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La Jordanie en avant-poste : on est trahi que par les siens !

ALLENBY : Les Palestiniens punis avant même d’arriver en Palestine

Par Rapyja

dimanche 9 juillet 2006

Aujourd’hui nous partons pour la Palestine, en utilisant le seul accès possible pour les Palestiniens. C’est d’ailleurs aussi le seul point de passage ou les Jordaniens ne délivrent pas de visa sur place aux étrangers qui voudraient entrer depuis cette partie de Cisjordanie occupée par Israël...coïncidence ? Le premier passage n’est prévu qu’à 07h30 mais on nous a prévenus : il va y avoir du monde.

C’est la période des vacances en Jordanie et dans les pays du Golfe, et nombreux sont les Palestiniens exilés qui vont rejoindre la famille.

Quand on arrive au secteur jordanien d’Allenby, il y a déjà plusieurs centaines de voitures qui attendent, en file sur la route d’accès sous la surveillance de la police jordanienne. Pas question de ruser, personne n’est autorise a descendre et tenter de finir a pied pour éviter l’attente dans les voitures.

A 6h00 on descend de la voiture, on récupère les bagages et on rejoint "la file d’attente" pour une bataille qu’on devine longue et pénible compte tenu de la densité de la foule et de la chaleur déjà forte à cette heure.

Ce matin je pensais qu’on avait encore pris trop de bagages mais je réalise maintenant la modestie de notre chargement. Tout autour de nous, hommes et femmes poussent des chariots lourdement charges, cahotant sur le chemin d’accès et qui menacent de s’écrouler a tout instant.

On se bouscule, mais pas trop et déjà la résignation se lit sur de nombreux visages.

On achète les tickets qu’il faudra donner tout a l’heure dans le bus jordanien qui nous emmènera jusqu’au secteur israélien.

Plus loin on dépose les gros bagages .Apres être passés dans la machine de détection semblable à celles qu’on voit dans les aéroports, ils vont être acheminés à proximité des bus.

Puis c’est le contrôle des documents de voyage.

La bousculade s’intensifie car le traitement varie suivant la nature des passeports dont les gens sont porteurs. La distinction principale repose sur leur situation au regard des critères israéliens que les autorités jordaniennes appliquent avec zèle.

Il y a ceux qui ont une "identité palestinienne", autrement dit enregistrés dans les fichiers israéliens constitués depuis juste après 67 quand les Israéliens ont "recensés" tous les Palestiniens habitant les "territoires palestiniens" occupés cette année là.

Israël contrôle ainsi l’ensemble des Palestiniens des territoires et l’arrivée de l’Autorité n’ y a rien change.

Depuis, eux et leurs descendants bénéficient de cette « nationalité palestinienne » attribuée et contrôlée par les Israéliens qui ne tiennent aucun compte des doubles nationalités acquises et des passeports attribues par des Etats nationaux a des ressortissants d’origine palestinienne. Les autres doivent solliciter des autorisations spéciales, éventuellement accordées par les Israéliens sur production d’invitations, de justifications de situation familiale etc.

Pour la troisième fois depuis le début du parcours, un fonctionnaire jordanien m’explique que je me suis trompe de circuit. J’aurais du prendre celui réserve aux "vrais étrangers", ceux qui n’ont pas d’identité palestinienne et de double nationalité. Je le sais parfaitement et je réponds que j’accompagne ma famille. J’irai faire les formalités après, quand je serai certain qu’ils on passe les différentes étapes... Justement, on y est.

Je rejoins le secteur réserve aux étrangers et j’entame mon parcours en repassant des contrôles de sécurité similaires a ceux déjà subis cote secteur réserve aux Palestiniens.

Un premier fonctionnaire jordanien examine mon passeport, accomplit quelques formalités et le transmet a un autre situe dans un bureau adjacent.

Je remarque que celui-ci le pose sur une pile, attend quelques minutes, apparemment songeur devant l’écran de son ordinateur puis se lève, ferme la porte et s’en va...

Nous sommes quelques uns à attendre et, sur notre insistance, nous allons bientôt apprendre que l’ordinateur central, situé à Amman, est en panne.

Impossible de se connecter et de retrouver trace de notre entrée en Jordanie, donc impossible de sortir...Les dix minutes d’attente annoncées vont durer 2 heures.

Après avoir payé les taxes de sortie du territoire jordanien et récupèré mon passeport, il me faut encore négocier avec un gradé pour qu’ il appose sa signature validant le fait que je voyage dans un des bus utilisé par les Palestiniens et non celui réserve aux étrangers.

Muni de la précieuse signature, je file rejoindre le point de départ des bus. Il est maintenant près de 11h00 et la température monte, au propre comme au figuré.

Chacun doit récupérer ses bagages entassés ici et là, au gré des transferts effectués par des employés jordaniens après les contrôles de sécurité.

C’est l’assaut des bus, d’abord pour y caser les bagages qui iront s’entasser sur les toits quand les coffres sont pleins.

Inutile de vouloir prendre place dans le bus où sont les bagages, il est déjà plein à craquer et le chauffeur fait évacuer les passagers en surnombre.

La frontière qui sépare la Jordanie de la Cisjordanie occupée par l’armée israélienne est une bande de terre large de plusieurs kilomètres.

Les bus roulent en convoi, sur une route bordée de grillages et barbelés, lentement et seulement séparés de quelques mètres.

Après plusieurs arrêts devant des barrières métalliques surmontées de miradors, on atteint le pont qui enjambe le Jourdain. Notre bus stoppe au beau milieu du pont, à quelques centaines de mètres des constructions du poste frontière israélien.

Nous y resterons immobilisés deux heures.

Les explications commencent à circuler. "Jéricho a été attaque par les Israéliens" Peut-être va-t-on devoir retourner en Jordanie...

Les portables rentrent en action. Rien à signaler à Jéricho, excepté une incursion israélienne de deux véhicules militaires ce matin, la routine...

Normalement on devrait maintenant passer des contrôles, d’abord les passagers puis les bus. Mais bizarrement, alors que le chauffeur a demandé de se préparer à descendre sans aucun sac, on repart sans contrôle et sans explications.

On arrive enfin après plus de deux heures dans le bus, pour faire peut-être 3 kilomètres.

C’est la ruée pour récupérer les bagages débarqués sans ménagement des coffres et des toits des bus. Tous les gros bagages doivent être immédiatement présentés pour enregistrement et contrôle.

Ils partent sur des tapis roulants et ne seront récupèrés qu’en sortie du terminal, après avoir accompli toutes les formalités de contrôle des passeports et identités.

A ce niveau beaucoup d’employés sont palestiniens avec seulement quelques juifs israéliens pour superviser. On entre ensuite dans les bâtiments du terminal. Il y a un point d’entrée séparé pour les étrangers et les circuits de contrôle de sécurité sont distincts suivant le statut de l’arrivant.

Je découvre un nouveau dispositif de sécurité, un portillon sous lequel on doit passer et s’immobiliser. Des jets d’air fusent de part et d’autre, tout le long du corps et des membres. Aucune explication n’est donnée et l’employée israélienne me regarde d’un air très absent quand je lui demande à quoi sert cette machine.

On passe ensuite par des portillons plus classiques détectant toute pièce métallique. On accède ensuite à un grand hall ou tout le monde se retrouve. Maintenant c’est le contrôle des documents de voyage et identités.

Il y a des files séparées pour étrangers et Palestiniens mais, mis à part l’imprimé que les étrangers doivent remplir et qui servira de "visa" lors du séjour en Israël et dans les territoires, les conditions et procédures sont semblables.

C’est après que s’opèrent les distinctions, pour la récupération des bagages avant sortie définitive du terminal.

Les Israéliens ont créé une zone d’attente dont on ne sort que si les bagages ont été délivrés après contrôle.

Tandis que les étrangers prennent une nouvelle file, présentent leur passeport et le reçu des bagages déposés à l’entrée du terminal et passent si la sortie bagage a été enregistrée après contrôle de sécurité, les Palestiniens se retrouvent dans une zone d’attente.

Ils sont appelés à tour de rôle par haut-parleur et là, soit ils peuvent sortir de la zone pour aller récupérer leurs bagages, soit on les informe qu’au moins un de leurs bagages nécéssite un "contrôle approfondi".

On leur confisque leur document d’identité et ils restent bloqués dans la zone.

Il y a probablement beaucoup de bagages suspects aujourd’hui car la grande majorité des Palestiniens, du moins celui ou celle qui a enregistré les bagages à l’entrée du terminal, reste bloquée dans la zone d’attente, passeports confisqués.

A moins que ce soit autre chose car, bizarrement, j’ai récupèré tous les bagages, y compris ceux enregistrés par ma compagne palestinienne à qui on expliqué, de l’autre côté des barrières qui séparent les deux zones, qu’on ne peut pas encore lui rendre son passeport parce que "l’un de ses bagages pose problème"...

Les autres passent et se retrouvent de l’autre côté des barrières, au niveau des tapis roulants qui amènent les bagages après passage au contrôle de sécurité.

Dans cette partie les gens s’efforcent de retrouver leurs bagages, délivrés sans aucune logique et stockes dans un désordre indescriptible.

Il est alors 15 heures et la plupart des personnes présentes ont commencé "le passage de la frontière" depuis 06h00 du matin.

Des enfants déchaînés escaladent des monticules de bagages, des mères épuisées tentent de calmer les petits qui pleurent et hurlent, les gens se téléphonent ou se font des signes d’une zone à l’autre pour savoir ce qu’il en est et les employés israéliens, dont beaucoup sont au bord de la crise de nerfs, hurlent pour faire reculer les familles qui attendent le passage de celui ou celle retenu de l’autre côté.

Soudainement des ordres fusent des hauts parleurs, d’abord en Hébreu puis en Arabe, et c’est la débandade.

Un bagage suspect est signalé au contrôle et c’est l’alerte et l’ordre d’évacuation.

Je constate que plusieurs employés, assis près de la sortie, ne prennent même pas la peine de se lever et je décide de rester pour voir ce qui se passe.

Un agent de sécurité vient vers moi et me dit : "emergency situation, sir", je lui montre ses collègues assis et il n’insiste pas.

Les services de sécurité prennent position, certains l’arme au poing et forment une ligne pour empêcher le retour vers le centre de la zone des bagages.

Une Palestinienne âgée tente de bénéficier de cette providentielle accalmie pour chercher tranquillement ses bagages. Des agents de sécurité interviennent mais ne réussissent à la faire reculer que de quelques mètres. Avec elle non plus, ils n’insistent pas très vigoureusement.

Je constate que les personnes qui étaient en attente dans l’autre zone ont été repoussées au delà des comptoirs ou s’effectue le premier contrôle des passeports.

Désormais seuls les portables permettent de rester en liaison.

Je reste à deux mètres de la ligne formée par les agents de sécurité israéliens et je constate que règne une grande décontraction. Bizarre pour une situation d’urgence... L’alerte est levée après environ ½ heure et les deux zones sont réinvesties par leurs occupants. L’attente reprend et la tension a bien évidemment encore monté d’un cran.

Grâce au portable je sais que l’explication imperturbablement donnée par les Israéliens aux Palestiniens qui attendent pour récupérer leur passeport est "un problème avec les bagages"

Pour le cas que je connais je sais que c’est faux : tous les bagages sont devant moi, avec l’autocollant apposé lors de l’enregistrement. Un double de cette étiquette avec code barre a été collé au dos du passeport au même moment et un simple passage sous un lecteur permet à l’agent israélien de savoir si le bagage a été délivré après contrôle. C’est ce qui s’est passé pour moi et depuis j’ai localisé et pris les bagages de ma compagne.

Ce n’est donc pas pour cette raison qu’on la retient depuis plus de deux heures et je pense qu’il en est de même pour tous les autres dans la même situation. On décide d’agir, chacun de notre côté.

Je vais voir l’employée israélienne qui contrôle l’accès à la zone ou je suis et je lui demande les raisons pour lesquelles ma compagne ne peut pas passer. Sans hésitation, elle me sert la version du bagage suspect qui nécessite un contrôle approfondi.

Je lui montre les bagages sur le chariot, je lui tends les étiquettes et je luis dis : vous êtes une menteuse. Son visage se ferme et notre conversation s’achève.

De son côté, ma compagne a décidé de changer de registre et s’affronte avec les agents israéliens en reclamant de plus en plus fort qu’on lui rende son passeport et en tapant du poing sur le comptoir ou se tient celui qui appelle les Palestiniens avec son micro.

Soudainement j’entends son nom sortir des haut-parleurs et je la vois s’emparer de son passeport et traverser l’espace qui sépare les deux zones.

L’agent de sécurité qui me fait face ne lui demande rien. Un dernier regard de défi et on sort du bâtiment du terminal. Il est 17 heures30.

Il faut maintenant prendre un bus qui relie le terminal israélien d’Allenby à Jéricho, en passant par le "poste frontière" de l’Autorité palestinienne.

Un employé de l’Autorité monte dans le bus et collecte les passeports et autres documents d’identité. Pendant qu’on attend qu’il les rapporte, un jeune Palestinien vient vendre des dattes.

On lui demande si elles ne sont pas israéliennes et il répond qu’il ne sait pas...On n’achètera pas de dattes aujourd’hui. Le bus reprend sa route et on arrive à la gare des taxis de Jéricho. Il est 18 heures et la chaleur est écrasante. D’ici les familles prendront les taxis collectifs qui les amèneront à Ramallah, Bethlehem, Abou Dis etc.

Pour tous ce sera une heure, deux heures ou plus de voyage dans un taxi surchargé et surchauffé. Tout dépendra des check points et de l’humeur des soldats israéliens qui les gardent. Nous, ce sera Hébron. 14 heures pour venir d’ Amman. On ne va pas se plaindre, on aurait pu être bloqué...

Il est difficile de restituer pleinement une telle journée. Après ce nouveau passage à Allenby, ma conviction est renforcée : le principal objectif des Israéliens étant de faire partir le plus possible de Palestiniens, il est essentiel pour eux de les décourager de revenir, fût-ce seulement pour des "vacances"

La fermeture des frontières est difficile à assumer sur le plan politique.

Les autorités israéliennes utilisent parfois ce moyen extrême, comme à Rafah en ce moment, mais tôt ou tard ils sont contraints de se justifier puis de lever l’interdiction quand elle devient une affaire publique.

La mise en place de procédures contraignantes, souvent incompréhensibles, parfois apparemment incohérentes et toujours très pénibles a endurer par les personnes et notamment les familles, est un moyen nettement plus "soft" pour décourager la venue en Palestine.

"Tout faire pour qu’ils ne reviennent pas" avait dit Ben Gourion en 1948.

Le plan sioniste de nettoyage ethnique de la Palestine n’est pas encore terminé.

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