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Source Agora Vox - Le ver est dans le fruit (ndlr)

Israël : la fronde des généraux contre les religieux

Jeudi, 22 décembre 2011 - 9h04 AM

jeudi 22 décembre 2011

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Je vous avais déjà prévenus à plusieurs reprises, y compris il y a bien longtemps dans un article qui avait vu fondre les extrémistes pour qui toute critique d’Israël et de son armée tourne au blasphème, pas moins : dans un état qui devient chaque jour davantage un peu plus théocratique, son armée file un fort mauvais coton en devenant au fil du temps une véritable horde d’illuminés religieux. Un événement relativement récent, un courrier adressé aux plus hauts gradés de Tsahal, a fait la une des journaux israéliens ces dernières semaines à ce sujet. Il était signé de dix-neuf réservistes, tous des généraux de haut rang, qui dénonçaient avec fermeté la dérive de leur armée sous l’influence de rabbins qui dictent davantage désormais leurs lois que l’encadrement militaire ne donne d’ordres véritables.

Avec une telle dérive, l’armée israélienne devient progressivement ingérable, car constituée de fanatiques et non plus de soldats. On peut s’attendre, dans les mois à venir à de belles bavures en cas de conflit avec ces nouveaux soldats faisant leur prière avant l’assaut : entre leur foi et les ordres, ils devront choisir, et certains l’ont déjà fait, en refusant, par exemple, d’évacuer des colonies sauvages... au nom de leur religion.

Evidemment, à peine la lettre parue, les responsables religieux ont réagi en tentant de minimiser l’importance de ce courrier au vitriol : "Les 19 principaux généraux réservistes qui ont signé la lettre au chef d’état-major Benny Gantz, le lundi, mettant en garde des tendances religieuses extrémistes au sein des Forces de Défense d’Israël "ont quitté l’armée depuis longtemps" a déclaré cette semaine le Brigadier Général de Réserve Rontzki, qui était le rabbin de l’armée encore un an et demi auparavant, il a également affirmé que ces officiers vétérans ne savent pas ce que l’IDF est devenue. Les choses sont différentes aujourd’hui", at-il expliqué."

Tout le monde aura remarqué l’auteur de la charge : Avichaï Rontzki, un ancien général, nommé en 2006, mais aussi rabbin, que l’on avait vu aux premiers postes durant l’attaque sur Gaza. L’auteur d’un texte mémorable lors de l’opération "Plomb Durci", affirmant qu’il fallait "Agir sans pitié contre un ennemi cruel" et comparant les Palestiniens d’aujourd’hui aux Philistins d’hier. Distributeur d’un tract, intitulé signé d’un autre rabbin, " Va livrer mon combat : Une tablette d’étude quotidienne pour le soldat et le commandant en temps de guerre ". L’homme qui avait été à la tête d’une de ses fameuses Yeshiva, la "yeshiva hesder d’Itamar" exactement , une école talmudique alliant cours religieux et service militaire (mais ne durant qu’un an et demi ce qui est attirant pour certains jeunes). Dès son arrivée, le journal Haaretz avait déjà fait remarquer que le but de Rontzki était clairement d’effectuer un "lavage de cerveaux" et qu’il représentait lui-même "une menace pour le délicat équilibre entre religieux et laïcs au sein de Tsahal". On ne pouvait donc qu’attendre sans surprises sa réaction. Et il n’est pas le seul à l’avoir fait. Ça c’est même plutôt déchaînés. A croire qu’on avait mis là le doigt sur un sujet extrêmement sensible. Ce n’est pourtant pas la première fois que des anciens officiers israéliens parlent de dérive. Nous en avions exposé ici-même un exemplaire fort représentatif, Yiftah Spector (*).

Pourtant, il y avait de quoi dire ces derniers temps encore, signale Haaretz, car cela débouche sur un comportement de soldats absolument ingérable, ainsi sur le problème de la mixité : "les signataires ont pour origine des événements de protestation - comme ceux de soldats de sexe masculin boycottant les cérémonies officielles où les femmes avaient chanté, ou l’éviction des agents de personnel féminin des unités de combat - sont en effet détachés de la réalité d’être dans l’armée aujourd’hui.

Beaucoup de choses ont changé depuis que des gens comme Ori Orr, Menahem Einan et Yeshayahu Gavish sont arrivés parmi les hauts gradés", remarque avec humour le quotidien. Car ceux qu’ils citent sont eux aussi des adptes des thèses radicales de Rontzki "Orr, par exemple, affirme qu’il n’a jamais rencontré de soldats religieux qui boycottent des événements mettant en vedette les chanteuses. Il n’a certainement jamais vu les histoires imaginées telles que celles-ci, apparues au hasard dans les médias cette semaine : au sujet de la FID adoptant progressivement des règles plus strictes (sur le casher) des normes alimentaires (comme décrit dans les Bamahane hebdomadaires de l’armée) ; ou comme à propos encore du Rabbin Eli Sadan, directeur de l’académie pré-militaire d’Eli, ou sur des conférences sur le "dévouement et le courage" de Baruch Goldstein et d’Yigal Amir (d’après Yediot Aharonot), et a propos de la directive de l’éducation du corps du FID comme quoi les soldats ne doivent pas assister au rassemblement commémoratif annuel à propos d’Yitzhak Rabin (selon Haaretz)."

Bref, en résumé, selon Haaretz, c’est bien un double mouvement réactionnaire et religieux, dirigé par des gens fondamentalement d’extrême droite, ceux ayant applaudi à l’assassinat de Rabin et continuant à applaudir son assassin.

"Quand il s’agit de relations entre les soldats religieux et laïques, il semble qu’en effet, ce n’est plus l’armée, que nous avions l’habitude de connaître. Comme si nous avions cligné des yeux et que l’armée avait changé entre deux" constate amer le journal." Parmi cette plaie, un homme se détache : c’est le Rabbin Eli Sadan, qui exerce une influence grandissante sur les jeunes recrues.

L’attitude provocatrice des jeunes sortis des Yeshivas (et souvent devenus officiers depuis) est une catastrophe pour le fonctionnement journalier de l’armée.

Concrétement, ça se démontre par des demandes individuelles irréalisables en vie commune : "la politique de l’armée israélienne à l’égard de la nourriture cachère, rédigé par le premier rabbin de Tsahal, le rabbin Shlomo Goren dans les années 1950, était basé sur le plus petit dénominateur commun qui pourrait être trouvé entre les soldats religieux et les laïcs : chaque côté sacrifiait quelque chose, mais les salles à manger de l’armée étaient ouvertes à tous. Mais maintenant cette situation n’est pas assez bonne pour l’IDF et ses 3000 soldats ultra-orthodoxes et un groupe croissant d’haredis-sionistes qui ne l’acceptent pas non plus.

Le Rabbinat de l’armée est actuellement penchée vers l’acceptation de demandes de ces soldats ultra-orthodoxes et les règles de cacherouth (qu signifie" la convenance de la cuisine et des aliments"), ce qui nécessitera des budgets plus importants". On est loin de ce qu’avait prévu Shlomo Goren en 1948 !

En organisation comme en coût, c’est bien une catastrophe qui s’annonce, avant même que ces hordes de fanatiques n’aient tiré sur le moindre palestinien, assimilé directement à l’ancien ennemi traditonnel : autrement dit destiné à être abattu sans sommation. On s’achemine vers une armée d’irresponsables fanatisés, bourrés de slogans et de propagande religieuse. Un événement qu’avait déjà évoqué le Times en 2009, lors de événements avec les palestiniens à Gaza.

Un Times qui avait ainsi résumé la distribtion de tracts effectuée par Rontzki : "Un soldat, identifié par le pseudonyme de Ram, est cité comme disant que dans la bande de Gaza ", le rabbinat a distribué beaucoup de brochures et d’articles dont le message était très clair : "nous sommes le peuple juif, nous sommes venus sur cette terre par miracle, Dieu nous a ramenés sur cette terre et maintenant nous devons nous battre pour expulser les non-Juifs qui interfèrent avec notre conquête de cette terre sainte. Tel était le message principal, et pour de nombreux soldats dans cette opération cela avait été une guerre religieuse. "

On avait déjà noir sur blanc, voici deux ans déjà, l’expression d’un fanatisme religieux adapté à une opération de type militaire, ce qui expliquerait bien des actions, comme celle d’abattre des porteurs de drapeau blanc : les conventions de guerre ne peuvent exister dans ce contexte. Des textes rédigés par Shlomo Chaim Ha-Cohain Aviner, alias Claude Langenauer (essayez donc de trouver aujourd’hui son nom français d’origine, vous verrez à quel point il s’est efforcé de le faire oublier !), le rabbin aux 3000 SMS par mois, celui qui vous explique doctement que les dinosaures n’ont pas existé, puisque la Torah n’en parle pas, et que s’ils ont disparu (ah tiens, mais alors ils ont existé, il n’est pas à une contradiction près ?), c’est parce que le monde a été créé quatre fois, et qu’ils devaient faire partie d’un des épisodes effacés par Dieu... chez lui, Darwin a en effet encore du chemin à faire : "lorsque les gens se demandent quel âge a le monde et si nous descendons des singes, et que s’est-il passé dans les temps anciens, je réponds : comme selon la plupart des commentateurs on ne sait pas ! je n’étais pas encore né et donc je n’ai pas pu voir cela" : tout le monde aura noté le haut degré de réflexion consistant à dire que l’on connaît que ce qu’on a rencontré : historiquement, c’est un must ! Que peut faire un pays avec pareil illuminé partisan des seuls "mariages homogamiques" ? Pas grand chose, à part qu’il se targue désormais d’en régenter l’armée !

Le problème est bien de fond car il prend de plus en plus d’ampleur : "Bien sûr, le nombre croissant de soldats religieux et des officiers des forces de l’armée oblige de faire des ajustements, mais maintenant il doit faire face à un éventail de questions qui n’ont jamais été abordées dans le passé.

Pourtant, certains de ces changements, en particulier ceux impliquant des femmes, proviennent de luttes de pouvoir entre les rabbins qui ne sont pas affiliés à l’armée, qui se font concurrence pour rendre plus strictes exigences de leurs élèves en uniforme" poursuit plus loin le journal. On est loin des objectifs militaires ou même sociaux : l’armée israélienne réalisant un brassage assez intéressant de populations, avec sa conscription obligatoire. Chose qui semble désormais sérieusement manquer en France, où l’abandon de ce type d’armée pose régulièrement question ces derniers temps. En Israël, la conscription mêlant des religieux devient un casse-tête bien réel, ne serait-ce que pour la mixité. Un brassage qui n’est pas total, doit-on préciser tout de suite : aujourd’hui, 28% des jeunes Israéliens y échappent toujours pour des motifs religieux ou idéologiques, malgré l’intense offensive de recrutement jusque dans les lycées.

Une mixité refusée par Dov Lior, par exemple : "questionné par un étudiant de yeshiva (établissement d’enseignement religieux) sur la possibilité ou non selon la loi juive de commander des femmes soldates, Lior a répondu par la négative. Le Jerusalem Post qui a publié cette information, n’a pas pu avoir de précisions du rabbin sur ces propos, un porte-parole l’a donc fait pour lui en indiquant qu’il s’agissait d’une question halachique (liée à la loi juive) et qu’il a donc donné une réponse halachique, à un étudiant de la yeshiva Nir Heshder à Kyriat Arba."

A partir de là, l’armée israélienne n’existe plus, elle qui a tant intégré les femmes parmi ses rangs ! Dov Lior, et ces méthodes fourbes, relevées ici : "ce n’est pas la première fois que Dov Lior met son nez dans les affaires de Tsahal. La dernière fois il avait soutenu des soldats de son courant qui s’étaient retirés lors d’un chant tenu par des femmes du cours d’officiers de Tsahal. Dix élèves officiers avaient quitté la salle, quatre d’entre eux ont été définitivement exclus du cours. Questionné une fois encore, "Trouve une bonne excuse pour quitter la salle avant qu’elles ne chantent" avait indiqué Dov Lior à un soldat. Puis il avait ajouté finalement "mais tu n’as pas à expliquer devant qui que ce soit pourquoi tu te lèves soudainement". Imaginez une femme officier donnant un ordre à exécuter à ce genre de recrue... ce qui ne semble pas effeurer le JSS News, quand il évoque avec fierté l’augmentation de 100% des femmes officiers religieuses au sein de l’armée !

A bien y regarder, le service militaire féminin israélien n’est pas exactement celui qu’on croit, et ce depuis sa création en 1948 : "le service militaire obligatoire pour les femmes et les hommes n’est pas « égalitaire » entre les sexes. L’armée israélienne décida que le service militaire des femmes serait substantiellement différent. De ce fait les femmes ne jouissent pas des mêmes avantages : avant tout, elles seront à l’armée pour une durée inférieure ; leur service sera optionnel, voire secondaire, par rapport à d’autre « priorités », notamment la maternité, le mariage et la pratique religieuse (les ultra-orthodoxes considèrent ce dernier point comme incompatible avec la vie à l’armée dont l’environnement masculin est très marqué). En outre, aux femmes seront attribuées des fonctions de support technique et culturel dans l’armée. Mais par rapport à la période précédant l’Indépendance, elles seront, dans le cadre national, exclues des postes de combat et seront encadrées par un corps spécial doté d’une administration autonome." Et ce d’autant plus que là aussi, la polémique s’était présentée en août 2010 avec les photos d’une soldate, Eden Abergil se moquant ouvertement d’un prisonnier palestinien : selon elle, une photo résumant "les meilleurs moments de sa vie " ! Une irresponsable, déclarant juste après à la radio ""Je ne comprends pas ce qu’il y a de mal"... à ainsi rabaisser un prisonnier.

Une dangereuse dérive, chez les hommes également, car les jeunes illuminés ne restent pas simples soldats : bénéficiant d’une aide particulière lors de leurs cursus religieux, ils se destinent pour la plupart à des tâches d’encadrement. Et c’est là où ça devient encore plus dangereux : "en novembre 2011, les données de la Direction de Tsahal, compilées hier, montrent que le système scolaire national-religieux envoie plus de diplômés dans les unités de combat que tout autre système éducatif. Les nationaux-religieux diplômés forment un pourcentage encore plus grand d’agents de combat. Au moment où beaucoup de jeunes laïques, y compris ceux qui choisissent les unités de combat, se contentent de servir leurs obligatoire de trois ans avant de retourner à la vie civile, les soldats religieux sont éduqués à rester en uniforme, au-delà du minimum. Ainsi, 42 pour cent des cadets du cours de formation d’officier d’infanterie les plus récents étaient religieux (neuf cadets dans ce cours avaient été jugés pour boycotter la cérémonie controversée avec des chanteurs femmes)".

Bientôt la moitié des cadets d’officiers religieux, voilà qui pose un sacré problème métaphysique au ministre des armées, mais aussi aux instiutions du pays ! En France, visiblement, on ne se le pose même pas ce problème : selon Richard Prasquier, actuel dirigeant du CRIF, interviewé en pleine opération "Plomb Durci" : "tout le monde s’accorde à dire que l’armée israélienne est actuellement dirigée par de grands professionnels. S’ils ont pris la décision de cette attaque terrestre, c’est qu’elle leur semblait indispensable. Ils agissent en toute connaissance de cause. J’espère qu’ils atteindront leur objectif". Encore un qui ne connait donc pas ce dont il parle.

D’autant plus que s’y mêle un problème politique. En réalité, nous disait encore en 2009 le New-York Times, c’est la droite dure israélienne qui fait ainsi de l’entrisme via l’intermédiaire de la religion : "le corps des officiers de l’élite brigade Golani est maintenant peuplée par des religieux de droite diplômés des académies de préparation" a souligné Moshé Halbertal, un professeur de philosophie juive qui a co-écrit le code de l’éthique militaire et qui est lui-même un religieux pratiquant, mais politiquement libéral. "La droite religieuse cherche à avoir un impact sur la société israélienne grâce à l’armée." La droite, c’est-à-dire ici ce qu’on appelle bien sûr l’extrême droite, dont l’emprise sur le gouvernement israélien devient véritablement étouffante.

Et ce d’autant plus que la vie civile prend le même chemin nous dit Slate : " l’influence croissante des ultra-orthodoxes se manifeste aussi par une ségrégation sexuelle renforcée, partout dans le pays. L’agence presse AP rapporte que ce phénomène progresse à grande vitesse à Jérusalem et apparaît également dans la région de Tel Aviv. Même si les juifs laïcs y sont « l’immense majorité, et (que) la vie ressemble à la plupart des villes occidentales ». Ça pourrait bientôt changer. Le journal israélien Jerusalem Post explique qu’à cause d’un taux de natalité très élevé, la "proportion des Juifs ultra-orthodoxes dans la population nationale devrait passer de 9% actuellement à 15% en 2025".

Une évolution qui n’est pas sans risques, ainsi avec les colons d’extrême droite religieuse, qui, parfois, en arrivent à se retourner contre l’armée quand ils ne la trouvent pas assez en leur faveur. Un récent événement a démontré ce point de non retour de la société israélienne emmenée par ses dirigeants ineptes tels qu’Avigdor Lieberman, lui-même un colon résidant sur une terre volée aux Palestiniens. "Dans la nuit du 12 au 13 décembre 2011, plusieurs dizaines de colons radicaux s’en sont pris à l’armée israélienne" nous apprenait RFI. Des vandales, animés par un slogan "celui du prix à payer" : Sur une route de Cisjordanie, des dizaines de jeunes colons radicaux ont jeté des pierres en direction de la jeep d’un officier. Au même moment, d’autres manifestants en colère entraient de force dans une base de l’armée proche de Qalqilyia, pour y saccager des véhicules, brûler des pneus et semer des clous sur le sol. Ces violences suscitent une vive émotion en Israël où l’armée est très respectée, y compris chez la très grande majorité des colons. Ceux qui ont agi dans la nuit du 12 au 13 décembre 2011 sont une minorité radicale. Ils sont à l’origine des actions de « price tag » ou de « prix à payer », actes de vandalisme généralement dirigés contre la population palestinienne de Cisjordanie". La politique du "prix à payer", rappelons-le, est un cercle infernal, puisqu’elle consiste à pour les colons à s’en prendre à des cibles palestiniennes en représailles contre certaines décisions du gouvernement israélien allant à l’encontre de la colonisation sauvage. D’un côté, on a donc l’armée dévorée de l’intérieur par des extrémistes religieux, et de l’autre attaquée de l’extérieur par ces mêmes extrémistes : décidément, Tsahal est mal en point. La faute à un gouvernement qui a laissé la porte ouverte aux extrémistes, au sein même de son gouvernement. A jouer ainsi au petit Mussolini, Lieberman récolte les fruits frelatés de ses délires paranoïaques. Ceux que reprennent en cœur de jeunes colons, encore plus remontés que leurs prédécesseurs, et que le magazine Le Point appelle les "jeunes des collines", en hébreu "Noar Ha Gvaot". D’où viennent-ils ? Des mêmes écoles, justement : "ces filles et ces garçons se réclament tous de l’enseignement de rabbins ultranationalistes. Pour eux, l’installation de Juifs sur l’ensemble de la terre d’Israël - et donc en Cisjordanie - est un événement messianique et toute évacuation par l’armée de colons juifs irait à l’encontre de la volonté divine". Une nouvelle génération de colons, et une génération dangereuse. Des "hippies d’extrême droite" en quelque sorte (un "mélange de culture hippie et de racisme violent" selon Claire Snegaroff, Michaël Blum dans "Qui sont les Colons ?") ! Des jeunes, par définition... incontrôlables.

Le 10 décembre dernier, nouvelle épisode flagrant de cet état d’esprit qui ronge la société israélienne : c’est le manifestant Moustapha Abderrazek al-Tamimi qui reçoit à bout portant en plein visage une grenade lacrymogène tirée d’une camionnette de l’armée : il décède quelques heures plus tard. Il manifestait contre l’extension d’une colonie juive à Nabi Saleh. On récupérera les clichés de ces derniers instants grâce à Haim Schwarczenberg,un activiste israélien partisan de la paix (il en reste, fort heureusement). Une autre présente sur place, Linah Alsaafin, décrira le tir en provenance d’un officier et non d’un simple soldat, qui a délibérément visé le manifestant à la tête. Une ONG israélienne B’tselem, rappelant fort justement que c’est bien entendu une pratique interdite au sein de l’armée : on est déjà passé à la transgression des règles, semble-t-il, et ce n’est pas la simple piétaille qui en est responsable. Le cancer de la propagande religieuse au sein de Tsahal porte déjà ses fruits. En réponse aux critiques, ou pour tenter de couvrir le geste délibéré de son offiicier, le commandant Avital Leibovich, une femme officier, porte parole officielle de l’IDF, exposait le lance-pierre présumé de l’activiste palestienien tué. Sur les photos de Schwarczenberg, aucune fronde n’était pourtant visible, et encore moins ramassée par le véhicule ayant tiré sur Abderrazek al-Tamimi. Tsahal, obligée de mentir pour couvrir ses exactions, peut-être bien (l’explication donnée était qu’elle aurait été trouvée dans la poche de son djean). Pour ceux qui douteraient des effets de la grenade tirée à bout portant, il y a ce cliché, insupportable.

En quelque sorte le retour de David, contre Goliath, mais inversé cette fois ? Comme dirait Aviner " le sentiment humain doit être dirigé et éclairé par l’intellect, afin qu’il ne cause aucun dommage en entraînant un aveuglement de la personne humaine," sans doute... on ne peut en conclure que l’officier qui a tiré n’avait pas de cervelle, alors. A croire que le gradé fautif n’avait pas assez récité les recommandations obscures (quel métalangage !) du célèbre rabbin, comme celles consistant à "se tenir debout pendant la sirène"... selon lui "une obligation sacrée de respect et de souvenir pour les personnes saintes tombées au combat". Ou est-il allé chercher ça dans la Torah, on l’ignore... peut-être que les fouilles archéologiques sur le prétendu Temple de Salomon (** et ***) lui ont apporté une sirène, qui sait ? A moins que ce fameux Temple ne soit tout simplement pas celui de Salomon... Aviner possédant d’autres préceptes encore, sortis de son fécond cerveau nettement orienté : comme ce superbe "Il est bon d’aller voir des défilés militaires car notre maitre a dit que tout ce qui a trait et sert à la conquête du pays comme les armes ,et , tout ce qui est lié au retour de la royauté en Israël est sacré, c’est ce que faisait notre maitre"...

Toute cette violence, qui n’est donc pas que verbale, à une origine évidente. Dans l’armée israélienne, on trouve de futurs officiers subjugués par un rabbin, qui exerce sur eux une pression énorme, je l’ai déjà indiqué."L’influence du rabbin Sadan sur ces soldats est considérable ; certains disent qu’il a l’impact et la stature d’un major-général. En 1988, Sadan a créé la pré-armée religieuse de l’Académie Bnei David dans la colonie d’Eli - aujourd’hui le plus grand et la plus importante du pays comme institution, dont de nombreux diplômés intègrent des bataillons de commandement." Un chef religieux et militaire qui énonce ouvertement ses opinions politiques, qui sont celles d’un extrémiste de droite, condamnant toujours Rabin pour les accords d’Oslo et le rapprochement avec les Palestiniens : "Sadan lors d’une conférences sur le Memorial Day a rendu une lecture troublante (le texte apparaît dans son intégralité sur le site Internet de l’académie). Le Rabbin Sadan a affirmé à propos de Rabin qu’il représentait certes « le plus grand leadership" mais aussi décaré qu’il était responsable de "l’échec politique de l’histoire d’Israël." "Il n’a laissé aucun héritage", a ajouté le rabbin, et le culte de la personnalité entière qui a vu le jour autour de lui est "illégitime". Après la dénonciation obligatoire de l’assassinat, Sadan a dit qu’il est « surpris par le dévouement et le courage" de l’assassin de Rabin, Amir, et de « l’héroïsme extraordinaire » de Goldstein, qui savait qu’il allait mourir après son massacre à la Tombe du Patriarches. Les dommages qu’ils ont causés "il audra des générations pour réparer », at-il ajouté." Un responsable militaire tenant ces propos, ceux où il évoque clairement son admiration pour l’assassin de Rabin, explique pourquoi les anciens généraux ruent aujourd’hui dans les brancards en dénonçant son emprise sur la jeunesse du pays. Lors de la manifestation anti-Rabin, le jour-même de son assassinat, des jeunes fanatisés avaient brandi les affiches de la honte, représentant Rabin en Himmler.

Le 14 novembre dernier, autre manifestation de cette montée de l’extrême-droite opposée aux accords d’Oslo ou à la paix avec les Palestiniens : le monument à la mémoire de Rabin était profané. Le gouvernement parlant alors un peu vite de "l’acte d’un déséquilibré". En fait de fou, ce dernier avait écrit lisiblement sur la pierre "le prix à payer" et "libérez Yigal Amir" (’assassin de Rabin), deux preuves évidentes et flagrantes de ces liens avec les colons d’extrême droite ! Selon Alliance, qui relate les faits, à sa décharge, "trois de ses frères ainsi que ses deux parents ont été tués en 2001 lors d’un attentat commis dans un restaurant à Jérusalem, a ajouté la porte-parole. Elle a également indiqué que des Palestiniens liés à cet attentat devraient être libérés dans le cadre d’un accord conclu entre Israël et le Hamas qui prévoit la libération, la semaine prochaine, du soldat israélien Gilad Shalit contre un millier de détenus palestiniens".

Et chez les "jeunes des collines" ou Hilltop Youth (****), le fond de panier politique est bien le même : derrière, c’est bien l’extrême droite qui orchestre, laissant les colons sous une immunité judiciaire flagrante soutenue par le pouvoir en place, qui ferme les yeux : "les chiffres parlent d’eux-mêmes" rappelle Le Point : "sur 642 plaintes déposées par des Palestiniens contre des colons depuis 2005, 91 % ont été classées sans suite, par faute de preuves ou en raison de l’impossibilité d’identifier les délinquants. Ceux qui ont finalement été jugés n’ont subi que des condamnations légères, des peines avec sursis ou des amendes. L’extrême droite accorde un soutien sans faille à ces activistes qui, lorsqu’ils sont arrêtés, bénéficient d’une assistance juridique gratuite et d’une aide financière. Il y a aussi ce fascicule publié par Noam Federman, un ancien d’un mouvement raciste interdit en Israël dans le cadre de la loi antiraciste. Sous le titre "Connais tes droits", le livret contient des consignes précises sur le comportement à avoir lors des interrogatoires de police ou face aux enquêteurs du Shabak, la sûreté générale". Federman autre illuminé complet, père de 7 enfants, salué par l’extrême droite israélienne raciste, telle la Jewish Task Force et son directeur Victor Vancier. L’ancien directeur de la Jewish Defense League, un poseur de 18 bombes en plein New-York, condamné à cinq années de prison pour ce méfait. Un autre grand admirateur de Baruch Goldstein, le massacreur : la dérive extrémiste est belle et bien flagrante. A la tête des jeunes des collines... David Ha’ivri, bien connu des lecteurs d’Agoravox (ici posant au milieu des protagonistes), depuis qu’il avait reçu la crème des députés fascistes européens.

Ce sont les mêmes que l’on va retrouver bientôt à la tête de l’armée israélienne, une fois qu’ils auront gravi tous les échelons de la hiérarchie : les années à venir s’annoncent sombres, très sombres pour Israël et son armée dévoyée de son but initial. le pays écoutant bien trop aujourd’hui les sirènes enjôleuses de l’extrême droite. Il y a trois ans, je dénonçais déjà ici cette dérive inquiétante : depuis des députés d’extrême droite européens ont été invités à la Knesset et ont visité des colonies sauvages. En Angleterre, un rabbin d’extrême droite participe aux manifestations d’un mouvement néo-nazi, en Israël même, un groupe de néo-nazis s’est introduit à Yad-Vashem, invité par un extrémiste israélien, et Marine Le Pen elle-même fait des pieds et des mains pour se rendre en Israël après que son compagnon Louis Aliot, ce mois-ci, soit déjà allé tâter le terrain, quitte à prononcer des aberrations et des -mensonges. Israël, davantage encore, est aujourd’hui sur une très mauvaise pente. Celle qui mène tout simplement... au fascisme.

(*) Sur Yiftah Spector, trois épisodes à lire ici :

http://www.agoravox.fr/tribune-libr...

http://www.agoravox.fr/tribune-libr...

http://www.agoravox.fr/tribune-libr