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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 61)

Aujourd’hui : de la Somalie aux frontières chinoises

Notre rubrique géopolitique

dimanche 18 novembre 2007

Strasbourg, le 18 novembre 2007

Quel est le plus grand champ de guerre depuis la Seconde Guerre Mondiale ?

C’est sans doute celui qui couvre une vaste région, allant du centre de l’Afrique aux frontières chinoises, en passant par le Proche, le Moyen-Orient et l’Asie centrale. En Somalie, en Irak et en Afghanistan, les peuples affrontent directement la terreur colonialiste, alors qu’au Pakistan, depuis la reprise de la mosquée Rouge par l’armée pakistanaise en juillet 2007, la guerre larvée s’est transformée en affrontement direct entre l’armée et la résistance qui appelle à combattre les Etats-Unis et son soutien local, le dictateur Pervez Musharraf.

Parallèlement aux difficultés rencontrées par les américano- britanniques sur le terrain, les dissensions inter- colonialistes font place à l’« entente cordiale ». Le rapprochement franco- américain en est un exemple.

Tout comme l’opposition française à l’intervention américaine en Irak, la nouvelle « lune de miel » franco-américaine a des raisons économiques et stratégiques. En effet, en 1991 puis en 2003, suite à leur offensive générale, les Etats-Unis ont reconquis leur position hégémonique au Moyen-Orient et la France a fini par y perdre du terrain, en particulier en Irak (où elle occupait une situation privilégiée, tandis que les Américains étaient absents), en Arabie saoudite et au Qatar, troisième réserve mondiale de gaz (9,3%). C’est, en quelque sorte, la « guerre pour des marchés » qui opposait la France aux Etats-Unis. Situation bien résumée par Claude de Kémoularia, ancien ambassadeur français aux Nations Unies : « Il existe au Qatar une sympathie du cœur envers la France… mais la France n’a pas le pouvoir. Quelles que soient nos relations proches, c’est la puissance politique, économique et militaire qui prime » (Le Monde du 11-12/05/2003).

Affaire bien entendue par Sarkozy qui accepta le rôle hégémonique des Américains, lesquels, en contrepartie, ouvrirent, quoique timidement, « leurs » marchés aux produits et entreprises français. Après la réconciliation franco- américaine, le Qatar annonça l’acquisition de 80 Airbus et, en janvier, N. Sarkozy se rend à Riyad, avec l’espoir de sceller d’importants contrats industriels (LM du 11-12/11/07). Après la pluie, le beau temps !

Sur le plan stratégique, la France, en tant que puissance colonialiste, ne peut qu’être satisfaite du retour du « colonialisme à visage humain », même si, ou surtout parce que, les Etats-Unis n’ont plus leur superbe d’antan. Il serait naïf de croire qu’un seul homme (N. Sarkozy) peut décider, du jour au lendemain, de modifier la politique étrangère de la France. Le trio N. Sarkozy, B. Kouchner, H. Morin, représente l’aile militariste de la bourgeoisie française. La rupture entre François Bayrou et Hervé Morin (ministre de la Défense) consacre la rupture entre l’aile « chrétienne- démocrate » et l’aile militariste au sein de la formation centriste qu’était l’UDF. D’ailleurs, les électeurs d’extrême droite ne s’y sont pas trompés en apportant leurs voix au candidat Sarkozy.

Prêtant main- forte aux Américains, et à la grande joie du complexe militaro- industriel français, la France a l’intention d’ouvrir un nouveau front au Tchad et au Soudan. L’activisme français frappe par sa vigueur. D’aucuns suggèrent que N. Sarkozy aurait remplacé T. Blair, ancien premier ministre britannique, traité de caniche de Bush. Certains se demandent pourquoi la bourgeoisie française parie-t-elle sur les Etats-Unis, un cheval perdant ?

Hormis les intérêts économiques (recherche de l’hégémonie politique et des matières premières, consommation massive d’armes,…), le soutien apporté par la France, et dans une moindre mesure par l’Allemagne, aux Etats-Unis, a pour objectif de souder le front lézardé du colonialisme occidental, en perte de vitesse et, à long terme, menacé d’effondrement par la montée en puissance des mouvements de résistance dans les pays arabo- musulmans. Il s’agit des mouvements, a effet domino, qui menacent tout l’édifice colonialiste qui s’étend des frontières chinoises jusqu’en Afrique. Ces mouvements de libération sont aussi importants que ceux des communistes du vingtième siècle qui avaient conduit à l’effondrement des Anciens régimes monarchistes, depuis l’Allemagne jusqu’en Chine.

L’enlisement en Irak de l’armée américaine et son affaiblissement, les difficultés rencontrées par l’OTAN en Afghanistan et la montée en puissance de la résistance pakistanaise encouragent la résistance dans tous les pays arabo- musulmans. Pour éteindre l’incendie révolutionnaire au Pakistan, Benazir Bhutto a été appelée à la rescousse.

En Irak, tout porte à croire que les Etats-Unis ont appelé l’Iran à l’aide. En effet, on n’entend plus parler des résistants chiites (l’armée du Mahdi) et, de son côté, « l’armée américaine a libéré, vendredi 9 novembre, neuf Iraniens arrêtés en Irak » (LM du 11-12/11/07). Cette « libération » serait-elle la partie visible de l’iceberg de la collaboration en Irak entre les deux pays ? Une autre facette de cette collaboration fut dévoilée face à l’imminence de l’intervention turque au Nord de l’Irak. En effet, Washington et Téhéran ont formé un front uni face à la Turquie. Peut-on conclure, pour autant, que les Etats-Unis et l’Iran, vont finir par s’entendre sur tous les dossiers ?

Pour les colonialistes, l’hégémonie politique, basée sur la force militaire, prime sur toute autre considération. Concernant l’Iran, actuellement, deux tendances coexistent aux Etats-Unis : celle des « intellectuels néoconservateurs », coupés des réalités, qui poussent à l’affrontement armé avec l’Iran et celle des militaires, conscients des limites de l’armée américaine « déstabilisée », qui freinent une aventure militaire contre l’Iran. En effet, selon le général Casy, le chef d’état- major : « l’armée de terre américaine est « déséquilibrée » après six ans de guerre en Afghanistan et quatre ans en Irak, et demeure exposée à des demandes imprévisibles dans une ère de « conflit persistant ». Toujours selon le général Casy : « déséquilibrée ne signifie pas dire cassée » (LM du 10/10/07).

Face à la pression des « néoconservateurs », en perte de vitesse aux Etats-Unis, le chef des opérations militaires américaines au Moyen-Orient, l’amiral William Fallon, hausse le ton : traiter le dossier iranien représente « un défi » a reconnu l’amiral pour qui : « Et tout cela n’est pas facilité par les articles incessants qui n’en finissent pas de sortir et selon lesquels il va y avoir une nouvelle guerre d’un jour à l’autre, ce qui n’est tout simplement pas la direction que nous voulons prendre » (LM du 14/11/07).

Autrement dit, un affrontement militaire avec l’Iran risque de conduire tout simplement à « casser » ce qui reste de l’armée américaine, incapable de mener une guerre de longue durée, dans une région hostile, à 10 000 km de chez elle.

Aux néoconservateurs, il ne reste plus que l’épouvantail Dick Cheney, tandis que la caravane du changement des rapports de force au Moyen-orient continue son chemin

Le comité de rédaction