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Paix et Justice au Moyen-Orient ( volet N° 65)

Aujourd’hui : Du « chaos constructif » aux assassinats ciblés

Notre rubrique géopolitique

dimanche 16 décembre 2007

Strasbourg, le 16 décembre 2007

Qui a intérêt à empêcher la constitution d’un Etat souverain au nord d’Israël ?

Le 12 décembre, l’assassinat du général libanais, François el-Hajj, a fourni l’occasion aux médias américano- occidentaux de désigner, sans preuve, la Syrie comme le commanditaire du forfait. Dans leur édition du jeudi 13 décembre, les « Dernières Nouvelles d’Alsace » (DNA) rapportent que, dans un entretien au « Nouvel Observateur », Nicolas Sarkozy se dit « prêt à aller à Damas s’il y a « une élection de consensus au Liban » et « si les assassinats s’arrêtent » ». C’est une allusion accusatrice de la Syrie comme cerveau des attentats au Liban.

Question : qui se trouve derrière la déstabilisation du Moyen-Orient en général et du Liban en particulier ? Il faut se rappeler que l’ingérence des colonialistes dans les affaires intérieures des pays étrangers et notamment du Moyen-Orient, suivie de troubles, de coups d’état et d’assassinats politiques ne date pas d’aujourd’hui. Dans un dossier baptisé « bijoux de famille », la CIA a révélé avoir « comploté en vue de l’assassinat de dirigeants étrangers » dont Fidel Castro (LM du 24-25/06/2007).

Le 17 avril 2000, le New York Times (NYT) a publié une copie de l’histoire secrète du coup d’état en Iran, écrite en mars 1954, par Donald Wilber, l’un des principaux planificateurs du renversement, en 1953, du premier ministre iranien, Mohamad Mossadegh. Selon Madeleine Albright, la secrétaire d’état de Clinton, « le coup [de 1953] a clairement retardé le développement de l’Iran et il est aisé de comprendre pourquoi tant d’Iraniens continuent d’en vouloir à cette ingérence américaine dans leurs affaires intérieures. » Le pétrole était l’enjeu du coup de 1953, rappelle le NYT (Le Monde du 18/04/200).

Certains coups d’état d’inspiration américaine ont mis les pays de l’Amérique latine (Chili, Argentine, Brésil, Nicaragua, Guatemala, Colombie) à feu et à sang. A l’instigation de la société de télécommunication américaine ITT, l’armée chilienne, sous la direction du général Pinochet, renversa le gouvernement légal de Salvador Allende, instaurant une dictature de type fasciste. En 1976, et sous le prétexte de « lutter contre le communisme », le gouvernement d’Isabel Perón fut renversé par une junte militaire, menée par le général Videla, soutenue par les Etats-Unis. Comme au Chili, un gouvernement de type fasciste a été installé en Argentine et les séquelles de cette période sanglante ne sont toujours pas cicatrisées.

Fidèle à la politique de l’ingérence planétaire de l’Oncle Sam, George Bush a vu encore plus grand que ses prédécesseurs. Après son intervention militaire en Afghanistan et en Irak, il a rêvé d’une conquête s’étendant des frontières chinoises à l’Atlantique. Partant d’une analyse juste : la somme des produits intérieurs bruts des vingt-deux pays de la Ligue arabe est inférieure au PIB de l’Espagne (Le monde du 11-12/05/2003)), George Bush avança une nouvelle « théorie » interventionniste consistant à créer un « Grand Moyen-Orient », une vaste zone de « libre échange » soumise, ouverte aux produits et aux capitaux occidentaux, englobant des pays, allant du Pakistan, frontalier de la Chine, au Maroc, au bord de l’Atlantique. Pour George Bush, « le Proche-Orient présente beaucoup d’obstacles à l’avancée de la liberté » (la même source). Il va sans dire qu’il s’agit de « la liberté », telle qu’elle est perçue par Bush et son équipe de va-t-en-guerre.

Le « Grand Moyen-Orient » fut ressenti par les pays arabes « amis » des Etats-Unis comme un « modèle » plus ou moins imposé par Washington. Appelé également « chaos constructif », la plan américain avait pour objectif essentiel de changer le statut quo des pays de la région. Après la conquête brutale de l’Afghanistan et de l’Irak, l’heure était-elle venue d’imposer un modèle de société dont le contrôle échapperait aux pays « amis » des Etats-Unis ? Les dits pays ont reçu l’assurance que la dictature convenait parfaitement à la philosophie de Bush et de son équipe de néo-conservateurs.

Il y a plusieurs obstacles à la réalisation du projet américain de « chaos constructif ». Ce sont des pays souverains comme l’Iran, la Syrie ainsi que des mouvements de résistance anticolonialiste, bêtes noires des Etats-Unis et d’Israël. Pour la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, l’Iran est « peut-être le plus grand défi pour les intérêts américains au Proche-Orient et dans le monde » (LM du 26/10/07).

Dès lors, des menaces et des mesures d’intimidation fusent à l’encontre de l’Iran et de la Syrie. A plusieurs reprises, George Bush déclara avoir alloué des millions de dollars à la déstabilisation des régimes iranien et syrien. Les Américains n’ont jamais caché avoir envoyé leurs forces spéciales en Iran même pour repérer des cibles stratégiques et créer des troubles à la frontière iranienne. Pendant longtemps, la Syrie fut « isolée » par la France et les Etats-Unis, et les contacts n’ont été repris qu’après la défaite de George Bush aux élections à mi-mandat de novembre 2006.

Vu la montée du prestige du camp anticolonialiste au Moyen-Orient, tout l’Occident se mobilise contre la Syrie et l’Iran. « Paris milite pour une pression accrue sur l’Iran » (LM du 15/12/07). En Azerbaïdjan, au nord de l’Iran, les Américains ont achevé de moderniser et de remettre en parfait état de fonctionnement sept aérodromes (voire plus selon certaines sources). Manifestement, dans sa stratégie, Washington considère l’Azerbaïdjan comme une base avancée bien pratique pour porter des attaques aériennes contre l’Iran » (Courrier international du 13 au 19/12/07).

Provoquer le chaos, déstabiliser les régimes anticolonialistes, organiser des attentats et des assassinats sont des moyens employées également par Israël à l’égard de la Syrie, du Liban et des mouvements de libération nationale régionaux (Hezbollah et Hamas). Des Palestiniens et des Libanais sont enlevés régulièrement par l’armée et les agents sionistes. Les personnes enlevées, mises sous pression, sont transformées ensuite en agents guidant les hélicoptères d’attaque israéliens vers les cibles choisies, souvent des combattants anti-israéliens. Il s’agit de véritables assassinats. D’autres plans consistant à semer le chaos en Palestine et au Liban sont exécutés par des agents libanais et palestiniens du Mossad.

L’assassinat de Rafic Hariri en est un exemple éclatant. L’Occident unanime avait accusé la Syrie. Detlev Mehlis, juge allemand, avait été désigné pour cela. Il avait construit son enquête sur le témoignage de deux individus qui se sont révélés être des agents proches de la famille Hariri, qualifiée de pro-occidentale. Suite à l’échec de sa mission, Mehlis a quitté précipitamment la région.

L’assassinat du général libanais, François el-Hajj, fait partie du plan consistant à semer le chaos en provoquant la déstabilisation au Liban et, par ricochet, dans toute la région. Cet assassinat sème la suspicion et empêche la concertation des libanais de différentes tendances en vue de créer, au nord d’Israël, un Etat stable, souverain et capable de défendre ses frontières. Un autre objectif de cet assassinat est de provoquer la guerre civile au Liban. Fort heureusement la maturité des Libanais met en échec les tentatives des adeptes du « chaos constructif » et des assassinats ciblés

Le comité de rédaction