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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N°23)

Aujourd’hui : Le chant du cygne de l’unilatéralisme

Notre rubrique géopolitique

mardi 6 mars 2007

Strasbourg, le 6 mars 2007

Quatre mois après les élections à mi-mandat (aux Etats-Unis) et à la surprise générale de tous les observateurs, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice a annoncé mardi 27 février la tenue d’une conférence internationale destinée à discuter des moyens de garantir la stabilité politique de l’Irak. L’Iran et la Syrie seront, en quelque sorte, les vedettes de cette conférence.

Premier constat : l’unilatéralisme a conduit les Etats-Unis et Israël dans l’impasse. La tenue de la conférence sur la stabilité en Irak c’est l’aveu implicite des Etats-Unis du fait que l’administration de G.W.Bush est source de chaos, d’insécurité, d’instabilité et qu’elle menace la paix mondiale en général et la paix du Moyen-Orient en particulier.

Deuxième constat et non des moindres : la reconnaissance explicite du rôle des acteurs régionaux, l’Iran et la Syrie, quant à leur capacité de garantir la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient, surtout dans les zones les plus déstabilisées par l’intervention des américano-israéliens, la Palestine, le Liban et l’Irak. Cette conférence met en évidence le reflux de l’influence occidentale en général et américaine en particulier, au Moyen-Orient.

Ce début de virage est synonyme de victoire pour l’Iran qui, malgré les pressions de la « communauté internationale », au premier chef les Etats-Unis et l’Union européenne, a toujours refusé l’attitude « néocoloniale » et hautaine des occidentaux qui ne voulaient pas discuter avec l’Iran de la sécurité régionale avant la suspension de l’enrichissement de l’uranium. En effet, l’Iran participera à cette conférence sans avoir au préalable suspendu l’enrichissement.

Cette conférence est également la victoire de la Syrie qui se retrouve autour d’une table avec la France, l’ancien « gendarme » du Liban et qui l’avait boycottée. C’est également la victoire de la Russie qui, depuis longtemps, avait proposé en vain la tenue d’une conférence internationale sur l’Irak et le Moyen-Orient.

Finalement, ce virage confirme la montée en puissance de l’Orient et la naissance ou la renaissance de nouvelles puissances régionales et mondiales : la Russie, l’Iran et la Syrie.

Condoleezza Rice et son patron G.W.Bush ont appris à leurs dépens (« on » leur a fait comprendre ?) que leur obstination à ne pas reconnaître le changement de rapports de force qui est en cours au Moyen-Orient a conduit tout l’Occident et ses alliés dans une impasse. En effet, l’ère de l’unilatéralisme est révolue depuis longtemps et le monde multipolaire frappe à la porte. Selon le sénateur Harry Reid : « L’administration a raison de changer d’avis (…) Nous aurions dû faire cela il y a des années ». Condoleezza Rice arrivera-t-elle à redresser la barre ?

Il est à souligner que la « nouvelle initiative diplomatique » annoncée le mardi 27 février est une conséquence des marchandages et de l’évolution des rapports de force à Washington. Quelle sera l’ampleur du virage pris par l’administration de G.W.Bush ? En effet, Condoleezza Rice est intervenue devant la commission des appropriations du Sénat pour défendre le supplément budgétaire de 3,2 milliards de dollars demandé pour l’Irak et l’Afghanistan (Le Monde du 1er mars 2007). Il s’agit sûrement d’un donnant-donnant qui régit les rapports entre le Congrès à majorité démocrate et la Maison Blanche. L’avenir dira si la « nouvelle initiative diplomatique » est un vrai changement de cap ou un simple effet d’annonce, un de plus pour satisfaire la base électorale du parti démocrate, majoritaire au congrès ?

Quoi qu’il en soit, l’annonce même de la « nouvelle initiative diplomatique » et la convocation d’une conférence internationale le 10 mars en Irak sont, en elles-mêmes, un grand événement.

Il serait naïf de croire que les « choses » vont se régler rapidement. L’encerclement de la Russie suit son cours. Les porte-avions, sous marins nucléaires et autres navires de guerre américains sont toujours présents dans le Golfe persique et rien n’indique leur retrait. Par contre, afin d’exercer des pressions supplémentaires sur l’Iran et restreindre ses velléités de grande puissance régionale, les Etats-Unis risquent de renforcer leur potentiel militaire dans le Golfe. La répression des Palestiniens par l’armée israélienne continuera et d’autres colonies seront intégrées au territoire israélien. Le danger d’une grande guerre régionale reste toujours d’actualité. A leur tour l’Iran et la Syrie continueront de renforcer leur potentiel militaire. Même affaibli, le bras de fer de l’administration de G.W.Bush-Olmert avec le reste du monde continuera. La confiance fait cruellement défaut au Moyen-orient, car Bush et Olmert ont montré que le seul langage qu’ils comprennent est celui de l’agression, de la guerre et de la destruction.

Faut-il rappeler et insister sur le fait que l’accession de Mahmoud Ahmadinejad, représentant de l’aile radicale, rigide et très réactionnaire du clergé chiite, à la présidence de la république islamique d’Iran, la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes, le renforcement des talibans en Afghanistan, sont autant de « réactions radicales » du Moyen-Orient à l’agressivité des américano-israéliens au Moyen-Orient ? La tenue de la conférence internationale sur l’Irak sera perçue comme une victoire des radicaux islamistes en général et de la ligne prônée par Mahmoud Ahmadinejad en particulier.

Seul un changement à 180 degrés et définitif de la politique américaine, changement mené par des « hommes nouveaux », ouverts au dialogue, serait en mesure d’apaiser la tension dans cette région meurtrie et de sauver les meubles de l’Occident, très mal en point, dans la région.