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Paix et Justice au Moyen-Orient - Analyse 8 (2017)

Merci monsieur George W. Bush !

Mercredi, 19 juillet 2017 - 9h38 AM

mercredi 19 juillet 2017

Un incendie qui n’est pas prêt de s’éteindre

Strasbourg, le 19 juillet 2017

Avant d’envahir l’Irak, George W. Bush consulta certains dirigeants du Proche et Moyen-Orient dont le roi de Jordanie. Ce dernier prédit que le renversement du pouvoir irakien ouvrirait la « boite de Pandore ».

Ivre de la « poussée vers l’Est » de l’OTAN et de la diffusion de l’influence occidentale dans l’ancien pré-carré russe (facilitée par l’effondrement du mur de Berlin et de l’Union soviétique), George W. Bush n’écoutait que les « néoconservateurs » pressés d’imposer les « valeurs occidentales » par la force, en procédant à la « nation building » - reconstruire une nouvelle nation à l’image américaine - non seulement en Europe de l’Est, mais surtout au Proche et Moyen-Orient. Enhardi, il proposa même de créer un « Grand Moyen-Orient » américain, s’étendant des frontières chinoises à l’Atlantique.

Lesdits « néoconservateurs » évoquaient la « nation building » qui fut appliquée à l’Allemagne et au Japon sortis vaincus et exsangues de la seconde guerre mondiale. Evocation qui voulait suggérer un avenir prometteur aux Irakiens redoutant l’invasion de leur pays par la plus puissante armée du monde dont on sait que le « passage » dans un pays (le Vietnam par exemple) est synonyme de destruction massive et de massacre de civils.

Le parapluie soviétique n’existait plus et des pays comme l’Irak, la Syrie, la Libye paraissaient des proies faciles à « avaler ». L’administration Bush souhaitait ainsi compléter la reconquête américaine de l’ancien espace soviétique. Les chefs militaires promettaient aux soldats qu’ils seraient accueillis comme des « sauveurs » par les Irakiens persécutés par le régime de Saddam Hussein. Sur le papier, tout paraissait à portée de main. Seulement sur le papier ! Car le Moyen-Orient n’est pas l’Europe Orientale et l’Irak n’est pas l’ex-Yougoslavie (re)balkanisée, découpée en de multiples « pays » ethno-confessionnels !

Les Etats-Unis exportent le chaos au Moyen-Orient

L’agression américaine s’appuie toujours sur le « chaos constructif » : créer le chaos pour imposer ses desseins géopolitiques. Ce fut le cas en l’Irak, en Syrie, au Liban et en Libye où les pouvoirs centraux, représentés aux Nations unies, furent attaqués, soit par des armées occidentales, soit par des mercenaires venus d’ailleurs, mais bénéficiant du soutien financier et militaire des pays occidentaux et de leurs alliés régionaux.

Deux facteurs ont fait échouer les projets néoconservateurs. Le premier, c’est le fort sentiment anticolonialiste des peuples et nations du Proche et Moyen-Orient qui se manifeste également sous forme de sentiment anti occidental, en particulier anti américano-britannique. En effet, le peuple irakien, soutenu par les peuples et nations épris de paix du monde, opposa une forte résistance à l’agression américano-britannique. Plus de 5000 militaires américains y ont laissé leur vie sans parler des dizaines de milliers de blessés.

Le deuxième facteur est la présence de l’Iran dans la région qui s’est engouffré dans la brèche « chaotique » ouverte par l’administration Bush, en avançant méthodiquement ses pions au point d’arriver à partager le pouvoir en Irak avec les Etats-Unis. Ce n’est pas tout.

Le chaos au Liban, en Syrie et en Libye

Après l’Irak, les Etats-Unis ont tenté d’exporter le chaos au Liban par l’armée israélienne interposée. La défaite cinglante de l’armée israélienne au Sud Liban en 2006 poussa les alliés occidentaux de la région à encourager une guerre de religion au Liban pendant la guerre de Syrie dans laquelle s’investirent activement l’Arabie saoudite, la Turquie et la Qatar. Selon France 24 de mai 2012 « A Tripoli, dans le nord-ouest du pays, des affrontements confessionnels entre partisans et détracteurs du régime de Damas ont plongé la ville dans un chaos total pendant plus de trois jours. Les violences ont éclaté samedi soir après l’arrestation de Chadi Mawlawi, un salafistes, une branche extrémiste du sunnisme, âgé de 27 ans et soupçonné d’être un « terroriste » par les autorités libanaises. »

La vigilance de la classe politique libanaise, de la population vaccinée contre le chaos, de l’armée libanaise et du Hezbollah a fait échouer le conflit confessionnel qui a quand même fait plusieurs victimes.

En 2011, la révolte justifiée du peuple syrien donna l’occasion aux occidentaux et à leurs alliés locaux d’intervenir massivement en Syrie, par djihadistes interposés, arrivant en Syrie via la Turquie, elle-même servant de base arrière. Ils ont réussi à fragmenter la Syrie, à y semer un chaos indescriptible. Le soutien apporté par l’Iran, le Hezbollah libanais et l’aviation russe aux forces armées syriennes a empêché la chute du régime syrien.

Force est de constater que depuis 1980, la provocation du chaos au Moyen-Orient se solde par le renforcement de l’Iran, par l’extension de sa zone d’influence, de sa « profondeur stratégique », de ses multiples milices et, récemment, par celui de la Russie qui engage ses forces aériennes.

Acculé par l’activisme iranien dans la région, Rex Tillerson, ministre américain des Affaires étrangères, propose de changer pacifiquement le régime de la république islamique. Le chaos est gravé dans le gène de la diplomatie américaine.

Suite au « Printemps arabe » en 2011, une révolte éclata en Libye donnant l’occasion à la France (opération Harmattan) et à la Grande Bretagne (opération Ellamy) de renverser le régime du colonel Kadhafi. Le Canada, la Norvège, le Danemark, la Grèce, la Belgique, les Etats-Unis, la Pologne et le Qatar annoncèrent officiellement qu’ils participeront aux côtés de la France et de la Grande Bretagne. La guerre se poursuit actuellement en Libye dans la confusion totale. Les djihadistes en profitent pour s’implanter dans un grand pays, en proie au chaos interminable et divisé en plusieurs fiefs, dirigés par différentes milices et armées soutenues par des puissances militaires occidentales et la Russie.

Après la conquête de l’Irak, George W. Bush annonça que maintenant « le monde est plus sûr ». Or, depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les djihadistes anti occidentaux gagnent du terrain partout dans le monde au point de menacer la Pax americana du Proche et Moyen-Orient jusqu’aux Philippines, répondant ainsi au chaos américain.

Comme nous l’avons écrit dans l’analyse 6 (2017) : « Al-Qaida, qui ne comptait que 400 membres à la veille des attaques de New York et de Washington, est aujourd’hui forte de plusieurs dizaines de milliers de membres, de millions de supporteurs et de sympathisants, pour ne s’en tenir qu’à l’organisation fondée par Oussama Ben Laden. » En Afghanistan « les talibans contrôlent plus de 40% du territoire et 35% de la population et leur emprise ne cesse de se renforcer » (Jacques Follorou-Le Monde du 5 juillet 2017). Merci qui ? Merci monsieur George W. Bush et ses « néoconservateurs » !

Faut-il rappeler que les djihadistes obscurantistes n’ont aucune chance de réussir, à moins qu’ils modifient radicalement leur comportement rétrograde et s’adaptent à la modernité. « Désormais, les talibans entendent montrer qu’ils administrent des pans entiers du territoire comme un véritable État (…) il n’y a plus d’interdits visant la télévision, les téléphones ou les cigarettes et les filles peuvent, disent-ils, aller à l’école. » (Jacques Follorou-Le Monde du 5 juillet 2017). Il faut un début à tout.

Force est de constater que les États Occidentaux en général et l’État nord-américain en particulier ne connaissent pas très bien le Moyen-Orient et les aspirations anti colonialistes des peuples et nations asiatiques. Selon un adage bien connu « celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre » (Karl Marx).


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