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Paix et Justice au Moyen-Orient (volet N° 15)

Aujourd’hui : Les prémices de la chute de l’Empire ?

Suite de notre rubrique géopolitique

jeudi 25 janvier 2007

STRASBOURG le 28 janvier 2007

Lord Curzon, le vice-roi britannique des Indes de 1899 à 1906 disait : « Turkestan, Afghanistan, Transcaspienne, Perse- pour beaucoup de gens, de tels noms évoquent seulement un mystérieux lointain, le souvenir d’aventures étranges, une tradition romanesque désuète. Pour moi, je l’avoue, il s’agit là des pièces d’un échiquier sur lequel se dispute la partie pour la domination du monde. »

En 2007, ces propos pertinents restent encore d’actualité, à condition d’ajouter l’Irak à la longue liste de pays et contrées faisant partie du « centre névralgique » du monde.

Pour avoir une idée de l’importance stratégique du Moyen-Orient en général et de l’Irak en particulier sur la physionomie actuelle du monde, il suffit d’analyser les changements induits dans les rapports de forces planétaires suite à l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis.

D’abord, la « guerre préventive » américaine contre l’Irak, suivie de son occupation, concrétisa l’enterrement définitif de l’ancien ordre bipolaire, issu de la deuxième guerre mondiale.

Ensuite, la conquête de l’Irak (le second accès à l’Océan indien de l’ancienne puissance coloniale britannique) modifia stratégiquement les rapports de forces en faveur des Etats-Unis, non seulement au Moyen-Orient, mais à l’échelle mondiale. En effet, une puissance planétaire doit contrôler absolument les principales sources d’énergie. L’intervention américaine en Irak (deuxième réserve pétrolière au monde) a permis aux Américains de mettre la main sur tous les robinets (sauf ceux de l’Iran) de pétrole du Moyen-Orient. C’est un énorme moyen de pression sur les « amis » et concurrents des Etats-Unis qui, grâce à leur puissance maritime, contrôlent, en outre, les principales routes maritimes du commerce mondial.

L’enlisement, synonyme d’échec cuisant, des Etats-Unis en Irak annonce-t-il une modification des rapports de forces mondiaux ?

Pour Richard Haas, président du « Council on Foreign Relations », la réponse est oui : « La guerre de l’Irak marquera la fin de l’influence américaine au Moyen-Orient, comme la deuxième guerre mondiale a marqué la fin de l’influence européenne. » A son tour, à l’occasion des vœux du corps diplomatique, Jacques Chirac a défendu un monde multipolaire où l’émergence de nouvelles puissances « marque la fin de la domination séculaire et sans partage de l’Occident ».

Les grandes manœuvres planétaires de positionnement ont d’ores et déjà commencé.

Dans le but de retarder la chute inévitable du « faucon » américain, l’Allemagne et le Japon, les alliés et anciens vaincus de la deuxième guerre mondiale, se rangent désormais derrière le « patron » américain, complètement discrédité et à bout de souffle.

« Horst Köhler, le président allemand, estime qu’il serait « stupide et myope » de « rester les bras croisés » et de laisser les Américains seuls face au « désastre » irakien. » (Le Monde du 14/11/2006). De son côté, Tokyo se rapproche de l’OTAN. Car Washington veut une OTAN à vocation mondiale. Dans cet objectif, l’Agence de défense japonaise a été transformée, mardi 9 janvier 2007, en « ministère de la défense » et le Japon ne cache plus ses ambitions planétaires.

Les opposants à la politique guerrière, dévastatrice et ruineuse des Etats-Unis, qui a conduit ceux-ci dans l’impasse, ne restent pas les bras croisés.

Les Britanniques et les Français, prévoyants, se démarquent, en douceur, des Etats-Unis. On parle même de « crispation transatlantique ». « Le Foreign office a repris les contacts en coulisse avec Damas et Téhéran. » (Le Monde du 20/01/07) ; et Paris compte envoyer un émissaire de haut rang à Téhéran.

Afin de montrer son importance stratégique, ses ambitions sur la scène internationale, la Russie a coupé le robinet de son pétrole à l’Occident et équipe l’Iran de missiles antiaériens de technologie avancée TOR-M1. De son côté, la Chine a testé avec succès son missile capable de neutraliser des satellites.

Tout indique que, sur le plan des objectifs militaires, seul Israël reste entièrement sur la même longueur d’onde que les Etats-Unis.

Le voyage en Syrie de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, porteur éventuel de quelque « promesse israélienne », signifie-t-il une tentative des israéliens de neutraliser la Syrie dans l’objectif d’une confrontation avec l’Iran ? Les américano-israéliens n’ont pas réussi leur politique de division pour encourager la guerre civile en Palestine. Réussiront-ils leur politique de division consistant à casser le front irano-syrien ?

Il est heureux de constater que les dégâts causés au modèle américain par la politique de G.W.Bush et de ses comparses, sont énormes. « Dans le tiers monde, le modèle américain, le marché, la démocratie ne sont plus pris au sérieux. Quand nous parlons des droits de l’homme, on nous répond Abou Ghraib. » dit Francis Fukuyama, le père idéologue du néoconservatisme. Par ailleurs, il estime que « pour restaurer l’image des Etats-Unis dans le monde, il faudrait une génération. Toujours selon lui, « l’Irak est sans doute le plus grand désastre de politique étrangère depuis le Vietnam. » . »(Le Monde du 14-15/01/07).

Malgré les bruits pressants de bottes dans le Golfe persique, tout n’est pas encore joué. Les Démocrates, conscients des dégâts causés par la politique guerrière et obscurantiste de G.W.Bush dans le monde, ont l’intention de résister à sa politique réactionnaire, qualifiée « la plus marquée à droite, sinon de l’Histoire » par Peter Hain, ministre de l’Irlande du Nord, numéro deux du Labour.

Une guerre déclenchée contre l’Iran, quelle que soit sa forme (bombardements des sites nucléaires,…) est tout simplement qualifiée de « folle » aussi bien par F.Fukuyama que par tous les spécialistes de la région. Une guerre contre l’Iran ne fera qu’accélérer la chute du « faucon » américain.