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Par Amira Hass

Où est allée l’hypocrisie ?

Lundi, 20 septembre 2010 - 7h45 AM

lundi 20 septembre 2010

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Dans la fin des années 1970 ou début des années 1980, le professeur Asa Kasher a parlé lors d’une sorte de conférence au sujet des différences entre les gouvernements du Parti travailliste et les gouvernements du Likoud. Les gouvernements travaillistes étaient hypocrites, et il y a quelque chose de positif dans l’hypocrisie, avait déclaré Kasher. Au moins l’hypocrite sait qu’il existe un système fixe de valeurs et qu’il n’agit pas selon celles-ci. En conséquence, il dissimule ses actions.

Il était clair dans l’est commentaires de Kasher que les gouvernements travaillistes savaient que d’imposer sa loi à un autre peuple contre la volonté populaire est un acte inacceptable. Le Likoud, selon Kasher à l’époque, aussi loin que la mémoire permette d’aller après 30 ans, ne se sent pas du tout lié par ces valeurs. L’inadmissible est devenu légitime.

Lieberman et Netanyahu

Selon ce critère, le Premier ministre Benjamin Netanyahu est devenu un travailliste qui joue le jeu de l’hypocrisie, alors que le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman est la version 2010 d’un Likudnik, selon la définition de Kasher. Lieberman est quelqu’un qui dit franchement ce qu’il pense tandis que son Premier ministre le brouille et l’obscurcit afin que les alliés américains puissent prétendre des progrès alors que le temps se passe sur le terrain du déjà vu.

Lieberman le non-hypocrite sait de quoi il parle quand il dit qu’aucun accord de paix ne sera signé, même dans la prochaine génération. Un accord de paix n’est pas un contrat d’affaires. Cela exige un changement de valeurs d’une mesure qui n’existe pas dans le vocabulaire de l’Etat juif et démocratique, qui élève le système de deux poids deux mesures au niveau de la virtuosité. Le peuple de cet Etat est incapable de s’imaginer se défaisant des privilèges que lui confère ce système. Et qui se soucie si le revers de ces privilèges signifie la dépossession, la suppression des libertés et le risque de conflagration régionale ?

Avant-hier, le ministre de la science et de la Technologie, M. Daniel Hershkowitz (du parti Habayit Hayehudi « la maison juive » ndt) a été interrogé sur le programme du matin de la radio de l’armée et a soutenu qu’il était impossible de poursuivre le gel des constructions dans les colonies de Cisjordanie alors que les Palestiniens construisaient encore et encore.

On ne peut pas s’attendre à ce qu’un intervieweur sur la radio de l’armée ou une radio israélienne surprenne et demande, par exemple : « Puisque le principe de l’égalité est soudainement si important pour le lobby des colons, alors pourquoi les habitants de Naplouse et de Jérusalem-Est ne peuvent pas bénéficier d’un projet de logement à Haïfa ou vivre à Ashkelon ou dans un quartier panoramique de la Galilée, tandis que les résidents de Haïfa et du kibboutz Hazorea sont autorisés à construire sur les hauteurs de Naplouse ou dans le quartier palestinien de Silwan à Jérusalem-Est ?

Mais l’intervieweur n’a même pas corriger une telle distorsion des faits et n’a pas dit aux auditeurs que les Palestiniens ne peuvent pas construire comme ils l’entendent. Dans les 62 % cent de la Cisjordanie sous contrôle israélien, connus comme la région C, Israël a gelé les constructions palestiniennes pendant les quatre dernières décennies.

On peut supposer que l’intervieweur, malgré de nombreux rapports, n’est pas au courant du gel de construction au-delà de la zone de résidence allouée aux Palestiniens. L’accroissement naturel ne s’applique qu’aux Juifs. En zone C, les écoles, les jardins d’enfants et l’eau sont seulement pour les Juifs. Les puits de la compagnie de l’eau Mekorot dans la vallée du Jourdain fournit des quantités d’eau pour les colonies et leurs vergers. L’eau provient du territoire palestinien mais les canalisations sont clôturées. Et la terre y est desséchée, parce que les Palestiniens ne sont pas autorisés à obtenir leur propre eau à partir de ces tuyaux, puisque Israël leur impose un quota qui n’est pas à la mesure des besoins des êtres humains ». Dans l’Etat juif et démocratique, au sein de ses frontières virtuelles, c’est clair comme le soleil levant à l’Est.

Si le partenaire américain l’avait voulu, il aurait exigé de commencer l’évacuation des colonies, non pas seulement de continuer à geler la construction. Mais le territoire volé par la barrière de séparation - Ariel, Givat Ze’ev, Maale Adumim, Efrat dans son élégance anglo-saxonne et Jérusalem-Est - sont tous dans le consensus. Consensus de qui ? Le peuple de l’État juif démocratique et les chrétiens évangéliques, bien sûr.

Personne ne pense à poser des questions sur le consensus parmi les résidents des villes et des villages palestiniens sur les terres de qui les colonies ont été construites. Les millions de Palestiniens ne comptent pas du tout. Et des centaines de milliers de Liebermans, sinon plus, ne ressentent pas le besoin d’être hypocrites.

Par Amira Hass

source : Haaretz

traduction : Julien Masri