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Rubrique quotidienne « les prisonniers »

L’EMPRISONNEMENT DES ENFANTS

UNE SOUFFRANCE INFLIGEE DELIBEREMENT

dimanche 18 décembre 2005

Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole à La séance d’ouverture de cette importante conférence.

Il est particulièrement significatif que cette conférence se tienne à Bethléem, en Palestine. Environ 300 enfants sont en ce moment prisonniers dans les prisons et les centres de détention Israéliens. Depuis le commencement de l’Intifada, plus de 2 500 enfants Palestiniens ont été arrêtés par la police ou l’armée Israélienne.

L’arrestation d’enfants n’est qu’un élément de l’expérience globale de détention subie par les Palestiniens. Depuis le début de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967, plus de 650 000 Palestiniens ont été arrêtés. Ceci est un nombre énorme si on évalue la population de la Cisjordanie et de Gaza à près de 3,5 millions d’habitants. La détention et l’emprisonnement sont un aspect central de la vie Palestinienne depuis les dizaines d’années que dure l’occupation. En vérité, je suis sûr que chacun des Palestiniens assis dans cette pièce, ou bien a été en prison lui-même, ou bien a un membre de sa famille proche derrière les barreaux. La majorité du staff de DCI/PS a été dans les prisons Palestiniennes, et quelques uns les ont connues dès leur enfance. Aujourd’hui, environ 8 000 Palestiniens sont retenus comme prisonniers politiques.

Le message essentiel que je veux souligner aujourd’hui est que la prison joue un rôle fondamental dans le fonctionnement de l’occupation Israélienne. Il s’agit d’une pièce maîtresse du système Israélien de contrôle et, dans notre travail pour libérer les prisonniers politiques Palestiniens, y compris les enfants, nous ne devons jamais perdre de vue cet aspect.

Tout au long de cette conférence, nous entendrons comment les enfants Palestiniens sont détenus, condamnés et traités pendant les interrogatoires et pendant leur séjour en prison. Je veux ici vous donner un bref aperçu du mode de fonctionnement du système de détention Israélien pour ce qui est des enfants. Nous devons cependant garder à l’esprit que cette expérience ne concerne pas seulement les enfants, elle est commune à tous les détenus Palestiniens.

Les enfants sont arrêtés aux checkpoints, dans les rues, chez eux au milieu de la nuit par des soldats Israéliens lourdement armés. La méthode d’arrestation est mise en scène de façon à créer un sentiment de crainte. Vous allez passer quelques jours en Cisjordanie dans les prochains jours, et si vous vous déplacez un peu il est tout à fait possible que vous voyez des enfants retenus, debout au soleil, à des checkpoints, attendant qu’une jeep militaire les emmène. Les enfants sont menottés et parfois les yeux bandés lors de l’arrestation. Pendant les arrestations au domicile, les soldats hurlent et menacent les membres de la famille pendant l’arrestation des enfants. Souvent ils détruisent les objets personnels au cours du raid dans la maison.

Pendant la seconde Intifada, Israël a repris une politique d’arrestations de masse arbitraires. Des jeep israéliennes parcourent les zones mises sous couvre-feu et par haut parleur ordonnent à tous les hommes de 14 à 50 ans de sortir de chez eux et de se rassembler en un point central, par exemple une cour d’école. Environ 15 000 Palestiniens ont été arrêtés dans ces rafles de masse au cours de la seule année 2002. On estime que 5 à 10 pour cent de ces personnes étaient des enfants.

On ne dit pas en général aux enfants le motif de leur arrestation, et on les emmène dans des centres de détention dans des implantations israéliennes ou des camps militaires. On ne leur présente pas de mandat d’arrêt pendant l’arrestation et le plus souvent leurs familles ne sont pas informées de l’endroit où ils ont été emmenés, et on leur refuse l’assistance d’un avocat et les visites de leur famille une fois qu’ils sont parvenus au centre de détention.

Les enfants sont alors soumis à un interrogatoire accompagné presque toujours de quelque forme de torture ou de brutalité. Ceci peut comporter la privation de sommeil ou de nourriture, être soumis à un langage menaçant, être battu, dans certains cas être torturé comme d’être attaché dans des positions contorsionnées inconfortables pendant de longues heures. Les interrogateurs mettent souvent un bandeau sur les yeux des enfants pendant les interrogatoires et menacent de punir leurs familles s’ils n’avouent pas.

Une fois qu’un enfant ¨Palestinien a subi l’interrogatoire, on lui fait signer une confession en Hébreu, une langue que les enfants Palestiniens ne comprennent pas. Le DCI/PS a eu connaissance de beaucoup de cas d’enfants qui ont signé des déclarations qu’ils ne comprenaient pas et avouant des faits dont ils n’avaient jamais parlé.

Les enfants sont ensuite amenés devant un tribunal militaire, comme tout Palestinien accusé pour des raisons politiques, et ils sont devant un juge militaire qui va prononcer une sentence. Ces tribunaux ne sont pas soumis aux règles du droit civil israélien, mais fonctionnent selon un système d’ « ordres militaires » qui ne s’appliquent qu’aux résidents Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ce système d’« ordres militaires » est en vigueur depuis le début de l’occupation en 1967. Il est important de souligner que les enfants des colons israéliens qui vivent dans les mêmes endroits sont traités selon la loi civile israélienne qui comporte tout un large éventail de protections qui ne sont pas offertes aux enfants Palestiniens. Il n’y a pas de tribunaux pour enfants, pas d’officiers pour des condamnations probatoires, ni de peines particulières pour les enfants. Le fait que deux systèmes légaux différents s’appliquent à des gens qui vivent au même endroit selon leur nationalité est un exemple de plus du régime d’apartheid sous lequel vivent les Palestiniens.

On peut aussi voir que ce système d’apartheid s’applique au type de condamnations infligées aux enfants. La plupart des enfants Palestiniens sont arrêtés et accusés d’avoir lancé des pierres. Les enfants Palestiniens accusé de cela reçoivent régulièrement des condamnations supérieures à 6 mois, pouvant aller jusqu’à plusieurs années. La durée de la condamnation ne dépend d’aucune échelle objective mais varie selon les circonstances politiques.

Après la condamnation ; les enfants Palestiniens sont envoyés dans des prisons situées sur le territoire d’Israël proprement dit, en violation du droit international. Là, on leur refuse des contacts réguliers avec leurs famille, on les empêche de recevoir une éducation et souvent on les empêche de recevoir les visites d’un avocat. Ils reçoivent une nourriture de qualité insuffisante dans des institutions surpeuplées, on leur refuse des soins médicaux adéquats et très souvent ils sont battus ou maltraités d’autre manière par les gardiens de prison.

Les effets psychologiques de ces emprisonnements sur les enfants et leurs familles sont immenses et ont été bien observés. Presque tous les enfants qui sortent de prison souffrent d’un forme ou d’une autre de désordres post-traumatiques, qui se manifeste par une extrême agitation, des lits mouillés, et l’incapacité de créer des liens avec des amis ou même des membres de leurs familles. Beaucoup d’enfants anciens détenus choisissent de quitter l’école prématurément et vivent souvent dans la crainte de futures détentions.

Le processus de détention et d’incarcération des enfants Palestiniens comporte beaucoup de détails dont nous entendrons parler dans les prochains jours. Le DCI/PS dispose d’une documentation extensive sur ces sujets et j’encourage les gens qui sont ici à consulter les publications disponibles à al conférence.

Je veux cependant souligner quelques points.

Tout d’abord, la procédure d’arrestation, de torture et d’emprisonnement n’est pas arbitraire, et n’est pas non plus le résultat d’une mauvaise formation, ni d’une mauvaise compréhension des principes des droits de l’homme. Israël est signataire de la Convention sur les Droits de l’Enfant et sait parfaitement bien comment des enfants devraient être traités derrière les barreaux. Il y a un fait écrasant qui frappe l’observateur le plus superficiel. Ce fait est que chacun des détenus Palestiniens quel qu’il soit est confronté aux mêmes types de traitement et de brutalités. La conclusion, simple, que l’on peut tirer de cette observation est que le système ne fonctionne pas de la sorte par accident mais avec des objectifs et des buts bien identifiés. En vérité, depuis 1967 ce système a été continuellement raffiné et rendu plus efficace de façon à éviter la condamnation et les sanctions internationales. C’est une procédure consciente avec des buts bien précis.

Ces buts comportent la destruction délibérée du tissu social Palestinien. En soumettant des enfants à la détention arbitraire, en les maltraitant, en les séparant de leurs familles et de leurs amis pendant parfois des années, le gouvernement israélien s’efforce consciemment de détruire les familles et la société Palestiniennes. C’est une politique qui affecte chaque Palestinien. Elle se poursuit depuis 1967. Le fait que les expériences décrites plus haut sont communes à chaque Palestinien conduit inéluctablement à cette conclusion.

Par ailleurs, Israël utilise les prisonniers Palestiniens, y compris les enfants, comme otages dans les négociations politiques. C’est un aspect important qui est souvent mal compris par la communauté internationale. Ce n’est pas par coïncidence qu’Israël entreprend souvent des campagnes d’arrestations massives et arbitraires juste avant l’ouverture de nouvelles négociations. Ce n’est pas une coïncidence si Israël agite la carotte de la libération de prisonniers de façon à mettre la pression sur les Palestiniens au cours du processus de négociations.

Il est aussi très important de comprendre que lorsque on entend parler de libération de prisonniers, ceux-ci sont principalement des prisonniers en fin de peine et auraient dû être libérés de toutes façons. Nous devons l’affirmer sans équivoque, les prisonniers palestiniens ne sont pas un objet de marchandage. J’espère que nos hôtes internationaux n’oublieront pas cet aspect lorsqu’ils retourneront chez eux.

Israël utilise aussi l’emprisonnement afin d’obliger les Palestiniens à collaborer avec eux. Ceci est une méthode particulièrement insidieuse, particulièrement en ce qui concerne les enfants. Le DCI/PS a connu beaucoup de cas d’enfants qui ont été torturés ou alors à qui on a offert la libération ou des peines légères s’ils acceptaient de devenir des informateurs sur leurs communautés.

Par-dessus tout, la politique israélienne de détention est principalement conçue pour asservir les gens et les contraindre à la soumission. En conduisant des arrestations extensives, en imposant des punitions d’une extrême dureté, en maltraitant les prisonniers, le israéliens s’efforcent de décourager les Palestiniens de s’engager dan la lutte contre l’occupation. Un signe de la présence de cet objectif politique des arrestations est le fait que la longueur des condamnations, et la façon générale dont les enfants sont traités au cours de la détention
dépendent surtout de la situation politique et non de références objectives.

Tout ceci démontre que la politique de détention d’Israël constitue un des piliers centraux du système général de contrôle en place dans les TO. D’autres éléments de ce système de contrôle qui deviennent vite évidents quand on séjourne ici : les « ordres militaires » sous lesquels vivent les Palestiniens, les checkpoints, la mise sous contrôle de l’économie, de l’eau et de toutes les ressources Palestiniennes Toutes ces mesures constituent d’autre éléments du système de contrôle.

Comme je suis certain que tous ceux qui participent à la conférence l’ont déjà observé, les déplacement des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sont sévèrement restreints et gouvernés par un système compliqué de permis et de cartes d’identité. Pour beaucoup de Palestiniens, il est impossible de s’éloigner de leur voisinage immédiat. Avec le mur d’apartheid qui se dresse autour des petites enclaves Palestiniennes, les Palestiniens sont maintenant placés dan de grandes prisons à ciel ouvert à travers toute la Cisjordanie.

C’est pour cette raison en particulier que la politique de détention d’Israël doit être avant tout comprise dans son sens politique.

Il est crucial de comprendre que ceci signifie que nous devons joindre nos efforts pour nous mesurer aux problèmes systémiques sous jacents au schéma d’arrestations que j’ai souligné aujourd’hui. Nous devons prendre part aux campagnes internationales de plus en plus larges contre la poursuite de l’occupation israélienne et les structures d’apartheid qui la soutiennent. Dans nos efforts de défense du droit, nous devons rendre très clair que la lutte contre la détention des enfants Palestiniens ne peut pas être séparée de nos efforts pour soutenir la lutte pour la libération de la Palestine. Ce n’est qu’avec la fin de l’apartheid israélien et la notre libération réelle que nous libèrerons nos enfants qui sont derrière les barreaux.

Je vous remercie.