Accueil > Sociétés Civiles à Parlement Européen > « Rien n’est pire qu’une révolution manquée »

Publié par Résistance palestinienne (Tunisie)

« Rien n’est pire qu’une révolution manquée »

Mardi, 8 février 2011 - 11h40 AM

mardi 8 février 2011

============================================

.
Dr Salem Sahli appelle ici les Tunisiens à rester vigilant pour faire aboutir leur révolution, car comme l’a dit le sociologue Pierre Bourdieu « rien n’est pire qu’une révolution manquée. »

Notre révolution « du jasmin » est-elle en train de tromper la rue en ramenant au pouvoir des hommes ayant servi corps et âmes le régime répressif, liberticide et dictatorial de Ben Ali ? S’agit-il d’une nouvelle mouture des prétendues révolutions colorées qu’ont connues la Géorgie, en 2003, avec sa révolution dite des roses et l’Ukraine, en 2004, avec sa révolution orange ?

Des âmes bien-pensantes

La question est légitime et mérite d’être posée. Et pour cause : un scénario à l’identique est en train de se mettre en place avec la bénédiction d’une opposition bien docile. Certaines âmes bien-pensantes tentent, depuis plusieurs jours, de nous faire avaler la couleuvre en nous ressassant en boucle qu’il faut se calmer maintenant, qu’il faut savoir raison garder, que la transition démocratique est en cours, qu’il ne faut pas créer le vide à la tête de l’Etat, que la spontanéité du peuple est un danger, qu’il faut évoluer vers la démocratie sans heurts ni secousses, que nous ne pouvons tout obtenir ici et maintenant et que le temps finira par réconcilier les cœurs et les esprits.

Cet argumentaire en apparence sensé est à mon avis destiné à gagner du temps pour que le régime, ébranlé mais encore debout, reprenne la main et renaisse de ses cendres. En effet, nous voyons ici et là dans différentes régions du pays, les potentats locaux du Rcd et les soutiens de l’ancien pouvoir qui relèvent la tête et tentent de réinvestir la place publique.

Les nervis de l’ancien système

Il nous faut demeurer vigilants, mobilisés, revendicatifs et maintenir la pression sur le gouvernement provisoire. Cette pression peut prendre différentes formes : des rencontres-débats jusqu’aux grèves en passant par les manifestations pacifiques ou la mobilisation des médias.

Car le gouvernement Ghannouchi, y compris dans sa dernière version, n’est pas représentatif du pays réel. Les reculades successives qu’il a faites lui ont été arrachées grâce à la mobilisation et à la pression de la rue.
Certains donneurs de leçons, au nom d’un pragmatisme de circonstance, avaient favorablement réagi à la composition du premier gouvernement.
D’autres avaient même accepté la manœuvre du 14 janvier lorsque Mohamed Ghannouchi assura pendant quelques heures l’intérim de la présidence en s’appuyant sur l’article 56 de la constitution.

Et malgré les avancées constatées, la vigilance est de rigueur car les nervis de l’ancien système sont encore opérationnels dans les ministères et les administrations. Ils jettent de l’huile sur le feu pour créer le chaos et semer la terreur parmi la population. Ils ont même investi le ministère de l’Intérieur et menacé le ministre en personne.

La riposte ne peut venir que des forces démocratiques de ce pays.

Celles-ci doivent parler d’une même voix, s’engager dans la même direction et laisser de côté les querelles personnelles.

Il faut aussi veiller à ce que des espaces de dialogue et de démocratie participative soient créés ou consolidés à l’échelon local dans nos villes et nos villages afin de débattre de l’avenir du pays et maintenir une forte implication des citoyens et des acteurs locaux. La réussite de la démocratie de proximité est le préalable nécessaire à la reconstruction de la Tunisie nouvelle.

Mais attention, la dispersion de nos forces expose le pays au risque de voir le régime, plus ou moins remanié, se refermer comme une huître à la première occasion venue un peu comme il l’avait fait après le 7 novembre 1987.

Le sociologue Pierre Bourdieu nous aura alors prévenus que « rien n’est pire qu’une révolution manquée. »

URL du billet : http://kapitalis.com/fokus/62-national/2607-tunisie-lrien-nest-pire-quune-revolution-manqueer.html