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Vous avez dit : l’Europe ? quelle Europe ? C’est une plaisanterie ! (ndlr)

Ashton ne répond plus au téléphone européen après 20 heures

Mardi, 26 janvier 2010 - 22h52

mardi 26 janvier 2010

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Ashton ne répond plus au téléphone européen après 20 heures
« Catherine Ashton est en train de tuer le job », se désole un diplomate européen. Alors qu’elle est officiellement devenue la première chef de la diplomatie européenne le 1er décembre 2009, la Lady britannique ne fait déjà plus illusion. Elle a manifestement décidé d’interpréter a minima ses nouvelles fonctions, à la fois par flemme et par désintérêt pour un poste qu’elle n’a jamais demandé. « Dès son arrivée, elle a expliqué qu’elle ne ferait pas 300.000 kilomètres par an, qu’elle avait un mari et des enfants à Londres ». Alors qu’elle est censée vivre à Bruxelles depuis fin 2008, date à laquelle elle a été nommée, à la surprise générale, commissaire européenne au commerce en remplacement du brillant Peter Mandelson, elle n’a toujours pas d’appartement dans la capitale de l’Union. Sa seule préoccupation : rentrer le plus souvent possible à Londres et quitter l’ennuyeuse Bruxelles.

Ce goût pour l’Eurostar est à l’origine de son premier gros plantage : vendredi 15 janvier, elle annule tous ses rendez-vous à Bruxelles et rentre au pays. Pour des entretiens au Foreign office, semble-t-il. Elle ne rentrera à Bruxelles que le dimanche. Manque de chance, vendredi, c’est justement ce jour-là que choisit Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, pour se rendre en Haïti. Elle n’est pas la première politique, ni la dernière à s’y rendre : il ne s’agit pas de faire du « tourisme du désastre », comme l’explique son porte-parole pour justifier cette absence : « la diplomatie, c’est du symbole et Ashton n’a pas compris ça », grince un haut fonctionnaire du Conseil des ministres. « Je ne suis ni médecin, ni pompier », s’est pauvrement défendu Ashton.

Le Président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, s’est engouffré dans la brèche en envoyant sur place, le mardi 19, son commissaire au développement, Karel De Gucht, histoire de marquer son territoire. En annonçant, lundi, les chiffres de l’aide européenne, Ashton a été tellement confuse que Miguel Angel Moratinos, le chef de la diplomatie espagnole dont le pays assure la présidence tournante de l’Union, s’est fait un plaisir de la reprendre pour expliquer clairement la situation. Et en trois langues, alors qu’Ashton est incapable de parler autre chose que l’anglais.

Les parlementaires européens n’ont guère apprécié ce ratage haïtien (souligné pour la première fois sur ce blog). Dès mardi dernier, les conservateurs, les libéraux et démocrates et les Verts ont dénoncé l’inertie de la chef de la diplomatie européenne. Messo voce, la France a repris ces critiques. Ainsi, hier, à Bruxelles, Pierre Lellouche, le secrétaire d’État aux affaires européennes, a déploré le manque de « visibilité » de l’action européenne : il faut « un drapeau tout de suite, des épaulettes pour marquer la présence aux côtés des États ». « La politique est aussi une affaire de symbole »… La France semble décidée à militer pour la création d’une « force européenne de protection civile », comme l’a proposé Michel Barnier, en 2006, dans un rapport commandé par la Commission et jusqu’à présent resté lettre morte.

Mais c’est loin d’être le seul couac de Lady Ashton. Ainsi, elle n’a pas voulu se rendre à un séminaire organisé par le secrétaire général de l’ONU (pourtant, Hillary Clinton y était), laissant Barroso envoyer José Vale de Almeida, son ancien chef de cabinet devenu directeur général à la Commission chargé des affaires extérieures. Ou encore, elle a refusé de téléphoner aux dirigeants du monde, avec lesquels elle est censée être en contact constant. Et lundi, elle n’était évidemment pas à Montréal, pour la conférence des donateurs à Haïti : elle a "délégué" Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française. Montréal, il est vrai, est loin de Londres...

Comme elle a manifestement fermement décidé de rester étrangère aux affaires diplomatiques, elle ne s’est toujours pas non plus préoccupée d’obtenir son habilitation « secret défense » - et n’a donc accès à aucun document classifié- et le soir, après 20 heures, impossible de la joindre : ses téléphones renvoient au « centre de situation » européen…

Barroso a compris qu’Ashton ne lui ferait pas d’ombre : il a ainsi annoncé que Vale De Almeida , le directeur général des relations extérieures, resterait son « sherpa » personnel, celui-ci échappant donc partiellement à l’autorité de la ministre européenne des affaires étrangères qui voit au passage ce rôle lui échapper. De même, Barroso lui a signifié qu’elle se contenterait de rencontrer les ministres, se réservant les chefs d’État et de gouvernement, sans soulever plus de protestations. Enfin, la Commission semble déterminée à obtenir que le futur service diplomatique européen soit placé sous sa coupe, ce qui serait le plus sûr moyen de lui couper les ailes, les États n’étant pas prêts à lui faire confiance en matière diplomatique.

Ce sabordage du poste est parfaitement en ligne avec la doctrine du Foreign office qui est ravi que ses partenaires aient nommé une Britannique avec l’espoir d’attirer le Royaume-Uni au cœur de l’Union. C’est exactement l’inverse qui est en train de se passer et cela ne va pas s’arranger si les conservateurs gagnent les élections du printemps prochain. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si son cabinet, qui n’est composé que de seconds couteaux, est pour moitié britannique. On ne compte qu’une Française dans son équipe et elle a pris soin de choisir une junior… Bref, « elle n’a ni l’équipe, ni la profondeur, ni l’intention de faire de ce poste ce qu’il aurait dû être », juge un diplomate européen.

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