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Paix et Justice au Moyen-Orient - Analyse 5 (2014)

Mourir pour la Crimée, l’Ukraine,...

Mercredi, 23 avril 2014 - 22h03

mercredi 23 avril 2014

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La première « guerre moderne » de Crimée éclata le 28 mars 1854, opposant la Russie à une coalition formée de l’Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne. Le conflit se déroula essentiellement en Crimée autour de la base de Sébastopol.(1)

A la fin du XVII siècle, l’Empire ottoman était entré dans une période de déclin, perdant tous ses territoires au nord de la mer Noire, dont la péninsule de Crimée, au profit de la Russie.

La guerre – qui provoqua la mort de plus d’un demi-million de personnes – poursuivait, officiellement, le motif suivant : quelle nation pouvait revendiquer le droit de se proclamer « protectrice des chrétiens de Terre sainte » en Palestine ? Par ailleurs, la Russie revendiquait le droit de protéger l’importante minorité orthodoxe vivant dans les provinces européennes de l’Empire. S’emparer de la dépouille de l’Empire finissant ottoman, étendre sa sphère d’influence politique et militaire, constituaient les vraies raisons de l’affrontement entre puissances de l’époque. La signature du traité de Paris le 30 mars 1856 mit fin à la guerre.

L’actuelle guerre de Crimée commença après la signature (forcée) par Victor Ianoukovitch, ancien président ukrainien - soutenu par la Russie -, vendredi 21 février 2014, d’un accord avec l’opposition fortement soutenu par les puissances occidentales. Ledit accord, évince la Russie de l’Ukraine qui bascule sous la férule de l’Occident (l’Union européenne et les Etats-Unis) réuni au sein de l’OTAN.

L’Ukraine est l’une des dernière carte disputée entre la Russie qui représentait une puissance avant l’effondrement de l’Union soviétique et l’Occident (l’Union européenne et les Etats-Unis) triomphant qui a mis la main sur l’Europe de l’Est, jadis chasse gardée de l’Empire soviétique.

L’Empire ottoman n’existe plus, transformé en sa portion congrue, la Turquie, membre de l’OTAN et soumise aux lois et désidératas de l’Alliance Atlantique patronnée par les Etats-Unis. La France et le Royaume-Uni sont devenus des puissances de seconde zone, sous la coupe des Etats-Unis. Mais, la Russie est toujours là, une puissance certes convalescente, mais toujours un adversaire d’un Occident hégémonique affaibli.

Pour l’heure, l’Europe Orientale ne représente pas la ligne de fracture entre les puissances d’aujourd’hui, à savoir les Etats-Unis, la Russie, l’Iran et la Chine. La ligne de fracture passe par l’Ukraine, la Syrie, le Liban et la Palestine, vaste terrain d’affrontement qui engloutit chaque jour des dizaines de victimes civiles ou militaires.

Les médias ne parlent que de ceux qui se battent pour leur « Allah chiite » ou pour leur « Allah sunnite » ou encore pour la nouvelle doctrine de l’Empire russe : « défense universelle des Russes ».

De leur côté, les puissances occidentales cachent leur volonté hégémonique sous le masque de la « défense des Droits de l’Homme ». Les uns et les autres y vont de leur musique tandis que les miliciens et les militaires s’entredéchirent et les civils paient un lourd tribu sur l’échiquier géostratégique. On continue à mourir pour la Crimée, l’Ukraine, la Syrie, le Liban, la Palestine depuis des siècles et cela continuera dans ces régions où les intérêts des puissances se chevauchent et où elles règlent leur compte sur le dos de la souveraineté des nations en dépeçant leurs territoires et en soumettant leurs peuples.

L’actuelle guerre de Crimée - Ukraine ne fait que commencer et, comme l’ont bien indiqué Piotre Smolar et Benoït Vitkine, journalistes au quotidien Le Monde (du 20-21 avril 2014), à propos de la conférence de Genève du 17 avril sur la Crimée - l’Ukraine : « Genève apparaît mort avant d’avoir vécu ».

En effet, les protagonistes montrent leur biceps et se préparent à vivre une longue période d’instabilité sur la ligne de fracture Est-Ouest. « Davantage d’avions dans le ciel, de navires en mer ». Selon l’OTAN, la « police des airs » au-dessus des Etats-baltes sera renforcée et des navires seront déployés en mer Baltique et en Méditerranée orientale... Des avions - radars Awacs survolent les frontières de la Pologne et de la Roumanie. Plusieurs pays, dont la France, se sont dits prêts à renforcer la présence aérienne de l’OTAN dans la région. Un destroyer américain, l’USS-Donald-Cook, croise, par ailleurs, en mer Noire. Il a été approché, samedi 12 avril, par un chasseur Soukhoï russe. Une action décrite comme « provocatrice » par la Pentagone."(2)

La Russie déplace également ses pions en Ukraine et en Asie du Sud-est. La Corée du Nord - dont les missiles sont pointés vers le Japon, la Corée du Sud et les voies maritimes de la région - prépare un quatrième essai nucléaire. Pour Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, « le document [d’accord de Genève du 17 avril] lui-même est moins important que ce qui va se passer sur le terrain. »(3)

Du coup, les Etats-Unis augmentent la pression sur la Syrie, maillon faible des puissances orientales. En effet, malgré le contrôle international et la destruction d’une grande partie des armes chimiques en Syrie, les Etats-Unis prétendent avoir « des indications évoquant l’utilisation d’un produit chimique industriel toxique, probablement du chlore, en Syrie ce mois-ci dans le village Kafar Zita, contrôlé par l’opposition. »(4) Accusation ou intoxication ? Le doute est permis.

Les négociations Puissances occidentales-Iran vont bon train. les Etats-Unis espèrent-ils que la désescalade avec l’Iran conduise à l’affaiblissement du front Russie-Iran dans la région ? La démission de Bandar Ben Sultan, représentant de l’aile dure de la monarchie et le chef des renseignements saoudiens, le laisse penser. Selon AFP, « le prince avait reproché à Washington de ne pas être intervenu militairement contre le régime de Damas. » (5)

Trois ans après le début de l’insurrection en Syrie, Bachar Al-Assad est toujours là et il compte bien se présenter à la prochaine élection présidentielle. La survie du régime syrien et la candidature de Bachar Al-Assad sont en soi une victoire pour l’Iran et la Russie. Quel sera le prochain coup des Etats-Unis, en Crimée ou ailleurs, en Moldavie ?

cpjmo@yahoo.fr
http://geopolitiquedumoyen-orient.blogspot.com

(1) Wikipédia
(2) Jean-Pierre Stroobants - Le Monde du 18 avril 2014.
(3) Marc Semo - Libération des 19-20-21 avril 2014.
(4) AFP, citée par Le Monde du 23 avril 2014.
(5) AFP, citée par Le Monde du 18 avril 2014.