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Par Michel Warschawski - AIC

Le droit au retour

Proposition (ndlr)

vendredi 11 juillet 2008

Exposé fait par Michel Warschawski à la conférence de Haïfa pour le droit au retour (20-21 juin 2008)

Avant de parler du sujet des réfugiés Palestiniens et du droit au retour, j’aimerais dire quelques mots à la suite des remarques intéressantes de mon ami Omar Barghouti sur la question d’un État démocratique.

À mon avis, le centre de nos discussions ne devrait pas être sur des solutions et des modèles, mais des valeurs et des droits. Dans cette perspective, il faut sans équivoque rejeter l’idée même (et l’existence) d’un État juif, quelles que soient ses frontières. Parce qu’un État juif (au sens démographique du mot) implique nécessairement la dynamique de l’exclusion et de l’expulsion. Tout État ethnique (ou confessionnel) considère l’ethnie non dominante comme une menace et aspire à sa disparition par des moyens plus ou moins violents. Comme l’ancienne Yougoslavie et le Rwanda l’ont tragiquement montré, les états ethniques sont toujours à la fois la cause et le résultat expulsions de masse et de massacres, et le nettoyage ethnique de la Palestine en 1947-1949 est l’un des nombreux exemples de ce phénomène historique. Notre conception de la démocratie est basée sur un État de et pour tous ses citoyens (et réfugiés), sans discrimination basée sur l’appartenance ethnique, nationale ou religieuse, un État où tous les groupes culturels ou nationaux comprenant cette société sont traités à égalité.

En dernière instance, un État juif est aussi une tragédie pour les Juifs israéliens, car il implique une société fermée, condamnée au déclin comme toute société fermée dans l’histoire. Le développement des civilisations a toujours été le résultat de l’ouverture, de l’inter- et du multi-culturalisme et des échanges. De plus, l’impulsion à maintenir la « pureté ethnique » de cet État rend la société israélienne paranoïaque. Combattre la conception et les institutions de « l’État juif » est un devoir, indépendant de la structure politique de la solution que nous défendons. Considérons la question du droit au retour, la question centrale du soi-disant conflit israélo-palestinien.

Cette dernière décennie, une nouvelle approche pour traiter de la question des réfugiés Palestiniens a été suggérée, avant tout par la gauche sioniste. C’est une sorte de compromis basé sur la séparation entre le droit au retour et le retour effectif des réfugiés. D’après ce « compromis », Israël se repentirait de ses péchés de 1948 et reconnaîtrait formellement le droit au retour des réfugiés, et, en échange, les Palestiniens renonceraient à leur droit au retour. Quelle belle affaire !

Ce compromis est évidemment inacceptable, même d’un simple point de vue juridique : le droit d’un réfugié à rentrer chez lui est non négociable, individuel et héritable, assez similaire au droit de propriété dans le capitalisme. Ni l’OLP ni les Nations unies ne peuvent troquer les droits individuels des réfugiés Palestiniens. L’immoralité d’un accord dans lequel Israël reconnaîtrait un droit en échange du renoncement par les victimes de le mettre en application est si évidente que les médiateurs étasuniens ont demandé une « application symbolique » (pour quelques milliers de personnes âgées) qu’Israël pourrait décrire comme « réunification familiale humanitaire ».

Mais — et ce n’est pas moins important — un tel accord n’est pas bon pour les Israéliens non plus. L’existence des réfugiés palestiniens est le facteur clé du trouble mental et névrotique de la psyché collective de la société israélienne. Consciemment ou pas, la société israélienne est hantée par les fantômes de la Nakba, et la brutalité — violence domestique autant que violence dirigée contre son environnement arabe — du comportement israélien provient d’une peur permanente. Pas la peur des armées arabes, ni la peur d’un soi-disant armement nucléaire iranien, mais la peur des fantômes de 1948, les réfugiés.

Les accords peuvent marcher pour des arrangements diplomatiques, mais ils ne marcheront jamais sur le subconscient. C’est précisément pourquoi le droit au retour des réfugiés Palestiniens — ou leur possibilité de revenir, s’ils le souhaitent — est le seul moyen de libérer la société israélienne de son anxiété structurelle, parce que seul un retour — et non une « reconnaissance du droit au retour sans retour » fictive — mettra fin à l’existence du réfugié Palestinien comme réfugié. Tant qu’il il y aura encore un seul réfugié, la société israélienne continuera de vivre dans la culpabilité et la peur.

Pour conclure, je fais une suggestion pratique. Pour être accepté comme État membre des Nations unies, en 1949, il a été exigé d’Israël qu’il approuve la résolution 194 de l’assemblée générale, qui reconnaît le droit au retour des réfugiés Palestiniens, et qu’il s’engage dans le retour de tous « les réfugiés souhaitant rentrer chez eux et vivre en paix avec leurs voisins » (700.000 au total à l’époque), sur son territoire souverain.

Israël accepta, fut fait état membre et annonça immédiatement après qu’il n’avait pas l’intention d’appliquer la résolution de l’ONU.

Le mouvement national palestinien et le mouvement international de solidarité devraient débuter une campagne à long terme pour la suspension de l’inscription d’Israël aux Nations unies jusqu’à ce qu’Israël satisfasse son engagement formel concernant le retour des réfugiés. Une telle campagne remettrait la question des réfugiés à sa place légitime, au coeur de la dispute israélo-palestinienne et au coeur de sa solution.

The Palestinian Return and Right of Return—No Deal ! Written by Michael Warschawski, Alternative Information Center (AIC) Wednesday, 02 July 2008

Michel Warschawski - AIC