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Le catéchisme de Jean Ziegler ou l’incitation au combat démocratique

« Tous les droits sont là. Nous n’avons qu’à nous baisser pour les ramasser »

Samedi, 9 février 2013 - 11h24 AM

samedi 9 février 2013

La nécessité d’un réveil des consciences face à un fléau tel que celui que décrit Jean Ziegler est également reproductible face à d’autres désastres tels que celui que nous dénonçons sur ce site depuis plus de 7 ans.

Comme le dit Jean Ziegler, les moyens légaux d’agir sont là, il suffit de les ramasser.

Le Droit international et les multiples conventions et déclarations universelles ont quasiment tout prévu ; les ignorer relève soit d’une désinformation organisée, et elle l’est (merci les « médias »), soit d’un
manque de courage d’élus de tous niveaux eux aussi bien souvent d’une très remarquable incompétence associée à une incroyable surdité et une occasionnelle cécité face à des évènements qui dépassent leur entendement.

Misère de la démocratie

Michel Flament

Coordinateur

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Par Tania Buri

Les thèses de Jean Ziegler ne sont pas nouvelles, mais elles ont le mérite de redonner conscience au citoyen de sa capacité d’action en démocratie. « Nous pouvons agir sur les mécanismes à l’origine de la faim », a martelé Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation, mardi soir à Lausanne.

« Il n’y aucune excuse pour se taire. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. » Jean Ziegler était l’invité du Centre catholique d’études. Le public était au rendez-vous et a rempli la salle au Casino de Montbenon. « Tous les droits sont là. Nous n’avons qu’à nous baisser pour les ramasser, a poursuivi le vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

« Le scandale de notre temps »

« Le massacre quotidien de la faim est certainement le scandale de notre temps », a poursuivi avec énergie le professeur de l’Université de Genève et auteur du livre ’Destruction massive – Géopolitique de la faim’. Le droit à l’alimentation qui figure parmi les 30 droits définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme est certainement le droit qui est le plus violemment, le plus cyniquement et de façon permanente violée sur notre planète. »

Les chiffres du World Food Report et de la Food and Agriculture Organization (FAO) de l’an dernier sont accablants : un enfant meurt de faim toute les 5 secondes, 57 000 personnes chaque jour et un milliard de personnes sur les sept qui occupons la planète sont gravement sous-alimentés.

Avec 18 millions de personnes mortes de faim l’an dernier sur les 70 millions de décès annuel, la faim est la première cause de mortalité. Les chiffres sont cruels, quand la FAO affirme dans le même temps que l’agriculture serait en mesure de donner à manger à 12 milliards de personnes, soit presque le double de l’actuelle humanité.

Si on meurt partout de la même façon, de Dakar au Bangladesh, de la Sierra Leone au Guatemala, les mécanismes qui tuent, sont, eux, multiples et complexes. Les chaîne des causalités se croisent.

Premier mécanisme : les paysans africains souffrent du dumping agricole pratiqué par les pays membre de l’Organisation de coopération et de développement (OCDE). Ceux-ci ont versé l’an dernier des subventions (à titre de production et d’exportation) à hauteur de 349 milliards de dollars à leurs agriculteurs.

« Vous pouvez vous rendre sur n’importe quel marché africain à Dakar ou ailleurs et trouver des fruits en provenance des 27 pays européens à la moitié ou au tiers du prix des produits locaux africains », s’insurge l’auteur de nombreux ouvrages. Ce mécanisme ne laisse pratiquement aucune chance aux paysans locaux.
« Les commissaires de Bruxelles fabriquent la faim »
« Les commissaires de Bruxelles fabriquent la faim en Afrique, puis repoussent par des moyens militaires les réfugiés de la faim, qui essaient de rejoindre l’Europe. » Quelque 35 % du milliard d’Africains, répartis dans 54 pays, sont sous-alimentés, rappelle le Genevois d’adoption.

Deuxième mécanisme : le vol de terre. Près de 41 millions d’hectares de terres arables en Afrique ont été saisies par des multinationales et des hedge funds et les paysans chassés de leur terre. Ce phénomème se développe rapidement, car la valeur de la terre est comparable à celle de l’or, en plus rentable.

Jean Ziegler a ensuite rappelé comment la crise financière des années 2008-2009 a poussé les grands spéculateurs sur les marchés des matières premières agricoles. En une année, le prix du maïs, du riz et du blé a augmenté de façon massive.

Un autre mécanisme à l’oeuvre est lié aux agrocarburants. Les Américains ont utilisé l’an dernier 138 millions de tonnes de maïs, soit 40 % de leur production annuelle, pour produire du bioéthanol, ainsi qu’une centaine de millions de tonnes de blé. Or les quelque 350 kilos de maïs nécessaires à fabriquer 50 litres de biocarburant permettraient de faire vivre un enfant pendant un an.

Jean Ziegler rappelle encore que 85 % de tous les aliments négociés sur la marché mondial sont contrôlées par dix sociétés transcontinentales. « L’ordre cannibale dans lequel nous vivons est habité par une violence structurelle. Ces sociétés transcontinentales ont dans leur main un pouvoir que les mêmes empereurs, les papes ou les rois n’ont jamais eu sur cette planète. Elles échappent à tous pouvoirs démocratique, politique ou syndical. »
« Je compte sur l’insurrection des consciences »
Mais l’homme de gauche n’en reste pas là. « Je compte sur l’insurrection des consciences ». Et place beaucoup d’espoir dans la société civile, les ONG et les mouvements sociaux. Il compte aussi sur la démocratie suisse.

« La Suisse a beaucoup de défauts, mais c’est une démocratie. Et la plupart de ces grandes sociétés transcontinentales ont leur siège dans un pays démocratique. Demain matin dans une démocratie en utilisant les moyens institutionnels inscrits dans la constitution, on peut brider leur pouvoir. Demain matin, on peut signer une initiative sur l’interdiction de la spéculation sur les aliments de base. On peut demain matin changer le tarif douanier.

Puis il a conclu en invitant les auditeurs à agir comme citoyen, consommateur et soutien actif d’ONG actives sur le terrain.« L’inhumanité infligée à un autre détruit mon humanité » et « Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres », a lancé le pourfendeur de l’ordre établi avant de quitter la scène.

Tania Buri