Accueil > Rubriques > Paix et Justice - Géopolitique > Aujourd’hui : Le Liban, le Golfe persique et l’UPM

Paix et Justice au Moyen-Orient (2008 - Analyse n° 16)

Aujourd’hui : Le Liban, le Golfe persique et l’UPM

Notre rubrique géopolitique

vendredi 1er août 2008

Strasbourg, le 1 août 2008

Mercredi 9 et jeudi 10 juillet 2008, le monde a assisté, perplexe, aux manœuvres militaires dans le Golfe persique. L’on voyait, d’un côté, les navires de guerre américains, britanniques et bahreïni y manœuvrer et, de l’autre côté, l’Iran procéder à des tirs de missiles de courte et de longue portée, pouvant atteindre Israël qui, à son tour, venait de procéder à des manœuvres en Méditerranée, dans le but de préparer son aviation à une attaque préventive contre les installations nucléaires iraniennes.

Pourquoi cette montée soudaine de fièvre ? Quel changement s’était-il produit dans les rapports de force régionale et mondiale, nécessitant de telles démonstrations ?

En Afghanistan, en Irak et en Palestine, c’est pratiquement le statut quo et les lignes militaires et politiques ne bougent presque pas. La résistance anticolonialiste en Afghanistan et en Irak n’arrive pas à modifier substantiellement la donne en sa faveur. En Palestine, face à l’inertie de l’Autorité palestinienne, le grignotage des territoires de la Cisjordanie continue et la résistance palestinienne reste confinée essentiellement, pour l’instant, à la bande de Gaza, encerclée par l’armée israélienne et dans quelques points de résistance en Cisjordanie.

Le Liban est le seul pays où les lignes militaires et politiques bougent en permanence. Le départ des troupes syriennes laissa un vide qui fut vite comblé par l’opposition libanaise, menée par le Hezbollah, formé, entraîné et armé par l’Iran. L’échec de l’agression d’Israël de l’été 2006, donna un rôle prépondérant à l’opposition qui finit par obtenir une minorité de blocage au sein du nouveau gouvernement. Les tractations pour la formation du gouvernement conduisirent le clan Hariri, soutenu par l’Occident, à bloquer sa formation. A en croire la presse, le blocage tournait autour de la nomination d’Ali Qanso, « l’ex- président du Parti national social syrien », membre de l’opposition. La situation est sûrement plus complexe.

En effet, le Liban fait partie d’un vaste champ de bataille, s’étendant des frontières chinoises à l’est de la Méditerranée. Il serait donc erroné de limiter l’affrontement entre le clan Hariri et l’opposition à une affaire strictement libano- libanaise. Le moindre mouvement à un quelconque endroit a des répercussions sur toute la région.

Les affrontements sporadiques entre le clan Hariri et l’opposition, et les manœuvres militaires dans le Golfe persique poursuivaient un seul et unique objectif : intimider l’opposition et ses alliés pour marquer un maximum de points au sein du gouvernement en formation. Face à la détermination de l’opposition et de ses alliés, le clan Hariri et ses amis occidentaux ont dû battre en retraite. Autrement dit, les accrochages militaires opposant le clan Hariri à l’opposition et les tirs de missiles iraniens des 9 et 10 juillet ont débloqué la situation au Liban, dont la formation définitive du gouvernement fut annoncée le 11 juillet ! Depuis l’été 2006, c’est la troisième victoire de l’opposition.

Selon Mouna Naïm, journaliste au Monde, le prix à payer [pour la formation du nouveau gouvernement] fut pour la majorité parlementaire une série de renoncements. Toujours selon la journaliste, "Saad Hariri a « sacrifié » certains de ses proches, tout en persuadant ses amis de la majorité d’en faire autant (...) Le premier ministre, Fouad Siniora, a renoncé de son côté au veto qu’il opposait au prosyrien Ali Qanso" (Le Monde du 13-14/07/08).

Les événements du Liban révèlent la nature exacte du caractère « pragmatique » des colonialistes et affidés : ceux-ci manquent de vision à long terme, n’agissent qu’en fonction de leurs intérêts à très courte échéance et des rapports de forces militaires sur le terrain. Toujours est-il que la présence d’un émissaire américain samedi 19 juillet à Genève, pour participer à des discussions avec l’Iran, montre, une fois de plus, que dans cette partie du monde, les rapports de forces évoluent en faveur des anticolonialistes. En effet, jusque là, l’administration Bush expliquait qu’elle ne s’impliquerait dans aucune « pré-négociation » tant que l’Iran n’aurait pas suspendu son programme d’enrichissement d’uranium.

Pour l’instant, il n’y a pas de « téléphone rouge » entre Washington et Téhéran. C’est Javier Solana, chef de la diplomatie européenne, qui joue le rôle de monsieur « bons offices » entre les deux capitales, qui déplacent leurs « pièces » sur l’échiquier du Moyen-Orient. A quand le prochain clash ?

Les contacts entre Israël et la Syrie par l’entremise de la Turquie, le rapprochement franco- syrien, ou le lancement de l’"Union Pour la Méditerranée" (UPM), se doivent d’être analysés à l’aune des rapports de forces militaires et diplomatiques, en perpétuel mouvement, dans la région et dans le monde. En effet, lorsque la Syrie était maître du Liban, la France de Chirac, « amie » du clan Hariri, avait rompu ses relations avec elle. Après le départ des troupes syriennes, la montée en puissance de l’opposition, donc de l’influence iranienne, et l’échec militaire de l’agression israélienne de l’été 2006, la France de Sarkozy rétablit ses relations avec la Syrie, dans le but de former un « front » avec ce pays, afin de combattre l’influence de l’opposition et de son allié iranien au Liban.

Que propose la France à la Syrie, en échange de sa collaboration ? Officiellement, rien que des promesses et des propositions pour dépolluer la Méditerranée, dans le cadre de l’UPM ! Mais, silence sur la restitution du plateau du Golan, sur l’assurance donnée quant à la sécurité exigée par l’Etat syrien, sur le partage des eaux, etc. Par contre, nul n’est au courant des clauses secrètes du tête-à-tête « franc et loyal », entre Nicolas Sarkozy et Bachar Al-Assad.

Question : puisque les rapports de forces militaires lui sont favorables, pourquoi Israël céderait-il à la demande de la Syrie et du Palestinien Mahmoud Abbas ? Dans ces conditions, quel serait l’intérêt de la Syrie de se détourner de ses alliés iranien et libanais ? Autant de questions, et des réponses en filigrane, qui esquissent les contours d’un échec des initiatives françaises au Liban et en Palestine.

L’UPM pourrait, peut-être, fonctionner comme un nouvel espace économique, voire un forum de discussion. De là à lui conférer un rôle politique, surtout au Moyen-Orient, c’est aller vite en besogne.

Le comité de rédaction