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Voilà une diplomatie qu’elle est belle ! (ndlr)

Triste France ! (ndlr)

Jeudi, 15 juillet 2010 - 19h

jeudi 15 juillet 2010

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News : FRANCE ISRAËL - INTERVIEW EXCLUSIVE - Christophe Bigot, ambassadeur de France en Israël :

"nos deux pays ont retrouvé des liens privilégiés, à tous les niveaux"

Jul 201013
Par Maxime Perez, à Tel Aviv
Rubrique : France - Israël

A la veille du 14 juillet, l’ambassadeur de France en Israël revient sur les temps forts de son action. Nommé depuis tout juste un an, il analyse avec clairvoyance tous les dossiers liés à Israël : ses relations avec la France, la coopération bilatérale, l’Iran et le processus de paix avec les Palestiniens.

IsraelValley – Monsieur l’ambassadeur, vous êtes en fonction à Tel Aviv depuis l’été dernier. Quel bilan personnel tirez-vous de votre première année de mandat ?

C.B – L’année écoulée a été particulièrement riche car, à défaut de découvrir Israël, j’exerce pour la première fois la fonction d’ambassadeur. C’est un travail de tous les instants, très prenant mais néanmoins exaltant. Je garde en mémoire un certain nombre de moments forts marqués par des visites ministérielles, la tenue d’un forum franco-israélien sur la démocratie et le déplacement d’entreprises françaises. Un travail de communication, moins visible, a également été effectué pour expliquer la position de la France aux Israéliens et inversement. L’actualité étant chargée dans la région, cela n’a pas facilité cette démarche. Pour moi, il est indispensable de faire entendre la voix de la France ici même. Bien entendu, il ne s’agit pas de donner des leçons mais de se comporter comme un ami auprès d’Israël, y compris dans les moments de crise.

On dit justement que l’amitié franco-israélienne a retrouvé ces dernières années un second souffle. Mais sur le plan politique, le positionnement de l’Elysée ne semble pas toujours être bien perçu du coté israélien. Partagez-vous ce constat ?

Très franchement, ce n’est pas mon sentiment. Nos deux pays entretiennent des liens privilégiés, notre relation est chaleureuse. J’ai effectivement connu des périodes plus délicates, comme en 2003, ponctuées de tensions et de malentendus, parfois même d’un climat de suspicion. Mais aujourd’hui, la vision de la France est extrêmement positive ici, et ce au plus haut niveau. Selon moi, cela tient notamment à la sympathie qu’éprouvent bon nombre d’Israéliens pour le président de la république Nicolas Sarkozy. Et puis, il convient de rappeler l’action énergique de la France contre l’antisémitisme. A l’occasion du dernier dîner du CRIF, le Premier ministre François Fillon a exposé une série de mesures importantes qui concernent la Justice, l’éducation et la Police.

Et la politique étrangère ?

Prenez le cas de l’Iran dont le programme nucléaire pose, aux yeux des Israéliens, une menace existentielle. Ce dossier est d’une extrême complexité et figure au coeur des discussions entre la France et Israël. Tous les aspects du problème sont traités. La France a toujours dénoncé avec la plus grande fermeté les propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Ensuite, nous sommes assurément l’un des pays les plus engagés en faveur de sanctions contre Téhéran. Sur ce point, Israël sait qu’elle peut compter sur l’appui de la France. Au Conseil de sécurité, nous avons été très actifs pour faciliter l’adoption de la résolution 1929. Aujourd’hui, nous souhaitons aller au-delà des sanctions votées à l’ONU et proposer des sanctions « européennes » dès la fin du mois de juillet. Ces mesures vont jouer un rôle déterminant.

Croyez-vous à l’efficacité des sanctions ?

Absolument. Si la France a mobilisé toute sa diplomatie pour obtenir l’adoption d’un nouveau volet de sanctions, c’est que nous y croyons. Vous savez, les Israéliens souhaitent eux aussi que les sanctions fonctionnent. D’autres options existent mais elles sont extrêmement dangereuses.

Quel peut être le prochain scénario ?

Même si nous sommes engagés dans une course contre la montre, je crois qu’il faut laisser le temps aux sanctions d’avoir un impact. Les Iraniens, au niveau politique, doivent comprendre quelles sont les conséquences de leur refus d’appliquer les décisions de l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) et du Conseil de sécurité. Nous disposons d’outils de pression pour faire comprendre aux Iraniens qu’ils font fausse route.

Voilà quatre ans que le soldat franco-israélien Gilad Shalit se trouve aux mains du Hamas à Gaza. La semaine dernière, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a rappelé publiquement à quelles conditions Israël était prêt à accepter un échange de prisonniers. Que peut faire aujourd’hui la France ?

Pour moi, cette affaire revêt avant tout un problème humain. Dès ma prise de fonction, je me suis rendu à Mitzpé Hila, auprès des parents du jeune Gilad Shalit. Nous nous connaissons depuis l’époque où j’étais un proche collaborateur de Bernard Kouchner. J’ai un profond respect pour leur modestie et leur détermination à tout faire pour obtenir la libération de leur fils. Le 25 juin dernier, j’ai personnellement transmis à Noam Shalit une lettre du président Nicolas Sarkozy. Montrer notre solidarité à la famille de ce soldat est important. La France multiplie les efforts pour obtenir de nouvelles preuves de vie de Gilad et que le CICR puisse lui rendre visite.

A l’instar de l’Allemagne, la France pourrait-elle s’impliquer dans de futures négociations ?

Soyons clairs. Il y a aujourd’hui un médiateur allemand qui est l’un des responsables des services du BND (renseignements allemands). Il a été choisi d’un commun accord par Israël et le Hamas du fait du travail remarquable qu’il avait effectué lors de précédentes négociations avec le Hezbollah. Le rôle de la France consiste à lui apporter un soutien inconditionnel dès lors qu’il nous sollicite. Comme vous le savez, nous n’avons aucun contact avec le Hamas. En revanche, je m’entretiens régulièrement avec le négociateur israélien Hagay Hadas. Nos échanges se font dans une parfaite transparence, il partage avec nous toutes les évolutions du dossier. Mais la confidentialité reste le maître mot de ces tractations.

Pour aller régulièrement à sa rencontre, vous connaissez bien la communauté francophone d’Israël, sa diversité et la place qu’elle occupe ici. Bien que la question se pose depuis de nombreuses années, Israël continue toujours d’être écarté de la francophonie. Selon vous, s’agit-il uniquement d’un problème politique ? Quel rôle peut jouer la France pour y remédier ?

La France soutient sans ambiguïté l’adhésion d’Israël à l’organisation internationale de la francophonie. Certes, il y a des obstacles politiques liés à l’absence de consensus sur cette candidature, plusieurs pays continuant de s’y opposer. Cela est d’autant plus regrettable que nous recensons en Israël près de 700 000 francophones, dont 100 000 Français. Cette communauté est active. Par conséquent, notre politique consiste à agir comme si Israël faisait partie de cette organisation. Nous faisons en sorte d’intégrer Israël dans un maximum d’initiatives qui ne nécessitent pas une adhésion. A ce titre, nous nous félicitons de l’intégration à l’AUF (Agence universitaire de la Francophonie) de l’Université de Tel Aviv et du Collège universitaire de Netanya. N’oublions pas non plus que le rôle de la francophonie consiste aussi à transmettre le bagage culturel et linguistique français. Nous construisons à cet effet des établissements scolaires comme le lycée Mikvé Israël qui accueille déjà 200 élèves. La connaissance du français est une qualité reconnue et notre culture est appréciée dans le monde entier.

Justement, on assiste, sous votre égide, à une floraison d’évènements culturels franco-israéliens…

Oui, cela rejoint cette même volonté de répandre la culture française et de la partager avec d’autres pays. La société française est extrêmement créative et nous avons souhaité exporter des concepts comme la fête de la musique et la nuit blanche. Récemment, nous avons également organisé un festival du film français. Tout cela contribue à nourrir les échanges avec Israël.

Israël s’est dernièrement rapproché de plusieurs instances internationales comme l’OTAN et l’OCDE dont il est devenu un membre à part entière. L’Etat hébreu assure également depuis peu la présidence du projet EUREKA. En avril denier, vous aviez participé à Paris au lancement de la Maison commune Europe-Israël. Selon vous, ces différentes initiatives permettent-elles également de renforcer la coopération avec la France ?

D’abord, la France a toujours soutenu l’entrée d’Israël à l’OCDE. Etant donné les performances économiques de ce pays, cette adhésion m’apparaît tout à fait logique. Concernant la création d’une Maison commune Europe-Israël, l’objectif est d’élargir à l’Union européenne une structure similaire à celle de la Fondation France Israël, qui est dirigée par l’ancienne ministre Nicole Guedj. Il est important de rapprocher les opinions publiques européennes et israéliennes. Naturellement, ce type de démarche offre un nouvel outil de coopération entre la France et Israël.

Comparativement à d’autres pays européens (Allemagne, Espagne), les échanges commerciaux entre la France et Israël sont à la traîne. En revanche, la coopération technologique et scientifique est au beau fixe. Qu’en est-il précisément ?

Au niveau de la coopération technologique et scientifique avec Israël, la France se situe au troisième rang derrière les Etats-Unis et l’Allemagne. Nous finançons chaque année des recherches menées conjointement par des laboratoires français et israéliens. Dans un pays comme Israël où 5% du PIB est investi dans la recherche, je considère que la France a un intérêt majeur à être plus présente dans ce secteur. Mais même si 60% de notre budget de coopération est consacré aux échanges entre laboratoires, l’obstacle reste toujours financier. A ce jour, deux laboratoires du CNRS et un de l’INCERM sont partenaires de laboratoires israéliens. Rappelons aussi qu’un accord institutionnel lie, depuis 1975, l’institut Weizmann à l’Institut Pasteur. Ce que je souhaite, c’est que cette action se décline et qu’on assiste, par la suite, à la création de startups. C’est sur ce plan qu’il faut renforcer le lien entre le scientifique et le monde de l’entreprise, booster davantage le secteur de l’innovation. Mon rôle consiste donc à convaincre les investisseurs d’exploiter ce formidable potentiel que concentre Israël sur le plan de la recherche.

La France s’implique également beaucoup dans les territoires palestiniens. La création d’un parc industriel à Bethléem a constitué l’un des évènements forts de votre première année de mandat. En quoi cette implication peut être profitable à Israël et à la paix ?

En même temps qu’une reprise des négociations de paix, il est indispensable que la situation des Palestiniens s’améliore en Cisjordanie. Cela passe par des mesures d’allégements sur le terrain, comme la levée des barrages, mais également par un renforcement des activités économiques. Le projet français de parc industriel est aujourd’hui à un stade très avancé grâce à l’efficacité et à la détermination de Valérie Hoffenberg. Nous avons également pu bénéficier de la coopération du Premier ministre palestinien Salam Fayyad et d’un certain nombre de dirigeants israéliens comme Sylvan Shalom et Ehoud Barak. Désormais, notre objectif est d’attirer des entreprises et d’obtenir de la part des Israéliens un libre passage des marchandises.

L’arrivée de Salam Fayyad à la tête de l’Autorité palestinienne a-t-elle changé la donne ?

C’est un interlocuteur de grande qualité. Il réalise d’abord un excellent travail sur le plan de l’économie et des finances publiques palestiniennes. Ensuite, les Israéliens sont les premiers à le reconnaître, il est très efficace sur le plan de la sécurité. S’il n’y a pas d’attentats en Israël, c’est grâce à l’action des services de renseignements israéliens mais aussi à celle de Salam Fayyad sur ce terrain là. Sa présence actuelle est une chance pour Israël.

Comment jugez-vous l’état du processus de paix ?

La France souhaite qu’Israéliens et Palestiniens puissent rapidement passer à des négociations directes. Il faut également que des efforts soient menés pour rétablir la confiance et permettre d’aborder tous les points sensibles du dossier. Il en va de l’intérêt d’Israël et de sa sécurité d’arriver au plus vite à un règlement de ce conflit. Incontestablement, la création d’un Etat palestinien y participera. Benyamin Netanyahou a clairement indiqué dans son discours de Bar Ilan que la solution au conflit passait par la création d’un Etat palestinien vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël.

Que peut apporter la France ?

Au Moyen-Orient, la France dispose de relations particulières avec l’Autorité palestinienne comme avec des pays comme l’Egypte et le Liban. Nous avons également des contacts avec la Syrie. Tout cela peut être profitable à Israël. Les choses doivent être analysées de façon globale.

Propos recueillis par Maxime Perez