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Compte rendu de la conférence-débats du 22 avril à l’ENA à Strasbourg

Israël-Palestine : Peut-on sortir de l’impasse ?

Jeudi, 29 avril 2010 - 9h05 AM

jeudi 29 avril 2010

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Jeudi 22 avril, dans le cadre des rencontres « Cultures de Paix » organisées par l’Association Passages, a eu lieu à Strasbourg, dans la grande salle de l’ENA (Ecole Nationale d’Administration), une soirée-débats sur le thème : Israël-Palestine : Peut-on sortir de l’impasse ?

Passages, en coopération avec le « Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Paix » et « La Coordination de l’Appel de Strasbourg » a réussi à réunir autour d’intervenants variés et de qualité un nombreux public (environ 200 personnes) qui, tout au long de la partie « débats », pris part activement aux très intéressants échanges avec les intervenants qui se prêtèrent de bonne grâce à ce fructueux dialogue.

A la tribune :

- Stéphane Hessel, rescapé de Buchenwald, diplomate, ambassadeur, ancien résistant, rédacteur avec René Cassin de la déclaration universelle des droits de l’homme,

- Nabil El-Haggar, vice-président de l’Université de Lille 1, chargé de la Culture, écrivain d’origine palestinienne,

- Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne, membre de la commission des affaires étrangères (AFET), de la sous-commission des droits humains (DROI) et de la commission des femmes et de l’égalité des genres (FEMM).,

- Yoav Shemer Kunz, citoyen israélien, anti-colonialiste, défenseur de la paix,

- Modérateur : Sophie Rosenzweig, journaliste à Arte qui, à 20h15 donne la parole au doyen des intervenants :

Stéphane Hessel, en attendant que les derniers arrivés s’installent dans l’amphithéâtre, puise dans sa légendaire mémoire littéraire et poétique et capte l’attention en régalant le public de poèmes en français et en allemand. Puis il ouvre la séance en expliquant que beaucoup, en 1948, année de la déclaration universelle des droits de l’homme et du renouveau de l’ONU croyaient qu’on avait trouvé, avec la création de l’Etat d’Israël, une solution au malheur et au génocide des juifs en Occident ; cependant on s’est, au cours des ans, rendu compte que cet Etat créé au détriment des Palestiniens ne tenait pas compte des limites territoriales qui lui avaient été fixées. Ami à la fois des Palestiniens et des Israéliens et, malgré les blocages, Stéphane Hessel rappelle que pour l’ONU il faut un Etat palestinien à côté d’un Etat israélien et que, pour lui, c’est la seule solution. Il cède ensuite la parole à :

Nabil El-Haggar qui explique, en ce haut lieu des futurs énarques, que l’élite de la République française a un vrai problème dans la compréhension du problème israélo-palestinien. Pourtant les faits sont connus. Dès 1897 à Bâle est né le projet sioniste mondial de la conquête d’une terre habitée pour les juifs. L’Etat d’Israël est une pure fabrication de l’Occident colonial et plus particulièrement de l’Angleterre et de la France. Au nom d’une prétendue paix on nous cache la vérité. En 1948, 800 000 Palestiniens ont été expulsés manu militari : c’est un génocide social, une catastrophe (Nakba, en arabe), alors que les Palestiniens ne sont en rien responsables du génocide des juifs perpétré en Europe par le régime nazi et ses alliés de circonstance. Hitler n’était pas palestinien ! Le discours sioniste mondial est repris par l’Occident et la politique européenne, par son silence et ses atermoiements, accepte de fait l’inacceptable. En Cisjordanie seules 12 à 15% de leurs terres d’origine sont encore aux mains des Palestiniens. On ne peut pas construire un Etat sur ces terres, en plus morcelées par une colonisation savamment dispersée et en constante expansion. Pourquoi y-a-t-il des blocages ? Israël est un Etat d’exception, très puissant à qui on ne demande pas de comptes, pourquoi ? .Israël détient environ 200 têtes nucléaires et une chape de plomb est posée sur cette exceptionnelle menace. Il peut tuer, expulser impunément, mettre en avant sa « démocratie », alors qu’il se comporte en Etat colonial d’une extrême violence. Pourquoi ne pas reconnaitre la Nakba, au lieu d’en interdire la commémoration en Israël et en Palestine ?
Nicole Kiil-Nielsen rajoutera, un peu plus tard, qu’on ne peut pas tourner la page de la Nakba avant de l’avoir lue et fait connaître ! Nabil El-Haggar poursuit en demandant à l’Autorité Palestinienne de se dissoudre car elle n’a pas réussi à protéger son peuple ; qu’elle laisse l’ONU assurer la protection des Palestiniens. Israël représente aussi un grand danger pour la démocratie en Europe, conclut provisoirement Nabil El-Haggar car, dès qu’il s’agit d’Israël, nos hommes politiques oublient leurs références habituelles et piétinnent tout simplement le Droit !

Yoav Shemer Kunz, l’Israélien, affirme que la Palestine a commencé à disparaître en 1948 et continue à le faire au fur et à mesure que la colonisation juive (sic) avance. Où mettre à présent l’Etat palestinien ? Ce sera un bantoustan morcelé. Le système israélien n’est pas une démocratie, c’est une ethnocratie (démocratie pour les juifs (sic)). Israël avec son armée est un monstre qui veut terroriser tous les Palestiniens et leurs dirigeants, notamment ceux de Cisjordanie. Ici à Strasbourg, dit-il, j’apprécie la réconciliation franco-allemande, le multiculturalisme. Selon Yoav, les dirigeants européens veulent créer deux Etats (Israël et la Palestine) : c’est archaïque ! il faut trouver d’autres solutions qui évitent de séparer les Palestiniens de leurs terres et empêcheront les dirigeants israéliens de renvoyer les Palestiniens d’Israël (environ 1 200 000 soit 20% de la population d’Israël) vers un ridicule bantoustan palestinien. Il faut un Etat binational ! Nabil El-Haggar lors du débat dira aussi sa préférence pour cette solution.

Nicole Kiil-Nielsen, parlementaire européenne « de terrain », qui veut se rendre compte par elle même des situations in situ, a essayé récemment avec une Délégation officielle du Parlement Européen d’entrer à Gaza ! Le programme avait été acté avec le parlement ; en cours de voyage, les autorités israéliennes ont "bloqué" la délégation parlementaire « pour raisons de sécurité » Elle dénonce les arrestations des Palestiniens, la chasse aux sorcières contre les pacifistes israéliens, parle de la Résistance non violente, comme celle de Bil’in qui met en cause le mur illégal de l’apartheid. Malgré certaines déclarations, l’Union Européenne renforce dans les faits ses relations avec Israël. « Nous ne pouvons pas accepter que la démocratie européenne ne fasse pas respecter le droit international » Comme les gouvernements ne font rien, c’est aux citoyens et notamment aux citoyens-consommateurs d’agir. Elle parle de la campagne de « Boycott, Désinvestissement, Sanctions » (BDS) contre Israël qui se développe notamment dans les pays nordiques et en Angleterre, mais aussi en France et depuis peu aux Etats-Unis. Israël pratique le blocus de Gaza depuis 4 ans, mène une politique coloniale en Cisjordanie et dans la ville-symbole de Jérusalem, une politique d’apartheid extrême avec son gouvernement d’extrême-droite. Le gouvernement français qui encourage par ses actes ou son silence cette politique, donne des ordres aux parquets pour inculper les militants qui participent à la campagne BDS en les accusant de « racisme » et de « discrimination » ! Le maire de Paris, Delanoé, inaugure avec le Président israélien, une promenade « Ben Gourion » (l’homme qui a planifié la Nakba). Il n’est plus possible d’attendre indéfiniment que le Droit soit enfin respecté.

Stéphane Hessel rappelle la propagande israélienne pour que chacun la connaisse, celle que nous pouvons entendre venant souvent tout droit des officiers de Tsahal (armée israélienne) précise Nabil El-Haggar.. Les Israéliens croient-ils qu’on les aime actuellement lorsqu’ils arrivent quelque part dans le monde pour installer des services de sécurité, leur grande spécialité née d’une politique basée sur la force et bafouant le Droit ? Stéphane Hessel espère que le président Obama travaille dans la durée et que, malgré les pressions qu’il subit aux USA de la part de certains milieux pro-israéliens, il réussira peut-être à ramener à la raison les dirigeants israéliens pour la solution prévue par l’ONU. Cela même si, jusqu’à présent, Israël, créé en 1948 par l’ONU n’a respecté aucune des très nombreuses résolution de l’ONU prises à son encontre. Le rapport Goldstone rédigé pour l’ONU après les massacres israéliens à Gaza de décembre 2008 et janvier 2009, doit permettre à Israël et à ses dirigeants de ne pas rester impunis plus longtemps . Il nous parle aussi du Tribunal Russel auquel il participe et qui, composé de spécialistes incontestés du Droit, de la Justice et de la Paix, agit dans le même sens.

Au cours des débats qui suivirent, fut abordé aussi le sort des 11 000 prisonniers palestiniens qui permet à Israël d’exercer en toute illégalité une très forte pression permanente et violente sur les familles en violation des conventions de Genève.
Il fut également dénoncé, lors du débat, le fait que La « communauté internationale », l’ONU, L’Union Européenne ne mettent pas en œuvre les moyens de faire respecter le Droit inscrit dans les déclarations qu’elles ont signées et dont elles se doivent de garantir l’application ; à part quelques discours il n’y a de véritables pressions sur l’Etat d’Israël. Les droits de l’homme, le droit international, bien que bafoués, demeurent pour beaucoup une référence face aux puissants de ce monde qui ne peuvent ni nier l’existence de ces références ni continuer à renier leur signature en s’abstenant d’éxiger le respect de ces derniers remparts contre la politique du pire