Accueil > Rubriques > Paix et Justice - Géopolitique > Proche-Orient : L’épicentre stratégique du monde

Opinion

Proche-Orient : L’épicentre stratégique du monde

par Pascal Boniface - Réalités Online

vendredi 28 septembre 2007

Le Proche-Orient n’est plus une zone stratégique parmi d’autres. Autrefois, elle avait le même niveau relatif d’importance que bien d’autres : Amérique centrale, Afrique australe, Asie du Sud-Est etc. Chacun des conflits qui embrasait ces régions avait des racines régionales autonomes, mais était relié au conflit Est/Ouest, la ligne de partage géopolitique majeure de l’époque. Aujourd’hui, c’est le Proche-Orient qui est l’épicentre stratégique mondial.

Il faut parler des conflits de cette région et non plus du conflit du Proche-Orient. Il y a en effet plusieurs conflits, Palestine -Liban, Irak, Afghanistan- auxquels il faut ajouter le bras de fer avec l’Iran et d’autres. Ils ont à la fois leur vie autonome, leur logique propre et des interactions réciproques. Malheureusement, nous sommes dans un cercle vicieux et les interférences mutuelles sont négatives et non positives. Le conflit en Irak est celui qui amène le plus son lot quotidien d’horreurs. La crise avec l’Iran est celle qui est à court terme la plus porteuse de catastrophes. Et le conflit israélo-palestinien reste le conflit à la fois central et emblématique. Au Liban, les deux camps qui s’affrontent ont en commun de vouloir éviter le retour d’une guerre civile qui a déchiré le pays. Chacun est conscient que le Liban ne s’en remettrait pas. La sagesse l’a sur ce point emporté jusqu’ici. Mais on n’est pas à l’abri d’un dérapage, d’une étincelle qui mettrait le feu aux poudres.

En Afghanistan, six ans après la chute du régime taliban, le Président Hamid Karzaï ne contrôle toujours qu’une partie limitée du territoire. L’Afghanistan est devenu le centre international du trafic de narcotique. Et l’OTAN est en train de livrer une guerre sans aucune certitude sur son issue finale, malgré sa puissance militaire.

En Irak, seul George W. Bush semble croire que la situation est en train de s’améliorer. Malgré le crédit personnel dont il est entouré, le Général Petreaus a été bousculé lors de son audition devant le Congrès. S’il prévoit bien un retrait de 30.000 soldats, le niveau des troupes américaines en 2008 sera identique à ce qu’il était début 2007, soit 130.000 hommes. Si le Général Petreaus a promis le pire en cas de retrait rapide américain, il n’a pu garantir que le maintien de cette présence permettra de parvenir à une stabilisation du pays. Même si le conflit israélo-palestinien n’a plus le monopole des drames, il reste le conflit central. Son éventuelle résolution ne fera pas disparaître les problèmes de la région, mais il serait le signal clair que l’optimisme peut revenir. Personne ne sait vraiment comment sortir du bourbier irakien. La solution du conflit israélo-palestinien est connue de tous et est en principe acceptée par chacun.

Il est donc encore plus paradoxal et injustifié qu’elle ne soit pas mise en œuvre. Très actifs sur le dossier sous Clinton, les Etats-Unis ont complètement renoncé à l’être sous George W. Bush. La seule politique américaine consiste à suivre et à soutenir ce que font les Israéliens. La situation économique et humanitaire des Palestiniens était déjà grave. S’y est ajoutée une complication politique avec la rupture entre le Hamas et le Fatah et entre Gaza et la Cisjordanie. Alors que les Américains et les Israéliens ont largement ignoré Mahmoud Abbas, ils semblent avoir pour mot d’ordre de l’aider depuis la prise de contrôle de Gaza par le Hamas.

Un sommet est prévu en novembre, mais le problème est que Américains et Israéliens veulent qu’à ce sommet seules les grandes déclarations de principe soient évoquées. Les Palestiniens demandent que des décisions précises et concrètes soient prévues et mises en œuvre. N’est-ce pas justement parce qu’ils sont las de négociations qui ne servent strictement à rien que les Palestiniens se sont tournés vers le Hamas ? Si ce sommet de novembre était un échec, on risque d’entrer dans une longue période d’inertie avant les élections américaines. Et le ou la nouvelle président(e) ne pourra pas agir immédiatement après sa prise de fonction. Pourtant des progrès tangibles, concrets, visibles sont non seulement d’une absolue nécessité, mais également d’une extrême urgence.

Enfin, face à l’Iran, on assiste à la montée en puissance de ceux qui préconisent des frappes sur l’Iran au motif qu’un Iran nucléaire poserait des problèmes pour trente ans alors que des frappes sur l’Iran poserait des problèmes pour dix-huit mois. Ce sont généralement les mêmes qui disaient qu’une guerre contre l’Irak amènerait progrès démocratique et stabilisation stratégique de la région, en plus d’être un moyen de vaincre le terrorisme.

Le moins que l’on puisse dire est que leur crédibilité est faible. Du moins pour la plupart des gens raisonnables. Mais le problème est de savoir quelle crédibilité leur accordent Bush et Olmert.