billard. Je joins ma voix à la demande faite par des personnalités en faveur de l’envoi d’un navire-hôpital de la marine nationale au large de la bande de Gaza pour faire face au désastre humanitaire.

Les graves violations de la quatrième Convention de Genève relative aux crimes de guerre, le refus du gouvernement israélien et des porte-parole du Hamas d’appliquer la résolution n °1860 appelant à un cessez-le-feu doivent conduire le gouvernement français à saisir l’Assemblée générale des Nations unies en vertu de la résolution n° 377, « S’unir pour la paix ». Cette réunion est indispensable dans la mesure où le Conseil de sécurité est divisé sur les moyens à prendre pour rétablir la paix et la sécurité internationale.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, madame Billard.

Mme Martine Billard. C’est parce que nous agissons pour la paix et que nous soutenons les pacifistes des deux camps dont ces Israéliens opposés à la guerre qui manifestent tous les jours dans les rues de Tel-Aviv, c’est en agissant pour la paix et la justice que nous pouvons faire preuve d’autorité contre les débordements de haine et de racisme que cette guerre suscite, notamment sur notre territoire, et que nous condamnons de manière unanime.

M. le président. Je vous remercie, madame Billard.

M. Roland Muzeau. Laissez-la terminer, monsieur le président !

Mme Martine Billard. Les jours passent, le nombre de victimes augmente, la France va-t-elle accentuer sa pression sur Israël en s’en donnant les moyens afin d’arrêter cette guerre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 27 décembre dernier, débutait l’offensive de l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Comme à chaque fois, il est bien difficile aux observateurs extérieurs que nous sommes de nous faire une opinion précise sur l’évolution de la situation militaire et sur les intentions qui, en ce moment, animent les adversaires. L’expérience de guerres précédentes nous a, en outre, alerté sur les risques de manipulation et de déformation des faits par des actions délibérées de telle ou telle partie à un conflit. C’est pourquoi je ne peux m’empêcher de ressentir un certain sentiment de décalage entre, d’une part, les affrontements et les souffrances dont les médias nous renvoient l’écho, et, d’autre part, le cadre du présent débat.

Néanmoins, l’Assemblée nationale est pleinement dans son rôle quand elle examine cette situation, quand elle se préoccupe des enjeux d’un conflit qui s’enlise et n’en finit plus, quand elle s’interroge sur les initiatives que doivent prendre la France et l’Union européenne au service de la paix.

Dans ce conflit complexe, face à de tels affrontements, notre seul parti, la seule conquête que nous puissions viser, c’est la paix.

Mais il s’agit bien là d’une conquête : conquête sur la violence des belligérants, conquête sur le poids d’un passé très lourd et très pénible, conquête sur un ensemble de forces instable et en constante évolution.

Je n’insisterai pas, tant elle est évidente, sur l’urgence humanitaire. La conscience se révolte devant ces morts inutiles – plus de 900 victimes, dont un tiers d’enfants – et devant toutes ces souffrances.

M. Maxime Gremetz. Il faut faire cesser cela !

M. François Rochebloine. S’il y avait une seule justification à donner aux récents efforts du Président de la République en faveur de l’arrêt des combats, celle-ci emporterait la conviction. Hier, M. le ministre des affaires étrangères rappelait, en réponse à la question de notre collègue Michel Voisin, les efforts divers et importants consentis par la France pour prendre concrètement sa part de l’action humanitaire. Je veux ici rendre hommage à ces efforts et saluer les personnels qui sont à l’œuvre et à la peine sur le terrain.

Je veux également rendre hommage aux organisations humanitaires – et ce n’est pas vous, monsieur le ministre, qui me démentirez –, qui s’efforcent de procurer aux populations vivres, médicaments et soins.

M. Jean-Paul Bacquet. Et sacs de riz !

M. François Rochebloine. Je crois qu’il ne faut pas plaisanter sur des sujets aussi délicats, mon cher collègue.

M. Jean-Paul Bacquet. Ne vous inquiétez pas pour ça !

M. François Rochebloine. Je voudrais saluer, enfin, l’action inlassable du Haut Commissariat pour les réfugiés et de son responsable, M. António Guterres, aux côtés des personnes déplacées. Dans une de ses récentes déclarations, M. Guterres mettait en lumière une des caractéristiques les plus frappantes de la guerre de Gaza : c’est le seul conflit au monde où les civils n’ont même pas la possibilité de fuir, disait-il le 6 décembre. Un million et demi d’hommes et de femmes sont ainsi bloqués dans ce territoire de 360 km2, où les conditions de la vie quotidienne deviennent de plus en plus dramatiques.

À cet enfermement des corps répond l’enfermement des esprits. L’ambassadeur d’Israël nous disait, hier matin, en commission des affaires étrangères, que la population israélienne était soudée derrière son gouvernement et son armée, qu’elle en avait assez des frappes aveugles qui semaient l’insécurité et la mort parmi la population du sud du pays. Comment ne pas comprendre, humainement, cette réaction ? Toutefois, l’histoire est là pour rappeler à quel point est dangereuse l’unanimité dans la lassitude. On ne bâtit pas l’avenir sur un sentiment négatif.

Du côté palestinien, la division entre les mouvements et les courants d’opinion, outre qu’elle affaiblit la représentativité politique effective de l’Autorité palestinienne, est une source de surenchère dans l’hostilité à Israël, et aussi, sans doute, une cause de découragement. L’extrémisme se nourrit de l’absence ou de la faiblesse des perspectives politiques, avant d’être encouragé et stimulé par l’intervention extérieure.

Je partage l’opinion de celles et ceux qui condamnent les actes de terreur perpétrés par les milices du Hamas au détriment, eux aussi, de victimes innocentes. Les attentats suicides, les frappes de roquettes aveugles ne sont pas des procédés de guerre, ce sont des offenses à l’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Je comprends que l’on éprouve les plus vives réticences à traiter, ou même simplement à parler, avec un gouvernement formé ou soutenu par des personnes dont la négation de l’autre est le premier article du credo politique. Je comprends ce refus, considérant que l’existence d’Israël est un fait politique et une réalité humaine incontestables, contre lesquels aucune menace n’est acceptable.

Mais, en même temps, nous devons reconnaître que le gouvernement soutenu par le Hamas procède des urnes. Les Palestiniens de Gaza ont exprimé, en se prononçant majoritairement pour le Hamas, leur propre sentiment de révolte et de découragement. Ce sentiment ne doit pas être passé par pertes et profits au seul motif qu’il ne correspondrait pas à ce que l’on voudrait que les habitants de Gaza, et les Palestiniens en général, pensent. Il faut créer les conditions qui leur permettent de croire en la possibilité d’un autre choix.

Le dialogue direct entre les adversaires est actuellement impossible. Il y a entre eux trop de méfiance, de violence et de morts. Et pourtant, il est impossible de laisser la situation d’affrontement perdurer. Elle est fatale, à court terme, pour la vie, voire la survie, des populations impliquées. De plus, même si l’armée israélienne atteint les objectifs militaires qu’elle s’est fixés, sa victoire du moment laisse entières les causes profondes du conflit qui, tôt ou tard, resurgira.

Seule une impulsion extérieure permettra d’offrir aux parties en présence le cadre d’une négociation dont elles ont, en l’état, perdu la capacité politique d’admettre la nécessité dans leur propre intérêt. Le groupe Nouveau Centre soutiendra donc toutes les initiatives qui permettront la constitution, par des instances internationales, d’espaces de rencontres et de procédures de dialogue.

Dans l’immédiat, il appelle de ses vœux l’application effective et rapide du cessez-le-feu réclamé par le Conseil de Sécurité dans sa résolution 1860 du 8 janvier dernier, « menant au retrait total des forces israéliennes de Gaza » et comportant, dans l’immédiat, une intensification de l’aide humanitaire du Haut Commissariat pour les réfugiés et des organisations non gouvernementales.

Comme le Conseil, il constate que la réconciliation entre Palestiniens est un préalable à 1’ouverture et, à plus forte raison, monsieur le ministre, au développement de conversations entre les Palestiniens et Israël. On ne saurait imposer de l’extérieur cette réconciliation nécessaire, elle doit venir de la réflexion des parties en conflit, éventuellement encouragée de manière amicale et non directive. Dans cette perspective, le groupe Nouveau Centre ne peut qu’espérer la réussite des entreprises de médiation engagées dans le monde arabe, à l’initiative, notamment, du président Hosni Moubarak.

En outre, le groupe Nouveau Centre souhaite que la France continue de prendre une part active dans les efforts de reprise du dialogue israélo-palestinien, dans le prolongement de 1’action menée avec détermination par le Président de la République il y a quelques jours. Devant notre commission des affaires étrangères, un point a réuni l’ambassadeur d’Israël, M. Shek, et la déléguée générale de la Palestine en France, Mme Hind Khoury : la reconnaissance pour cette intervention. Je suis heureux d’en rendre ici témoignage. Je vois dans ce fait symbolique la consécration de 1’approche équilibrée que le Président de la République a souhaité promouvoir dans ses relations avec Israël et le monde arabe – et vous pouvez tout naturellement en témoigner, monsieur le ministre –, approche équilibrée dont la clé de voûte est un respect égal de chacun des partenaires de la France.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. François Rochebloine. Chacun sait que le langage de vérité est l’une des formes éminentes du respect que l’on doit à ses amis : cela est vrai des personnes comme des États et des peuples.

Dans un entretien accordé à Politique internationale, et publié en automne dernier, Elie Wiesel déclarait : « Je crois toujours la paix possible, ne serait-ce que parce qu’elle est de plus en plus nécessaire ». Le conflit en cours à Gaza, par son intensité, par sa violence, par ses conséquences, ne fait qu’illustrer encore plus fortement cette idée.

M. le président. Merci.

M. François Rochebloine. Je termine, monsieur le président.

Certes, la paix n’est pas facile. Depuis 1948, Israéliens et Palestiniens vivent côte à côte, sur la même terre. Seuls des esprits criminels ou exaltés – et il en existe des deux côtés – peuvent croire que la solution puisse venir de l’anéantissement de l’autre. Mais il est vrai que la construction d’une solution durable passe par des renoncements et des compromis réciproques. Dans chaque camp, les esprits les plus lucides savent bien, au-delà des slogans, que c’est la seule voie praticable, ne serait-ce que pour assurer à chacun les conditions d’une vie normale. Et s’il ne fallait citer qu’un exemple de préoccupations vitales partagées, le problème de 1’approvisionnement en eau viendrait immédiatement à l’esprit.

M. le président. Merci.

M. François Rochebloine. Rien ne serait plus calamiteux qu’un conflit autour de cette ressource vitale. Tous auraient à gagner à une gestion coordonnée. Mais pour en arriver là, chacun imagine les méfiances et les obstacles qu’il faudra surmonter, alors qu’il y va tout simplement de la vie.

Oui, vraiment, monsieur le ministre, il n’y a pas d’autre issue que la paix. Et le plus tôt possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est engagée, nous en sommes fiers. Et nous soutenons naturellement avec une totale détermination l’ensemble des actions qui ont été entreprises par le Gouvernement et par le Président de la République.

La France est engagée avec discernement, équilibre, intelligence et détermination.

Elle est engagée en raison des liens étroits qui l’unissent à l’État Israël, tout d’abord, dont nous partageons l’histoire, mais aussi parce que les relations franco-palestiniennes sont anciennes et que nous soutenons la volonté légitime du peuple palestinien de vivre dans un État de droit, libre, viable, en paix.

La France est engagée parce que sa voix compte dans cette région du monde, où les conflits ont une résonance planétaire, affectent très directement notre sécurité collective, et génèrent des effets déstabilisateurs sur l’opinion publique internationale.

Mais la France est engagée, probablement et avant tout, face au désastre humanitaire que cette offensive militaire engendre. Je ne rappellerai pas les chiffres, ils sont connus, éloquents et tragiques.

M. Maxime Gremetz. Si, vous pouvez les rappeler !

Mme Nicole Ameline. Ils ajoutent au cortège de souffrances, de violences qui n’ont cessé de jalonner l’histoire de ces deux peuples, dont cependant les destins sont indissociablement liés.

Notre groupe parlementaire soutient sans réserve l’initiative de paix et l’appel immédiat à l’arrêt des combats portés courageusement par le Président de la République. Grâce à la confiance établie, grâce à l’esprit de dialogue qui a su être construit avec l’ensemble des acteurs régionaux, les premières bases d’un cessez-le-feu ont été posées. Le groupe d’amitié parlementaire dirigé par Claude Goasguen est du reste allé sur place, sur le terrain, relayer ce message de paix.

Rien n’est plus important – mais je crois que tous les orateurs l’ont dit à cette tribune – que de mettre un terme à ces combats. Et nous saluons, de ce point de vue, toutes les initiatives qui convergent dans ce sens. Je pense aux pays européens que vous avez cités, monsieur le ministre, la Suède, la Norvège, mais aussi, bien évidemment, aux autres pays, tels le Qatar ou bien encore la Turquie, qui ne ménagent pas leurs efforts.

En effet, si nous comprenons et si nous respectons le fait que l’État d’Israël mette au premier rang de ses préoccupations la sécurité et la protection de ses citoyens, si nous considérons que cette exigence, cette aspiration légitime doit être comprise et admise dans l’ensemble de la région, nous considérons que seule l’existence d’un État palestinien constitue la réponse durable à cette exigence.

La guerre ne saurait donc être une solution durable. Elle risque, au contraire, de fragiliser l’espoir de voir naître prochainement un État palestinien et de nourrir le ressentiment d’une partie du monde islamique à l’égard de l’Occident.

Nous en voyons parfois l’expression jusque dans nos propres territoires et ici même en France par l’augmentation inacceptable et inquiétante d’actes antisémites.

La guerre réduit, certes, la capacité militaire du Hamas. Mais ne risque-t-elle pas aussi, indirectement, d’en renforcer l’aura dans une certaine partie du monde ? La perpétuation du conflit israélo-palestinien avec son cortège de violences affecte sensiblement l’ensemble de l’équilibre non seulement de cette région, mais, on peut le dire également, notre sécurité européenne.

Monsieur le ministre, l’opération en cours, telle qu’elle est conduite, risque, à certains égards, de ne pas atteindre son objectif. Ainsi que l’écrit Dominique Moisi, il n’y a pas de victoire possible sur ceux qui ne sont pas seulement prêts à sacrifier leur vie, mais attendent la mort comme une victoire.

Que peut-il sortir d’un confit qui durerait ? Nous sommes évidemment dans une situation paradoxale où la force risque au contraire d’affaiblir le vainqueur. Du reste, les accusations, la condamnation, les critiques qui sont faites aujourd’hui vis-à-vis de l’État d’Israël démontrent, s’il en était besoin, que cet État est aujourd’hui en train d’en payer le prix et se trouve sous le regard du monde.

Que dire des populations civiles ? Nous sommes extrêmement sensibles au fait que, aujourd’hui, des femmes, des hommes, dans des conflits de plus en plus nombreux, lorsqu’ils impliquent des mouvements non étatiques, se trouvent exposés – je devrais dire instrumentalisés. Nous sommes bien loin du droit international et des conventions de Genève. Il serait très important que nous puissions nous saisir de cette question.

Nous sommes également inquiets quant à la stabilité régionale, précaire et aujourd’hui ébranlée. L’Iran, toujours avide de renforcer son influence dans cette partie de la Méditerranée, n’a pas ménagé son soutien, tant logistique que financier et politique. De son côté, la rue arabe exerce une pression croissante sur les États modérés, plus ouverts vis-à-vis de l’Occident. Les réponses que nous attendons sont bien sûr à la fois régionales et internationales.

Pensez-vous que la présence, aujourd’hui, du Secrétaire général de l’ONU dans la région, l’investiture prochaine dans quelques jours du nouveau président des États-Unis puissent accompagner de manière déterminante les efforts conduits par la France ?

Nous appelons à notre tour l’Europe à s’impliquer plus fortement encore. Nous soulignons qu’elle en a la légitimité, la capacité. L’Europe a été aussi la terre de batailles incessantes, de souffrances, de luttes épuisantes entre ses peuples, mais elle est aussi la terre qui a réussi, avec le multilatéralisme, dont elle est certainement un peu le dépositaire dans le monde, à démontrer sa capacité à résoudre les conflits.

Est-ce le moment – nous en sommes convaincus – de renforcer notre partenariat avec les États-Unis dans une relation plus forte, transatlantique, ciblée sur ces sujets essentiels, et notamment sur la lutte contre le terrorisme ?

L’Europe, je le disais, a la légitimité et la capacité à agir. Elle peut apporter une contribution déterminante à l’élaboration d’une solution nouvelle, durable, dont nous connaissons – vous les avez rappelés – les termes : deux États, deux peuples dans le respect des frontières connues, reconnues et garanties. Notre rôle est probablement celui-là : apporter des garanties et assurer les conditions d’un développement économique sans lequel la paix reste une illusion.

L’Europe, premier donateur de l’aide aux Palestiniens, doit, monsieur le ministre, porter son effort politique au niveau de son engagement économique. Or que constatons-nous ? Depuis des années, le taux de chômage est compris entre 30 et 40 % dans la bande de Gaza. La pauvreté y est intense. Elle alimente évidemment l’extrémisme.

L’Union européenne a compris depuis longtemps qu’elle devait aider au développement des territoires palestiniens. Cette aide considérable – près de 500 millions d’euros en 2008 – ne semble pas répondre aux critères d’efficacité nécessaires. Bien au contraire !

Il y a près d’un an, l’Union européenne lançait un nouveau mécanisme, qui remplaçait le système précédent, dont le coût était particulièrement élevé. Monsieur le ministre, quel bilan tirez-vous aujourd’hui de son fonctionnement ? Ne faut-il pas s’appuyer sur ceux qui, au niveau du peuple palestinien, sont engagés avec le souci de faire que cette aide soit particulièrement efficace et durable. Il y a là un vrai sujet de réflexion.

La présidence tchèque de l’Union européenne a annoncé son souhait d’organiser une conférence des donateurs pour répondre aux besoins humanitaires de la population de Gaza. Cette idée est intéressante. Nous avions déjà réuni, le 17 décembre 2007, à Paris, une conférence des donateurs. Comment concilier cette double démarche ?

Ne pensez-vous pas que, à plus long terme, un volet des projets à conduire dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée pourrait viser spécifiquement au développement économique de la bande de Gaza, en lien avec ses voisins ?

Je voudrais insister sur l’intérêt du déploiement d’une force internationale chargée de garantir un cessez-le-feu à Gaza. Le Parlement européen porte cette idée. Dans un instant, le président de la commission des affaires étrangères la reprendra. Je crois que c’est un élément très important.

L’Union européenne aurait tout à gagner à se faire le relais de cette demande auprès des Nations unies, puis à proposer d’en assurer la conduite. Le fait que la France assure actuellement la présidence du Conseil de sécurité ne peut d’ailleurs que l’y aider. L’Europe, vous l’aurez compris, doit, pour nous, s’affirmer comme une puissance d’équilibre régulatrice. La France est à sa place. Elle doit jouer son rôle. Elle doit poursuivre l’expression du droit et le faire avec courage, mais je dirai aussi de toute son âme et de toutes ses forces, convaincue et consciente qu’elle est qu’il n’y aura pas de paix durable, qu’il n’y aura pas de solution durable au Moyen-Orient si nous ne sommes pas tous persuadés que ce problème est le nôtre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis trois semaines, le monde assiste à un désastre humanitaire dans la bande de Gaza. Cet épouvantable gâchis constitue un retour en arrière de plusieurs années : les espoirs d’Annapolis se sont envolés, les tentatives de rapprochement israélo-syrien sont réduites à néant.

Les torts sont incontestablement partagés.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Roland Muzeau. Non !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. C’est le Hamas qui a rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis le 19 juin dernier, et qui a repris les tirs de roquettes contre le Sud d’Israël.

M. Roland Muzeau. Ce n’est pas vrai !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Israël, de son côté, n’a pas tenu son engagement à user de la trêve pour assouplir le blocus de Gaza et poursuit une politique de colonisation pour le moins critiquable.

Les considérations politiques internes, dans les territoires palestiniens comme en Israël, contribuent à accroître les tensions. Le Hamas persiste dans une position extrémiste de refus : refus du plan d’unité nationale soutenue par le Fatah, refus d’élections législatives anticipées dans les territoires, refus de toute considération humanitaire à l’égard de la population recluse dans la souricière de Gaza.

De l’autre côté, l’approche des élections à la Knesset, le 10 février prochain, provoque incontestablement une surenchère sécuritaire…

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. …qui a conduit au renforcement du blocus de la bande de Gaza depuis des mois et à une riposte militaire disproportionnée ces derniers jours.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Face à cette situation, il faut à la fois répondre à l’urgence et réfléchir à plus long terme.

M. Loïc Bouvard. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. L’urgence, c’est de mettre un terme à un conflit armé qui a déjà tué plus de 900 personnes et fait près de 4 000 blessés. La protection des populations palestinienne et israélienne est une impérieuse nécessité. On ne peut laisser plus longtemps les habitants de la bande de Gaza privés du minimum vital.

Je tiens à saluer ici tout particulièrement les efforts du président Sarkozy et ceux du président Moubarak. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Ils ont au moins obtenu un cessez-le-feu de trois heures chaque jour pour le passage de convois humanitaires et l’approvisionnement de Gaza en vivres et en médicaments. De son côté, l’Égypte s’est engagée à renforcer la surveillance de sa frontière avec la bande de Gaza, afin de s’efforcer de mettre un terme à la contrebande d’armes.

Pourtant, il me semble qu’avec l’accord des différentes parties, monsieur le ministre, l’envoi d’une force internationale de maintien de la paix est devenu nécessaire pour garantir un cessez-le-feu réel et durable et permettre à la fois un contrôle effectif de la frontière entre l’Égypte et Gaza et la fin du blocus qui étrangle Gaza.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Il reviendrait logiquement aux Nations unies de la mettre en place, l’Union européenne ou l’OTAN pouvant éventuellement la conduire sur le terrain. La FINUL a fait la preuve de son utilité au Sud-Liban ; une force de même nature doit pouvoir conduire au même résultat à Gaza.

À plus long terme, il faut obtenir enfin le règlement politique d’un conflit vieux de soixante ans. Pour cela, deux points m’apparaissent fondamentaux. D’abord, même si les méthodes qu’il emploie sont inacceptables, on ne pourra pas progresser sans accepter de discuter à un moment ou un autre avec le Hamas.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. L’Égypte remplit son rôle d’intermédiaire avec beaucoup de bonne volonté, mais il faudra en venir à des négociations associant directement le Hamas.

Ensuite, ces négociations doivent se placer dans un cadre régional. Depuis le début des opérations militaires dans la bande de Gaza, les pays arabes, à l’exception de l’Égypte, sont restés relativement silencieux, car, s’ils compatissent aux souffrances du peuple de Gaza, le soutien qu’ils apportent au Hamas est pour le moins discret.

M. Jean Roatta. C’est vrai !

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères. Cette prudence me semble traduire leur volonté persistante de résoudre ce conflit par la diplomatie, volonté qui s’est déjà exprimée par l’adoption, en mars 2002, de « l’initiative de paix arabe », proposée par l’Arabie Saoudite, et par sa réactivation en mars 2007.

Une négociation sur la base de cette initiative, par laquelle les États arabes proposaient notamment des alternatives au droit au retour des réfugiés palestiniens, m’apparaît comme le meilleur moyen de parvenir à une solution crédible et durable.

Alors que le prochain président des États-Unis a fait part de sa volonté de se saisir sans attendre de la situation au Proche-Orient, et que la position équilibrée du président Sarkozy fait de lui un interlocuteur reconnu des Israéliens comme des chefs d’État de la région, je veux croire qu’une solution est possible et qu’il faut s’y employer sans relâche et sans a priori.

Notre assemblée s’efforcera d’y contribuer en envoyant dans les prochaines semaines une délégation pluraliste de parlementaires au Proche-Orient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais répondre très brièvement à certaines de vos interrogations et de vos légitimes questions.

J’ai bien écouté chacun d’entre vous et je n’ai pas été saisi par la nouveauté de vos propositions par rapport à la position que certains d’entre vous ont saluée et d’autres critiquée, ce qui est bien naturel.

Tout ce qui a été dit mérite non seulement que l’on s’y arrête, mais que l’on tente d’y répondre. Je ne vois rien que nous ayons négligé. Je vais m’en expliquer.

Monsieur Cambadélis, vous avez critiqué, je le comprends, le « cavalier seul ». Mais le cavalier seul accompagnait la troïka pour la première fois. Il y avait un représentant de la présidence quelques jours avant et la Troïka européenne – les trois représentants : le Haut représentant de la politique extérieure, la Commission et, ensemble à Ramallah, le Président de la République française.

M. Jean-Pierre Brard. Quel mépris pour les Tchèques !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Pourquoi criez-vous ainsi ? Cela ne vaut pas la peine.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne crie pas ; mais je parle pour être entendu.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. La présidence était assurée par les Tchèques, qui dirigeaient la troïka. Où avez-vous vu que les Tchèques étaient absents ?

M. Jean-Pierre Brard. Cela a fait doublon !

M. le président. Monsieur Brard, je vous en prie ! Seul M. le ministre a la parole.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Me suis-je bien fait comprendre ?

Nous voulons être efficaces, en mariant ce que vous appelez le « cavalier seul » et la collectivité assurée par la troïka, c’est-à-dire les vingt-sept pays européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pardonnez-moi d’avoir été un peu précis. Mais je n’ai pas à rougir d’avoir participé pour la première fois à la troïka, ce qui ne s’est jamais fait. Nous étions donc avec la représentation des vingt-sept pays.

Je salue l’analyse de M. Cambadélis, qui recoupe un certain nombre de points de vue exprimés au cours du débat. L’Union européenne a, les 3, 4 et 5 janvier derniers, traité du problème essentiel, à savoir le cessez-le-feu immédiat. Nous y travaillons ensemble et, je le répète, des contacts ont lieu tous les jours. Aussi, ne dites pas que nous avons fait cavalier seul. Nous sommes en contact permanent avec l’ensemble des vingt-sept pays de l’Union européenne et les États-Unis. M. Poniatowski a réclamé – peut-être à juste titre – que des contacts directs se nouent avec tout le monde.

M. René Couanau. Il a raison !

M. François Rochebloine. Oui !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. En tout état de cause, je peux vous affirmer que nous sommes en contact quasi quotidien avec l’Iran, qui joue un rôle évident. Je vous rappelle que ceux qui ont refusé – je les comprends – la venue de M. Bachar el-Assad à Paris sont maintenant bien contents que nous puissions parler aux Syriens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Sa venue a tout de même joué un certain rôle, et, du reste, vous ne l’aviez pas vraiment critiquée à ce moment-là. Regardez les efforts que nous avons faits même si nous pouvons en faire d’autres.

Je voudrais répondre, je l’espère une fois pour toutes, à la critique qui nous est adressée de faire cavalier seul, avec l’Ukraine ou le Maroc. Nous avions demandé à Israël et aux Palestiniens, qui n’ont pas encore un État, qu’ils soient un partenaire privilégié. Je tiens à vous dire, madame Billard, que votre intervention a été fort intéressante et je vous rappelle que nous avons proposé aux Palestiniens et aux Israéliens de se rencontrer, dans le cadre d’un partenariat privilégié, une fois par an, ce qui est, il faut le reconnaître, fort peu. Quand nous aurons dépassé le dialogue politique, nous suivrons bien évidemment les décisions du Parlement européen. Ceux que l’on accuse de faire cavalier seul ont tout de même été capables de proposer l’Union pour la Méditerranée, qui rassemble quarante-trois pays, dont le secrétariat adjoint est assuré par les Palestiniens, les Israéliens et la Ligue arabe. Alors, de grâce, reconnaissez que nous avons, pour le moins, fait preuve d’efficacité. Certains ont proposé que l’Union pour la Méditerranée se réunisse. Hélas, elle ne veut plus se réunir. Nous allons bien sûr essayer de participer à cette entreprise de paix avec l’ensemble de ces pays. Mais pour le moment – cela peut se comprendre –, ils ne souhaitent pas se réunir.

M. François Rochebloine. Dommage !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Certains ont regretté que ce débat ait été organisé trop tardivement. Le calendrier parlementaire étant chargé, il n’a pas été possible de l’organiser plus tôt. En tout état de cause, je suis prêt à venir parler devant vous de politique étrangère autant que vous le souhaitez.

Vous avez, madame Billard, évoqué l’initiative de Genève de M. Yossi Beilin et de M. Yasser Abd Rabbo, que je rencontre régulièrement. M. Rabbo participe aux négociations et représente l’Autorité palestienne. Quant à M. Beilin, qui animait le Haaretz, c’est l’un de nos interlocuteurs en Israël. Ces deux personnalités travaillent afin que le cessez-le-feu soit, de part et d’autre, proclamé le plus rapidement possible. Ne croyez pas que nous négligions quoi que ce soit !

S’agissant de la force d’intervention, il faut être deux, monsieur Poniatowski. Nous avons parlé, à mots couverts, d’une force d’observateurs et nous avons proposé que l’Union européenne avec des partenaires nombreux et sous la direction – pourquoi pas – des Nations unies participe à une telle force d’observation. Pour le moment, tant l’Égypte qu’Israël s’y opposent. Où, du reste, une telle force se déploierait-elle ? À Gaza ? Attendons le cessez-le-feu ; exigeons-le. Pour le moment, nous ne pouvons rien faire d’autre, même si c’est une bonne idée. Je vous rappelle qu’Israël, qui était au départ hostile à la FINUL, se félicite aujourd’hui de son existence. Le même problème se pose pour notre hôpital. Israël et l’Égypte refusent qu’il soit établi sur leur territoire. Sans cessez-le-feu, il est impossible d’installer cet hôpital comme nous le souhaiterions, pas plus, du reste, d’envisager la présence d’un bateau. Et dans ce domaine, j’ai une certaine expérience !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, pour ce qui est de mener les gens en bateau…

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. L’Assemblée générale des Nations unies, c’est demain et nous l’avions réclamée. Or la décision de l’Assemblée générale des Nations unies est la seule décision qui ne soit pas contraignante, madame Billard. Toutes les décisions du Conseil de sécurité, y compris les déclarations présidentielles, sont, elles, contraignantes. Cela implique des sanctions économiques, mais cela ne va pas plus loin. Je souhaiterais évidemment que la déclaration de cessez-le-feu soit contraignante au point que les armes se taisent. Mais comment y arriver ? En envoyant une force militaire ? Contre qui ? Cela n’est pas envisageable. Il faut convaincre et saisir les occasions pour faire en sorte que la pression internationale soit plus forte. C’est ce que nous avons essayé de faire. M. Ban Ki Moon doit passer sept jours au Moyen-Orient pour essayer de convaincre et de faire jouer la pression internationale, mais rien ne serait plus contraignant qu’une décision du Conseil de sécurité des Nations unies.

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Vous avez dit que la réunion d’un comité interministériel contre le racisme et l’antisémitisme s’imposait. Merci d’avoir rappelé qu’en France le débat ne doit pas prendre ces formes d’identification et que les communautés doivent se respecter et se parler. Cela étant, les responsables des communautés l’admettent tout à fait. Nous déplorons bien évidemment les violences commises en France et nous ne les tolérons pas, mais il me semble que cela est compris dans notre pays.

Vous proposez de revenir aux conventions de Genève. Certes, mais vous savez bien, madame Ameline, que les guerres modernes ciblent les civils. Je le déplore, mais c’est ainsi.

M. Roland Muzeau. Il faut dénoncer les massacres !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Les conventions de Genève devraient être révisées et appliquées. Mais comment l’exiger ? Comment, dans la pratique, y parvenir ?

Bien sûr, il faut revenir aux conventions de Genève et au droit humanitaire. Nous ne cessons de le demander. Concernant les bombes au phosphore, dont l’usage est licite, nous avons demandé qu’elles ne soient pas employées dans n’importe quelles conditions. Nous avons exigé qu’elles le soient de façon régulière. Est-ce suffisant ? Non, mais il n’empêche que nous l’avons fait et nous n’étions pas nombreux dans ce cas. Je partage vos analyses et vos anxiétés. Le Président de la République, le Gouvernement, tous, nous avons tous essayé d’être efficaces sur le terrain.

Monsieur Rochebloine, vos propos ont été mesurés, mais tout de même critiques. C’est indispensable, mais qu’avons-nous négligé ? Qu’avons-nous mal fait ?

M. Jean Glavany. Rien, on sait que vous êtes formidable !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. D’avoir fait cavalier seul ? Vous en avez tous appelé à l’Europe. Or c’est bien ce que nous avons fait les six derniers mois et, quand c’était efficace, vous n’avez rien trouvé à redire. Nous avons toujours soutenu la présidence tchèque et il n’est pas question de ne pas le faire.

En ce qui concerne la présidence française, nous avons été capables, au mois d’août, lors du conflit en Géorgie, de réagir tout de suite.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Nous avons, immédiatement, réuni les ministres des affaires étrangères, le CAG – conseil des affaires générales – ainsi que les chefs d’État. Le CAG se réunira d’ailleurs dans quelques jours et j’espère que, d’ici là, le cessez-le-feu aura été proclamé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Le débat est clos.