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Par François Bonnet - Médiapart

« Israël saisi de vertige face à l’inconnu »

Mercredi, 2 février 2011 - 8h58 AM

mercredi 2 février 2011

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"Israël est saisi de vertige face à la révolution en cours en Egypte. La chute probable du régime Moubarak provoquée par une immense insurrection populaire est le scénario totalement imprévu pour les Israéliens. Il est également vécu comme le scénario du pire et est en train de provoquer une situation de panique stratégique. Ce renversement de l’ordre régional, bâti depuis trente-deux ans sur le traité de paix entre Israël et l’Egypte puis sur une collaboration appuyée avec Moubarak, oblige les dirigeants israéliens à tout revoir de fond en comble.

Hosni Moubarak, 82 ans.Comme le résume un haut responsable israélien, cité par The Independant, ce mardi : « Pour les Etats-Unis, l’Egypte est la clé de voûte de leur politique au Proche Orient. Mais pour Israël, c’est la voûte tout entière ! » Depuis dimanche, la quasi-totalité des dirigeants israéliens multiplient avertissements, mises en garde et appels de soutien à Hosni Moubarak. Comme le résume Eli Shaked, ancien ambassadeur d’Israël au Caire : « En Egypte, les seuls à être véritablement engagés dans la paix avec Israël sont les membres du premier cercle de Moubarak. Si le prochain président n’est pas de ceux-là, alors nous allons au devant de graves troubles. »

Dès samedi soir, le ministère israélien des affaires étrangères demandait à ses principaux ambassadeurs à l’étranger de faire valoir auprès des gouvernements de chacun des pays la nécessité d’une « Egypte stable ». Dans le même temps, un responsable israélien déroulait l’argumentaire : Américains et Européens, trop attentifs à leurs opinions publiques, négligent leurs véritables intérêts stratégiques ; la Jordanie et l’Arabie saoudite se souviendront de comment a été lâché Moubarak...

La consigne est claire : soutenir Moubarak tant qu’il est possible et brandir le spectre d’un nouvel Iran. C’est ce que le premier ministre Benjamin Nétanyahou a clairement dit à la chancelière allemande Angela Merkel, en visite en Israël lundi : « Notre vraie crainte est de voir se développer une situation que nous avons déjà connue dans d’autres pays, dont l’Iran, avec l’arrivée de régimes islamistes radicaux et répressifs. » « Dans une situation de chaos, a ajouté Nétanyahou, un mouvement islamiste organisé peut prendre le contrôle d’un pays. »

Angela Merkel a eu droit, ce mardi, à la même leçon faite cette fois par celle qui dirige l’opposition à Nétanyahou, l’ancienne ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, aujourd’hui à la tête du parti Kadima. Etats-Unis et Europe sont en train de lâcher un allié fidèle ; le danger islamiste est réel ; une Egypte affaiblie fera d’abord le jeu de l’Iran. Les belles intentions démocratiques sont une chose, les intérêts stratégiques en sont une autre.

Une large partie de la presse israélienne décline à l’envi ces argumentaires. Le quotidien Israel Hayom, réputé proche du premier ministre, met l’accent sur les dérives anti-israéliennes des manifestants égyptiens ; ce qui fait dire à son analyste militaire, Yaakov Amidror, sous le titre « La sécurité vaut mieux que la paix », que « même lorsqu’on entend des déclarations positives de la part de certains dirigeants arabes, la situation peut toujours changer »."