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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet n° 38)

Aujourd’hui : Nations obligées et nations libres

Notre rubrique géopolitique

dimanche 10 juin 2007

Strasbourg, le 10 juin 2007

Le sommet du G8 s’est tenu du mercredi 6 au vendredi 8 juin à Heiligendamm en Allemagne. Il a commencé par un tapage, on ne peut plus médiatique, sur l’offensive du président russe, contestant l’installation du « bouclier » antimissile américain aux portes de la Russie. Toute la presse évoquait le début d’une « nouvelle guerre froide ». Il aura fallu une petite accolade entre Bush et son ami Poutine pour que la soi-disant nouvelle hache de « guerre froide » soit enterrée ! Les médias ont exulté et relevés les « progrès » sur les dossiers médiatisés tels que le « changement climatique » ou le dossier Darfour. Ils n’ont pas soufflé mot sur des pourparlers en coulisses du sommet, Ô combien décisifs quant au destin de la planète.

Deux remarques :

1- L’histoire nous apprend que les contradictions Russie- Occident, ou Russie- Etats-Unis, ont la vie dure et ne disparaîtront pas par enchantement suite à un tête-à-tête d’apparence amicale. En 2001, les Etats-Unis se sont retirés du traité ABM (antimissile) de 1972 pour mettre en place leur défense antimissile à l’échelle du globe et multi- couche (c’est-à-dire capable d’intercepter des missiles balistiques à courte, moyenne et longue portée, et ce à toutes les phases de leur trajectoire (lancement, mi-course, terminal)). L’année suivante, la Russie dénonçait le traité de réduction des armements stratégiques Start-II, ce qui lui permettait de déployer ses missiles à ogives multiples. Le 29 mai, la Russie a testé son missile balistique intercontinental RS-24, capable de percer n’importe quel « bouclier » et qui peut être équipé de dix ogives différentes. Il s’agit donc, bel et bien, d’une nouvelle course aux armements, débutée officiellement en 2001, suite au retrait américain du traité ABM. La proposition de Vladimir Poutine d’accueillir des éléments du bouclier antimissile américain sur la station de radar Gabala, dans le nord d’Azerbaïdjan, n’est qu’un bluff destiné à prouver la mauvaise foi américaine, selon laquelle les antimissiles prochainement installés en Pologne ne viseraient pas les forces stratégiques russes.

Les éléments du bouclier américain sont disséminés en Alaska, en Californie, au Japon, en Angleterre, en Norvège, au Groenland et bientôt en république Tchèque et en Pologne. « L’extension du « bouclier » antimissile américain en Europe est aussi politique. Les pays qui en bénéficieront passeront du statut d’alliés de l’Amérique à celui d’obligés » écrit L.Zecchini envoyé spécial du Monde à Washington (Le Monde du 05 juin 2007). Car « L’ordre de tirer à partir de sites européens restera entièrement aux mains de Washington ». L’Europe privée d’autonomie de décision, donc vassalisée par l’Amérique ? « Nous estimons qu’il est temps que les Européens, et en particulier la France, se préoccupent des conséquences de ces évolutions sur notre autonomie stratégique et donc sur notre autonomie de décision » écrivent Roger Baleras (directeur des applications militaires au CEA, 1988-1994) et ses collègues d’experts militaires (Le Monde du 07 juin 2007). L’Europe arrivera-t-elle à se libérer un jour du « bouclier » américain ?

Afin d’imposer la suprématie américaine à l’ensemble des pays du G8, G.W.Bush a même proposé d’installer des éléments du « bouclier » américain sur le territoire russe. Tout porte à croire que la Russie, qui tient farouchement à sa souveraineté, restera le seul pays européen en dehors du « bouclier », donc l’éternel rival des Etats-Unis et de l’Union européenne, pour l’instant sous la coupe de l’Amérique.

2- Néanmoins, malgré les tensions croissantes, la Russie et l’Occident sont d’accord sur un certain nombre de points, tels que la nécessité de se serrer les coudes face à la montée de la résistance anticolonialiste au Moyen-orient. Même fantaisiste, la proposition russe d’accueillir des éléments du « bouclier » américain en Azerbaïdjan, montre que juguler la montée en puissance de l’Iran voire de l’Orient anticolonialiste, constitue le dénominateur commun de tout l’Occident, Russie comprise, soucieux de maintenir, voire développer, sa mainmise sur le Moyen-orient.

De son côté, Robert Gates, secrétaire américain à la défense, a déclaré jeudi 30 mai que, comme en Corée, les Etats-Unis « prévoient une présence à long terme en Irak ». En Corée, les Américains avaient un allié (la bourgeoisie coréenne) et des interlocuteurs : la résistance coréenne, les Chinois et les Soviétiques. En Irak, s’il y a des interlocuteurs (les résistances irakiennes, chiites et sunnites, l’Iran et la Syrie), les Etats-Unis n’ont pas de véritables alliés. Quatre ans après l’invasion de l’Irak et le déploiement de plus 180000 militaires, et malgré la mise en place de son « plan de sécurité », « l’armée américaine ne contrôle qu’un tiers de Bagdad ». Selon le New York Times, « l’armée américaine et les forces irakiennes ne contrôlent que 146 des 457 quartiers de Bagdad » (Le Monde du 07 juin 2007). Dans ces conditions, comment « prévoir une présence à long terme en Irak » si l’armée la plus puissante du monde n’arrive même pas à s’imposer à Bagdad ?

L’armée américaine et l’armée israélienne sont passé maîtres des « guerres- éclair », rapides et de courte durée. Elles sont impuissantes face à une guerre de guérilla. Malgré sa puissance de feu, ses missiles à têtes multiples, l’armée américaine a été humiliée au Vietnam. L’armée soviétique, l’une des plus puissantes au monde, a subi le même sort en Afghanistan. Actuellement, les armées occidentales, « protégées » par le « bouclier » américain et disposant de milliers de têtes nucléaires, sont harcelées par la guérilla afghane, équipée d’armes légères, qui revient en force. L’été 2006 la puissante armée israélienne a du battre en retraite au Sud Liban face à la guérilla de la résistance libanaise. Les camps palestiniens, « privés depuis des décennies des droits les plus élémentaires d’une vie digne » (Mouna Naïm- Le Monde du 07 juin 2007) sont en voie d’« islamisation ». Trois semaines après le déclenchement des hostilités au camp de Nahr Al- Bared, l’armée libanaise, malgré le soutien militaire des Etats-Unis, n’arrive pas à venir à bout d’une poignée de résistants panarabes déterminés.

On peut contester l’idéologie passéiste des « djihadistes » sunnites et chiites. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, ils représentent la principale force anticolonialiste de la région.

Enlisés au Moyen-Orient, les Américano-israéliens, sont de plus en plus discrédités, perdent du terrain et cherchent une voie de sortie. « Le Yédiot Aharonot affirme qu’Olmert se dit prêt à évacuer le Golan en échange de la paix et aurait récemment adressé des messages secrets en ce sens au président syrien » (DNA du 09 juin 2007). Il s’agit sûrement de la paix de même nature que celle imposée à l’Egypte par les Américains, en échange de la souveraineté politique de l’Egypte. Les récentes tentatives de « paix israélienne » sont donc vouées à l’échec.

Le vent tourne lentement, mais sûrement, en faveur des forces anticolonialistes du Moyen-Orient. Aucun « bouclier », associé aux ruses des tentatives de « paix » n’arrivera pas à stopper la marche de l’Histoire au Moyen-Orient. Même s’il faudra passer par une énième guerre au Liban ou ailleurs.

Le comité de rédaction