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Dégâts colatéraux majeurs (ndlr)

Un sort incertain pour les Palestiniens en Syrie

Jeudi, 19 juillet 2012 - 6h41 AM

jeudi 19 juillet 2012

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Où l’on... nous apprend qu’au delà de la rhétorique, en périodes de troubles et de bouleversements dans les pays arabes, les réfugiés palestiniens se retrouvent à nouveau seuls et dans une position particulièrement précaire.

Neutralité nécessaire

Les récits contradictoires et polarisés sur les Palestiniens en Syrie, ainsi que tout ce qui émane du pays et y appartient, ne nous apprennent rien sur les répercussions réelles et matérielles sur les peuples des deux camps et des zones environnantes. Au cours de l’année écoulée, les déclarations et les conférences de presse des membres de l’Alliance en Syrie dépouillées de toute rhétorique nous ont appris le désir des factions et l’accent mis sur les Palestiniens et la neutralité politique des camps, et soulignent le danger de les entraîner dans les évènements (et parlent souvent des intérêts cachés qui voudraient exactement faire cela).

D’autre part, les déclarations de l’UNRWA, au cours de l’année écoulée, dressent un tableau cohérent des camps palestiniens et des zones environnantes où ils vivent également, touchés par les répressions sur leurs villes respectives, à cause de la suspension des services de secours en mai 2011 à Deraa, dans les villages environnants et à Homs, ainsi que l’incapacité de l’agence d’accéder à Lattaquié en août 2011. Les porte-parole de l’agence ont également systématiquement souligné la catastrophe potentielle qui pourrait toucher les Palestiniens si, de quelque façon que ce soit, ils étaient entraînés dans les évènements, ce qui, dans le pire des cas, pourrait conduire à leur déplacement une fois de plus.

Le Hamas a également été extrêmement cohérent jusqu’à son récent départ du pays, quoique dans d’autres domaines. Le leadership, basé à Damas, a maintenu un silence strict à propos de la Syrie jusqu’à l’interview en arabe de Khaled Meshaal à Al Jazeera, fin décembre 2011. Dans cette interview il remarque que le Hamas aurait aimé voir le régime combiner la réforme dans le pays et le soutien à la résistance, et que le Hamas est à la fois fidèle au régime pour son soutien au fil des ans et au peuple syrien qui a adhéré au mouvement.

Cette interview, suivie du départ de la direction du mouvement, et le clin d’œil au soulèvement par Ismail Haniyeh, Premier ministre du Hamas à Gaza, dans une conférence à la mosquée Al Azhar au Caire en février 2012, s’inscrivent dans le contexte de changements internes et externes au mouvement qui se sont développés face aux changements de la carte politique arabe après la révolution.

Cette saga de la politique nationale palestinienne s’est également déployée loin des intérêts quotidiens et des dangers réels auxquels sont confrontés les Palestiniens en Syrie où leur présence précède celle du Hamas d’environ cinq décennies. Ces intérêts et dangers comprennent non seulement la menace de déplacement secondaire mais aussi les difficultés économiques croissantes et immédiates, conséquence des sanctions et de la situation dans le pays, et qui se traduisent en inflation rampante, flambée des prix et ruine des propriétaires de petites entreprises.

Présent et futur incertains

Damas et ses régions avoisinantes, où les trois quarts des Palestiniens du pays vivent, ont, jusque récemment, échappé aux bouleversements, ainsi que les camps et les rassemblements palestiniens dans la capitale et ses environs. Cependant cela a commencé à changer pour les zones incluant Damas et les gouvernorats de la banlieue et a affecté tous les résidents de ces zones. Yarmouk a généralement été épargné même si, aujourd’hui, les Palestiniens sont minoritaires dans le camp lui-même, tandis que la tension régnait dans les zones adjacentes à Yarmouk.

Des vidéos de manifestations litigieuses pro et anti régime ont circulé depuis au moins l’été dernier et plus fin janvier 2012. Certaines furent suivies du déni de l’implication palestinienne dans Al Watan qui, antérieurement, a publié les rapports contradictoires sur la participation palestinienne aux premières manifestations à Deraa et à Lattaquié. Au contraire, les manifestations litigieuses ont été attribuées aux Syriens - prétendument des limites du camp, des zones adjacentes et au-delà - par des sources anonymes palestiniennes.

En mars, une voiture à explosé dans l’une des artères les plus calmes du camp, le même jour que l’explosion de deux bombes dans le centre de Damas tuant les personnes à l’intérieur de la voiture. Des développements inquiétants font mention de meurtres mystérieux de cadres de divers rangs de l’Armée de Libération Palestinienne - une brigade de l’armée syrienne dans laquelle tout homme palestinien en Syrie, âgé de plus de 18 ans, doit faire son service militaire - et du meurtre, cette semaine, de seize soldats ALP du camp Neirab à Alep et de leur chauffeur kidnappés sur une route près d’Idlib il y a environ deux semaines.

De plus, « l’enlèvement » et la « libération », deux jours plus tard à Damas, d’un ancien fonctionnaire du Hamas par des ravisseurs « inconnus » a suscité beaucoup moins d’attention que la mort récente, dans sa maison à Damas, de Kamal Ghanaja, un cadre militaire du Hamas. Ce n’est pas surprenant car Ghanaja comme Mahmoud al-Mabhouh, assassiné à Dubai près de deux ans et demi auparavant, étaient inconnus au-delà d’un cercle restreint de confidents et que l’attaque fut décrite comme assassinat et mentionnait le vol de dossiers et l’incendie de la maison de Ghanaja après son assassinat. Tandis que le Hamas annonçait qu’il mènera sa propre enquête sur les circonstances entourant le décès de Ghanaja, des sources anonymes, prétendument issues du mouvement, affirment que sa mort est un accident, ce qui soulève encore plus de questions sur ce qui a eu lieu exactement.

La mort de Ghanaja a également éclipsé le bombardement du camp de Deraa qui a causé quatre morts au moins et l’attaque antérieure du camp de Neirba par des assaillants armés qui ont fait au mois trois autres morts. Alors que le PFLP-GC a publié une déclaration sur l’attaque du camp de Neirab accusant des « groupes terroristes armés », le bombardement du camp de Deraa n’a pas été mentionné. Ces derniers évènement nous révèlent que les frontières fictives entre les Palestiniens en Syrie et les troubles sont de plus en plus difficiles à maintenir.

Comme la situation sur le terrain continue d’évoluer, le sort des Palestiniens dans le pays, ainsi que le sort des Syriens et du pays dans son ensemble, demeure incertain. Cependant, contrairement à leur homologues syriens, les Palestiniens sont des réfugiés avec nulle part où aller en cas de nouvelle détérioration de la crise en Syrie.

Des rapports récents jordaniens examinant la possibilité d’une zone tampon pour les Palestiniens sur la frontière avec la Syrie après que 17 d’entre eux avaient passé la frontière, dressent un portrait troublant de ce qui pourrait survenir. En avril, un membre du Parlement jordanien a décrit le camp Bashabsha, foyer des réfugiés palestiniens de Syrie, plus comme un camp de détention qu’un camp de réfugiés, opposant le traitement réservé par son gouvernement aux Palestiniens avec l’hospitalité accordée aux 95 000 réfugiés syriens en Jordanie.

De plus, les derniers rapports de Human Rights Watch soulignent le récent changement tacite de la politique jordanienne vis-à-vis des Palestiniens venant de Syrie. Ceux qui traversent la frontière illégalement sont non seulement confrontés à la menace d’un retour forcé, mais s’ils ne parviennent pas à trouver un « garant » jordanien, ils sont indéfiniment retenus dans un autre centre de détention « Cyber City », un complexe emmuré qui, comme Bashabsha, se trouve également près de la ville frontalière nord d’al-Ramtha.

Un pays arabe de plus qui ferme ses portes face aux Palestiniens à la recherche d’un autre refuge a connu de trop nombreux précédents. Cette interprétation de la place des Palestiniens dans les évènements en Syrie, au cours de l’année écoulée, nous apprend qu’au delà de la rhétorique, en périodes de troubles et de bouleversements dans les pays arabes, les réfugiés palestiniens se retrouvent à nouveau seuls et dans une position particulièrement précaire.

Cette précarité s’explique en définitive par le manque de reconnaissance et de restitution de leur expulsion de Palestine lors de la création de l’Etat d’Israël et leur situation d’apatride qui en a résulté durant plus de six décennies

Par Anaheed Al-Hardan