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Source : Paroles de Palestine

Entretien avec Hana Shalabi, Gaza.

Jeudi 23 mai 2013 - 12 h 00

jeudi 23 mai 2013

A propos !

Entretien avec Hana Shalabi, Gaza,
par almoqawma

Hana Shalabi

Quand as-tu été arrêtée pour la première fois ?

J’ai été arrêtée pour la première fois en septembre 2009 et ai été interrogée pendant 17 jours consécutifs. Ils m’ont accusée d’appartenir au Mouvement du Jihad Islamique et d’avoir participé à la planification d’une opération pour venger mon frère, tué par l’armée israélienne. Ce fut ma première incarcération. J’ai passé 17 jours d’interrogatoire et à aucun moment, je n’ai reconnu un des chefs d’accusation lancés contre moi. Ils m’ont condamnée àsix mois de détention administrative, puis ils ont renouvelé la détention administrative tous les six mois et ce jusqu’à ce qu’à l’échange des prisonniers en 2011. Mon nom était sur la liste. J’ai alors été libérée après avoir passé deux ans et demi en détention administrative.

Quatre mois après ma libération, en février 2012, j’ai de nouveau été arrêtée. J’ai subi une fouille au corps, nue, j’ai été frappée. Je savais qu’ils allaient me mettre en détention administrative dès qu’ils sont venus m’arrêter chez moi. J’ai commencé ma grève de la faim pour protester contre leur politique de détention, la fouille au corps intégrale, les coups… Khader Adnan avait commencé une grève de la faim. J’ai beaucoup souffert en détention administrative et c’est une des raisons qui m’ont conduite à commencer une grève de la faim. Trois jours après ma deuxième arrestation, j’ai su que j’étais en détention administrative et j’ai continué la grève de la faim. Après 44 jours de grève de la faim, j’ai appris que j’allais être exilée dans la bande de gaza, après des négociations….

Peux-tu nous raconter comment s’est déroulé l’interrogatoire qui a duré 17 jours ?

Pendant l’interrogatoire, j’étais obligée d’enlever mon voile, c’est interdit. Ils me l’ont pris ainsi que tous mes vêtements. J’étais en t-shirt et en short pendant tout l’interrogatoire, pendant 17 jours sous terre. Je n’ai pas vu le soleil, ni respirer l’air ! Je ne savais pas quel jours on était, je n’arrivais pas à dormir, il y avait une lumière rouge allumée en permanence. Certaines fois ils diminuaient son intensité puis l’augmentaient. Je ne savais pas quelle heure il était. Pour la prière, je n’avais pas de repère, je priais sans savoir quel moment de la journée nous étions. Quand je demandais au soldat quelle heure il était, il me disait de la fermer.. Je voulais juste savoir quelle heure il était, je ne pouvais pas savoir, je n’avais pas le droit de voir le soleil ! Quand je suis sortie de l’interrogatoire, j’ai demandé à mon avocat combien de jours j’avais passés sous terre. 17 jours me répondit-il, je n’en revenais pas. J’étais complètement perdue, je n’avais aucun repère ! J’étais enterrée pendant 17 jours sous terre, quand je suis sortie, tout me semblait nouveau !

Quel était ton quotidien en prison ?

J’étais dans la prison de Hasharon Tel-Aviv les deux fois où j’ai été arrêtée. Avant il y avait une autre prison pour les femmes, mais c’était pour le Front populaire et le Fatah. Quant à celle où j’étais, c’était pour le Jihad et le Hamas. En prison, j’étais des fois en cellule d’isolement, seule, parfois avec les prisonnières israéliennes de droit commun, des femmes emprisonnées pour mœurs, meurtres, drogues…ils nous mettent avec elles pour nous provoquer.

Jusqu’à maintenant, ils le font avec les 14 prisonnières palestiniennes….Quand j’étais en grève de la faim, on me mettait devant une cellule où des prisonnières israéliennes mangeaient, pour que je les regarde, pour me punir.

C’est à ce moment qu’ils nous ont déplacées dans le département des prisonnières de droit commun, et les prisonnières palestiniennes restantes y sont toujours. Elles subissent l’attitude et les comportements de ces prisonnières israéliennes, qui par exemple, fument du hashish devant nous, se mutilent devant nous. Les gardiens sont au courant et nous laissent là parce qu’ils savent très bien que cela nous plombe le moral, en particulier lorsque une prisonnière est en grève de la faim, ou est isolée…

C’est une punition.

Avant, les prisonnières palestiniennes étaient dans un département qui leur était propre, mais maintenant elles sont avec les prisonnières de droit commun, dans un seul et même département.

Quand j’y étais, j’étais pendant un temps dans le département des prisonnières politiques, puis après ils m’ont mise avec les prisonnières de droit commun. Mais pendant ma grève de la faim, j’étais une journée avec les prisonnières de droit commun, une semaine avec les autres palestiniennes, et une semaine en cellule d’isolement. C’est ainsi qu’ils traitent ceux qui sont en grève de la faim.

Les prisonnières politiques sont toutes palestiniennes.

Pour que je rompe ma grève de la faim, ils me mettaient avec les prisonnières de droit commun dans une cellule à côté d’elles pour que je les vois manger, où pour que je les vois se mutiler..puis en cellule d’isolement.

Quelles étaient tes relations avec les autres prisonnières politiques palestiniennes ?

Quand j’étais avec les prisonnières palestiniennes c’était différent. Elles ne mangeaient pas devant moi, pour m’aider à supporter. Certaines sont sorties de prison et d’autres y sont toujours, comme Salwa Hassan et Lina al-Jarbouni, du Jihad également. Lina jeunait avec moi, en solidarité. Quand elle voulait manger, elle ne mangeait pas devant moi. Elle était la responsable du groupe des prisonnières palestiniennes, car elle est la plus ancienne parmi nous, et de 48. Elle connait tout de la prison. Elle était donc notre responsable et ce jusqu’à maintenant. Je l’ai connue la première fois que j’ai été emprisonnée. Tout le monde me dit, non pas parce qu’elle est restée en prison, que Lina est une femme exemplaire. Selon moi aussi. Je n’ai connu quelqu’un d’aussi formidable qu’elle. Elle est d’une patience ! Tout le monde l’a abandonnée…elle est toujours en prison. Parfois, elle se demande : pourquoi moi, pourquoi je reste ici ? Pourquoi tout le monde m’abandonne ? Lina a déjà fait une grève de la faim, pendant 29 jours en 2003. Elle faisait partie du mouvement lancé par les prisonniers palestiniens. Cette grève de la faim a eu de lourdes conséquences sur sa santé. Jusqu’à aujourd’hui, elle a de nombreuses séquelles, notamment au niveau des articulations.

Comment se comportaient les gardiens avec vous ?

Toutes le 5 minutes, une gardienne venait voir ce qu’on fait, elle nous séparait, elle voulait savoir ce qu’on faisait, si on mangeait, on buvait, si j’étais assise..on nous fouillait surtout la nuit. La sécurité venait la nuit, à une heure, trois heures du matin…. Moi, je ne dormais pas, une prisonnière en grève de la faim n’arrive pas à dormir, la douleur nous en empêche. Lorsque le soleil se couchait, ils ne fermaient pas les portes à clef. Ils faisaient semblant de fermer la grille, puis ils rentraient précipitamment, 15 geôlières et un militaire à leur tête. Ils me faisaient sortir violement de la cellule et m’emmenaient dans une autre pièce, dans la cuisine, ils mettaient de la nourriture sous mon lit, ils me fouillaient intégralement, j’étais complètement nue, quelques fois toutes les nuits. Ils étaient humiliants et odieux avec moi.

Qui procédait à la fouille au corps ?

La première fois qu’on m’a fouillée nue, c’était un soldat, c’était un homme qui m’a fouillée ! C’est d’ailleurs une des raisons qui m’ont poussée à entamer une grève de la faim. Mais lorsque j’étais en grève de la faim, c’étaient des femmes qui me fouillaient. Ils sont vraiment ignobles avec les prisonnières en grève de la faim, ils nous frappent également. Ils disent que cela est faux, mais non, cela a réellement lieu. Avec quatre soldats, trois soldates et un soldat, m’ont attrapée, j’étais alors à mon 36ème jour de grève, et m’ont frappée. J’étais très faible…et je revenais de l’hôpital ! Ils sont dénués d’humanité. Ils peuvent te torturer moralement, physiquement.

Quels sont les moyens d’action dont disposent les prisonniers ?

Le prisonnier n’a qu’un seule arme pour réaliser ses revendications : la grève de la faim. Nous n’avons rien d’autre que la grève de la faim, et cela, les israéliens détestent. Pourquoi ? Quand un prisonnier commence une grève cela signifie que l’ensemble des prisonniers vont le soutenir, vont se mobiliser, et la rue palestinienne va se mobiliser ! C’est une pression sur l’occupant ! Alors l’occupant nous font pression sur le plan psychologique et physique : le prisonnier en grève est fatigué, ils jouent dessus et nous disent : si tu poursuis on va arrêter ton frère, ta sœur, ta mère, on va te mettre en cellule d’isolement ….ils ont menacé de s’en prendre à mes parents…

Pour me faire craquer, ils me mettaient en cellule d’isolement ou seule avec les prisonnières israéliennes de droit commun, j’étais filmée en continu, ils mangeaient devant moi, me mettaient de la nourriture sous le nez…ils laissaient une lumière forte allumée nuit et jours pour m’empêcher de dormir…

Qui te défendait ?

La première fois que j’étais arrêtée, deux avocats palestiniens Saleh Abu Hamid et Mohamed Abed m’ont défendue. La deuxième fois, c’étaient Jawad Boulos, Fadi al-Qawasmi, et un autre avocat palestinien de 48, j’ai oublié son nom…Il y avait aussi une avocate israélienne qui m’a été attribuée d’office par les israéliens. Ils voulaient me faire passer pour une dingue….et elle leur disait n’importe quoi sur moi ! Les avocats étaient choisis par le mouvement de soutien des prisonniers, par le ministère des prisonniers à Ramallah.

C’est dans les journaux que j’ai su ce qu’ils me reprochaient ! Lina, qui parle parfaitement l’hébreu, elle est de 48, me dit un jour : « regarde, on parle de toi dans la presse israélienne : tu constitues un danger pour la sécurité d’israel ! Tu veux enlever un soldat ou me libérer ?! ». Tout cela est complètement faux, mais c’était écrit dans la presse ! J’ai été très choquée par les accusations lancées contre moi. Lorsqu’ils m’ont arrêtée près de Jénine, ce n’était pas ce dont ils m’accusaient. Ils m’ont accusée de connaitre des prisonniers qui avaient été libérés dans le cadre de l’échange et qui comptaient, selon eux, faire une opération en Israël. Ils m’ont demandée quel était mon surnom au sein de ce groupe… mais, ce n’était pas les accusations que j’ai lues dans la presse israélienne ! Je suis tombée des nues, j’étais choquée quand j’ai vu ma photo avec ces accusations dans le journal. Tout cela est une mascarade, vraiment…

En réalité, ils m ‘ont toujours considérée comme un danger…et ce depuis la première fois où j’ai été arrêtée. Ils m’avaient à l’époque proposer l’exil….Pendant l’échange des prisonniers, ils m’ont emmenée à la croix rouge et m’ont dit : tu veux qu’on t’exile ? Je leur ai répondu que non !

Et j’ai été exilée à Gaza.

Et ta famille a réussi à venir à Gaza te rendre visite ?

Oui, ma mère et mon père sont venus me rendre visite, mais pas mes frères, ils sont prisonniers….