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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 59)

Aujourd’hui : Ces fauteurs de guerres, venus de très loin

Notre rubrique géopolitique

vendredi 2 novembre 2007

Strasbourg, le 3 novembre 2007

Comme nous l’avons écrit dans le communiqué 58 du 28 octobre, une fois de plus, la fièvre est montée d’un cran au Moyen-Orient. Le bruit de bottes vient, cette fois-ci, de la frontière turco- irakienne où l’armée turque a massé près de 100 000 hommes. Apparemment, l’enjeu serait l’« éradication » de la guérilla kurde du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui opère depuis le territoire irakien.

Invité par les Etats-Unis, à s’abstenir de toute intervention au Kurdistan, le premier ministre turc s’adresse à ses « amis », en termes peu amènes : « Est-ce que les gens ne se demandent pas ce que les Américains sont venus chercher en Irak à 10000 km de chez eux ?

" Moi je suis dérangé [par le PKK]. En quoi les Américains étaient-ils dérangés par l’Irak ? » (Le Monde du 27/10/07).

Il est à souligner que, depuis 2003, la base aérienne d’Incirlik en Turquie sert de plaque tournante au transit américain, aussi bien pour l’offensive contre Saddam Hussein que pour le ravitaillements des troupes en Irak et en Afghanistan. Quatre ans après l’invasion de l’Irak, la Turquie « se réveille » et sent la peau de banane que l’« ami » américain lui a glissé sous le pied. Il s’agit de la création d’un « gouvernement régional kurde autonome », première étape de la création d’un « Grand Kurdistan », menaçant l’intégrité territoriale de la Turquie et de l’Iran.

En effet, il existe une guérilla kurde, au nom fort « sympathique » de « Parti pour une vie libre au Kurdistan » (Pejak), représentant l’aile iranienne du PKK (Cécile Hennion- LM du 02/03/07).

Quel est le degré d’autonomie du Pejak ? Selon Rostam Joudi, du PKK : « Objectivement, un rapprochement américain du Pejak est possible (…) Pour échapper aux pressions américaines, Téhéran s’est rapproché de la Syrie et de la Turquie (…) Les Iraniens ont déployé d’importantes forces à la frontière. Nous ne refusons pas l’aide des Américains » (Cécile Hennion- LM du 02/03/07). Et dire que l’« aide » américaine n’est jamais innocente…

Outre le Pejak, les autres composantes de la sédition kurde (le Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (PDKI) et le Parti communiste Kurde iranien (Komala)) s’accusent mutuellement de faire le jeu américain.

Actuellement, aux frontières iraniennes de la Turquie et de l’Irak, deux camps se font face : d’un côté les Américains, désireux de décomposer la Turquie et l’Iran, en créant le « Grand Kurdistan »- deuxième Israël- au coeur du Moyen-Orient. A ce titre, la sédition kurde (si louable fut-elle à l’origine) est instrumentalisée par les Etats-unis et ses alliés (français, britanniques, …). De l’autre côté, l’Iran, la Turquie et les patriotes irakiens, opposés au dépeçage de l’Irak et hostiles à un Etat kurde à la botte des Etats-Unis.

Encouragées par les Américains, qui autorisent l’utilisation du sol irakien par les kurdes turcs et iraniens, les provocations et incursions kurdes sont fréquentes aux frontières de l’Iran et de la Turquie. A son tour, l’Iran avait lancé la menace, mercredi 28 février, d’une incursion militaire dans le Kurdistan irakien au cas où les autorités irakiennes ne se décidaient pas à expulser les groupes armés kurdes qui y ont trouvé refuge (LM du 02/03/07). A en croire Cécile Hennion : « A plusieurs reprises en 2006, l’aviation turque et l’artillerie iranienne ont pilonné, parfois de concert, les positions des rebelles de Qandil » (LM du 02/03/07).

Quelles sont les limites de l’unité d’action entre l’Iran et la Turquie ?

Successeurs des Empires Perse et Ottoman, puissances rivales, les deux pays ont livrés, au cours de l’Histoire, plusieurs batailles dont l’enjeu était la Mésopotamie. S’ils sont d’accord pour combattre la sédition kurde, l’Iran voit d’un mauvais œil la présence massive de l’armée turque, alliée des Etats-Unis, au Kurdistan irakien, à l’ouest de ses frontières : Où s’arrêtera l’armée turque ? Qu’en sera-t-il du champ pétrolifère de Kirkuk ? Se retirera-t-elle après avoir « nettoyé » le Kurdistan irakien (où l’Iran dispose certainement de réseaux d’influence) ? Autant de questions qui devraient tarauder les autorités iraniennes dont certains cercles souhaiteraient, sans doute, « récupérer » la Mésopotamie, après le départ des Etats-Unis.

Vu le fiasco de leur aventure irakienne et afghane, la crise que les Etats-Unis traversent actuellement (risque de récession économique, baisse continuelle du billet vert, augmentation du prix du pétrole, baisse des stocks énergétiques stratégiques, croissance vertigineuse des dépenses militaires, etc.) et les obstacles de poids que sont l’Iran et la Turquie, incitent à croire que le plan de « remodelage » s’essouffle progressivement.

L’intervention probable de l’armée turque, suivie de la chute prévisible du « gouvernement autonome kurde », sonnerait définitivement le glas des rêves de « remodelage » du Moyen-Orient. Ce, d’autant plus que les Somaliens relèvent la tête à Mogadiscio, la capitale, et mènent la vie dure aux Ethiopiens, auxiliaires des Américains dans la Corne de l’Afrique. Au Pakistan, les attentats- suicides se succèdent et la « magie » Benazir Bhutto ne semble pas avoir agi dans le sens souhaité. L’envoi de 3 000 militaires de l’union Européenne au Tchad, avec une forte composante française, s’avère compliqué.

Organisée à Syrte en Libye, la « conférence de paix » sur le Darfour s’est achevée par un fiasco. La « magie » Kadhafi, de son côté, ne fonctionne plus depuis que ce dernier a plié l’échine devant la puissance de l’Occident. Selon le ministre australien de la défense, l’enjeu est, on ne plus clair : « Le Moyen-Orient, pas seulement l’Irak mais la région entière, est un important fournisseur d’énergie, de pétrole en particulier, pour le reste du monde (…) Et les Australiens, et nous tous, devons bien considérer ce qui arriverait en cas de retrait prématuré des troupes en Irak » (LM du 07/07/07).

Les tensions, les divisions et les guerres perdureront au Moyen-orient et en Afrique, tant que les fauteurs de guerre, ces gens réputés « civilisés », porteurs de « bonnes paroles démocratiques et humanistes » venus de très loin, n’auront pas été mis à la porte.

Le comité de rédaction