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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N°56)

Aujourd’hui : La France et l’Iran : les rendez-vous manqués

Notre rubrique géopolitique

lundi 15 octobre 2007

STRASBOURG, le 14 octobre 2007

Une étude rapide de l’histoire des relations diplomatiques franco-iraniennes nous apprend que bien qu’attirés culturellement, les deux pays ont manqué plusieurs occasions historiques pour se rapprocher diplomatiquement.

La première remonte au seizième siècle à l’époque où un rapprochement entre François 1er et l’Ottoman Soliman le Magnifique, permit à ce dernier de s’emparer de la Mésopotamie, alors un fief de l’Empire Perse sous Tahmasep le Séfévide.

Sous la dynastie des Qadjar, l’Iran, affaibli, cède, après deux guerres (1804-1813 et 1826-1828) ses provinces septentrionales (le nord de l’Azerbaïdjan (Bakou), le Daguestan, la Géorgie et l’Arménie) à l’Empire russe. A la recherche d’alliés, l’Iran se rapproche de la France napoléonienne (accord du 4 mai 1807). L’alliance avec Napoléon ne permit jamais à l’Iran de se protéger face à la convoitise de l’Empire russe qui, avec l’Empire britannique, mirent le Proche-Orient et l’Asie centrale en coupe réglée. La vaste région du Moyen-Orient devint la « chasse gardée » des Britanniques qui la cédèrent, ensuite, à l’Empire américain qui continue de la faire saigner.

Après le dépeçage de l’Empire ottoman et le partage de ses zones d’influence entre les puissances occidentales, la France n’hérita que d’un mandat de protectorat sur la Syrie et le Liban. L’Empire britannique s’octroya la part du lion englobant toute la péninsule arabique, l’Irak, le Koweït et les pays du Golfe persique, riches en hydrocarbures.

La barbarie de l’armée britannique et ses interventions fréquentes dans les affaires de la région, lui ont attiré l’animosité des peuples et nations du Moyen-Orient. Une animosité qui perdure et qui s’est même renforcée suite à l’intervention, en 2003, des Britanniques en Irak.

En tant qu’ancienne puissance colonialiste, la France est haïe en Afrique, alors qu’elle jouissait d’une image positive au Moyen-Orient. La bourgeoisie naissante de cette région, en particulier celle d’Iran, préférait développer ses relations avec la France qui, contrairement aux Britanniques et aux Américains, n’a pas une puissance militaire suffisante pour agresser les pays de la région.

Après la victoire de la révolution de 1979, la France effectua une percée spectaculaire en Iran. Les puissances économiques européennes (Allemagne, Italie, France, Autriche) gagnèrent les parts de marché perdues par les Etats-Unis. Malgré les menaces américaines pour empêcher les investissements pétroliers en Iran, ces tentatives ne purent aboutir. Le diplomate américain Tom Lantos, auteur d’un projet de loi qui entend sanctionner les entreprises étrangères implantées en Iran, a déclaré : « Depuis 1999, des géants comme la Royal Dutch Shell, Total, de France, ENI, d’Italie, et Inpex, du Japon, ont investi pour plus de 100 milliards de dollars dans le secteur énergétique iranien, et les Etats-Unis n’ont rien fait pour s’y opposer » (Le Monde du 27/09/07).

Se passer du pétrole et du gaz iraniens signifie clairement à l’intention des autres pays producteurs qu’il faudrait remplacer ce manque par une quantité équivalente. Tout indique que les pays producteurs de pétrole ne sont pas en mesure de compenser le manque éventuel de pétrole iranien sur le marché. L’arrêt de la livraison de pétrole iranien risque de plonger l’économie mondiale dans le marasme, à commencer par les économies chinoise, japonaise ou allemande et française. D’où l’hésitation, voire la réticence des chancelleries occidentale de se rallier à un train de sanctions internationales contre l’Iran, initiées par l’ONU ou hors ONU.

Comment interpréter le ralliement français aux néo-conservateurs américains ? Loin d’être une décision passionnelle ou personnelle, ce ralliement signifie que la France, liée stratégiquement aux Etats-Unis, soutient le camp occidental, affaibli et en perte de position au Moyen-Orient. L’affaiblissement des Etats-Unis et leur éventuel départ d’Irak auront des conséquences stratégiques pour les intérêts occidentaux. L’Iran est un sérieux prétendant à combler « le vide » occasionné par l’affaiblissement et le départ des Etats-Unis d’Irak. C’est de ce point de vu qu’il faut analyser et comprendre l’animosité de la France envers l’Iran. C’est le troisième rendez-vous manqué franco-iranien.

Au Moyen-Orient, la France n’est plus une puissance « vierge », méconnue. Sa présence militaire en Afghanistan, en fait une puissance colonialiste, au même titre que les Britanniques ou les Américains. Certes, la France a gagné l’amitié des Etats-Unis, mais elle a perdu celle des peuples et nations de la région qui la considéraient comme une « puissance à part », moins dangereuse. Désormais, elle devra partager les conséquences de son ralliement aux américains, haïs au Moyen-Orient.

L’agressivité occidentale à l’égard de la Russie, pousse cette puissance à se rapprocher de l’Iran et à manifester son « dédain » à l’égard de la France. Tout porte à croire que N. Sarkozy soit revenu bredouille de son dernier voyage en Russie qui, elle- même chassée d’Irak, détient des parts importantes de marchés militaires et nucléaires en Iran. Les échanges commerciaux russo-iraniens sont intenses. De même que ceux sino-iraniens ou indo-iraniens.

L’Occident n’est plus en position de force, ni en Irak, ni en Afghanistan. Son affaiblissement se répercutera sur sa position dominante au Moyen-Orient, où des puissances en devenir s’apprêtent à prendre la relève. Le mouvement de résistance à la dictature fasciste et à la barbarie des armées d’occupation occidentales se développe. Musharraf, le Pétain pakistanais est à la peine. Ses régions septentrionales lui échappent de plus en plus. La France a misé sur un cheval perdant et elle n’avait pas le choix. Elle en assumera certainement les conséquences

Le comité de rédaction