Notes sur la conférence de Rob Hopkins à Ungersheim
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Si vous avez un peu de temps à consacrer à de la lecture, voici ce qui m’a marqué dans la conférence de Rob Hopkins à Ungersheim. Elle a eu lieu le samedi 26 septembre 2015. La salle était remplie de toute une joyeuse Alsace en Transition, tout de même un peu blafarde sous l’éclairage au sodium de la salle des sports. Rien n’est parfait.
La Transition est un mouvement qui imagine des solutions pour faire des choses ensemble
Pour le climat, il y a urgence. Il y a aussi un potentiel de changement énorme autour de nous dès que quelques personnes peuvent se réunir et initier des projets et faire quelque-chose de concret qui améliore la vie.
Dans ses conférences, il ne parle plus du pic du pétrole et de la crise énergétique qui était à l’origine très présente dans les arguments en faveur de la Transition. Tout simplement, parce qu’il s’est rendu compte que dans les groupes de Transition, il y a des gens qui viennent pour l’environnement et le climat, mais qu’il y a aussi des gens qui les rejoignent parce qu’ils aimaient leur ville, leur pays, leur vallée, et qui tiennent à ce qu’on y vive plus heureux, que ce soit plus beau. D’autres sont là parce qu’ils aiment voir du monde et que les groupes de Transition mélangent des gens très différents.
L’économie de profit et le marketing ne sont pas faits pour répondre à toutes ces questions.
La Transition n’est vraiment pas seulement une question environnementale. On pourrait et ce n’est qu’un exemple, tout aussi bien dire que c’est une question de santé publique. La qualité de l’alimentation et la protection par rapport aux pesticides, aux polluants industriels, au stress, au bruit, sont essentiel pour prévenir les cancers et les maladies. Se nourrir sainement, dans un environnement libre de toute pollution se répercute sur la santé publique. Donc, la Transition, c’est autant la santé publique que l’énergie, c’est autant l’agriculture que la vie de quartier, l’éducation que l’économie.
De nombreux exemples, grands et petits montrent que la relocalisation de l’économie sera un axe gagnant de la Transition. A Preston, une ville en Angleterre, une étude universitaire regroupant aussi d’autres partenaires a montré que sur 750 millions de Livres dépensées en un an, seul 4% étaient dépensés dans la ville, tout le reste partait ailleurs, dans l’économie mondialisée. En réponse à cette étude beaucoup d’acteurs se sont mobilisés, pour le commerce local, en rapatriant les capitaux du fond de pension de la ville, etc. Tout cela a fini par faire une grande différence. A Liège en Belgique, de grands efforts sont faits pour relocaliser la production potagère. A Londres, une multitude de petits potagers de quartiers sont mis à contribution pour constituer des paniers hebdomadaires de produits locaux distribués dans la ville elle-même. Pour les soins et l’aide à la personne, au lieu d’attendre que des prestations soient décidées par les politiques, des groupes ont pris des initiatives pour aider les personnes du quartier et leur assurer des soins.
Les monnaies citoyennes complémentaires participent à la relocalisation de l’économie, encore faut-ils qu’elles soient adoptées par les gens. Pour cela, les groupes de Transition font feu de tous bois, par exemple, ils n’hésitent pas à icôniser les billets avec l’image de héros populaires, de la chanson jusqu’au Rugby. C’est à nous de créer et de trouver les symboles qui nous permettent de mieux avancer ensemble.
Aux USA, des repair’cafés permettent à des gens de faire réparer leurs produits électro-ménagers par des bénévoles, parfois des ingénieurs de la NASA. L’un a même pu témoigner, " c’est le concepteur du véhicule lunaire qui m’a réparé mon sèche-cheveux". Dans ce repair’Café, il n’y avait qu’une règle, que la personne qui vient avec un objet en panne s’assoie près du bénévole et lui raconte une histoire sur sa vie. Tout cela créé un lien. Ce sont des "compassion building initiatives " (des initiatives qui développent la compassion) qui facilitent la lutte contre la solitude.
A Londres, qui est très cosmopolite, des gens ont créé un magasin de produits artisanaux fabriqués par les gens du quartier et qui proviennent de différentes cultures. L’expérience a été un succès au point que plus d’une dizaine de tels magasins-coopératives se sont créés en quelques années. Ce sont des exemples de relocalisation de l’économie en ville en se mettant à entreprendre ensemble.
Par rapport à la question du consumérisme. A une personne qui demandait :
"Comment faire pour que les gens ne soient plus esclaves du marketing et conditionnés à racheter le dernier smartphone ? Comment faire pour les y faire renoncer ?"
Rob Hopkins répond qu’en terme de Transition on ne cherche même plus à renoncer ou à faire renoncer. On trouve simplement mieux à faire sur tous les plans et que ce faisant, la question ne se pose pas en terme de se priver de quoi que ce soit. La Transition, c’est de faire mieux et de préserver les condition nécessaire pour pouvoir vivre heureux dans la durée et sur une planète riante.
La vie des quartiers et des villes en Transition est simplement destinée à être plus heureuse, chouette, à répondre par de la joie de vivre à l’épidémie de solitude qui rend l’existence parfois si triste.
Il ne faut pas croire que ce soit difficile de généraliser la Transition. Le seuil de bascule des comportements du grand public est situé en moyenne à 17 ou 18% de la population. C’est tout à fait atteignable. C’est en plus une moyenne. Parfois, le seuil de bascule est atteint bien plus vite. Un groupe de Transition d’un quartier de Berlin a travaillé péniblement pendant plus d’un an afin d’obtenir toutes les autorisations pour planter 24 arbres fruitiers sur un parc public. Dès l’année suivante, la Mairie d’arrondissement à décidé que désormais toutes les essences d’arbres qui seraient plantées seraient des comestibles. Quand les politiques sont à l’écoute, la bascule se fait très vite, et pour le bien de tout le monde.
Donc la Transition n’est pas la solution proposée à un problème en particulier (le Pétrole, le Climat, l’Environnement qui étaient un point de départ), mais elle fait son chemin parce que les changements impulsés dans tous les domaines font que la vie est meilleure, la ville plus belle, les gens plus heureux.
Après la conférence j’ai pu échanger avec Rob parce qu’en Alsace il n’y a apparemment pas trop de monde qui parle l’anglais. Je l’ai remercié d’apporter tant de pragmatisme et d’optimisme, mais j’ai tenu à lui dire que d’un point de vue théorique aussi, on pouvait être optimiste. la Transition ne sera sûrement pas un simple mouvement à la mode. En considérant l’histoire de la modernité, la Transition est le premier mouvement, par son approche multiforme et complexe, à être à la hauteur des problèmes multiples et complexes qui naissent du progrès moderne.
Ma conclusion personnelle après cette soirée, c’est que la Transition ouvre certainement une ère nouvelle parce qu’elle est dotée d’une meilleure définition du progrès que celle inventée par les modernes il y a quelques siècles ; une définition du progrès qui donne vraiment envie de refaire le monde, comme il y a quelques siècles on pouvait vraiment avoir envie de partir à la découverte du Nouveau Monde, mais cette fois-ci pas en conquérant pour le dominer et pour s’enrichir ensuite jusqu’à en mourir de solitude, mais plutôt en ami et dans l’échange des trésors de la vie et de la joie.
Pascal Bitsch